762 P A I
Cour des pairs, appelée aufli la cour de France,
ou la cour du toi, eft le tribunal où le roi, affilié des
pairs, juge les caufes qui concernent l’état des pairs,
ou les droits de leurs pairies.
Dès le commencement de la monarchie, le roi
avoitfa cour qui étoit compofée de tous les francs qui
étoient pairs ; dans la fuite ces affemblees devenant
trop nombreufes, furent réduites à ceux qui étoient
chargés de quelque partie du gouvernement ou ad-
miniftration de l’état, lefquels furent alors considérés
comme les plus grands du royaume ; ce qui demeura
dans cet état jufques vers la fin de la fécondé
race de nos rois, auquel tems le gouvernement féodal
ayant été introduit, les vaflaux immédiats du roi
furent obligés de fe trouver en la cour du roi pour y
rendre la juftice avec lui, ou en fon nom : ce fut une
des principales conditions de ces inféodations; la cour
du roi ne fut donc plus compofée gue des vaflaux
immédiats de la couronne, qui prirent le nom de
tarons 6c de pairs de France , 6c la cour de France ,
ou cour du roi prit aufli le nom de cour des pairs ; non
pas que ce fut la cour particulière de ces pairs, mais
parce que cette cour étoit compofée des pairs de
France.
Cette cour du roi étoit au commencement dif-
tinfte des parlemens généraux, auxquels tous les
grands du royaume avoient entrée ; mais depuis l’inf-
titution de la police féodale, les parlemens généraux
ayant été réduits aux feuls barons 6c pairs , la cour
du roi ou des pairs & le parlement furent unis 6c confondus
enfemble, 6c ne firent plus qu’un feul & même
tribunal ; c’eft pourquoi le parlement a depuis ce
tems été qualifié de cour de France, coür du roi, ou
cour des pairs.
Quelque tems après fe firent plufieurs réunions à
la couronne, par le moyen defquelles les arriere-
vaflaux du roi devenant barons 6c pairs du royaume,
eurent entrée à la cour du roi comme les autres
| C ’étoit donc la qualité de vaflal immédiat du roi
qui donnoit aufli la qualité de baron ou pair, 6c qui
donnoit conféquemment l’entrée à la cour du ro i,
.ou cour des pairs ,■ tellement que fous Lothaire en
964 , Thibaud le Trichard , comte de Blois, de
Chartres 6c de Tours, fiit exclu d’un parlement,
quelque confidérables que fuflènt les terres qu’il
poffedoit ,* parce qu’il n’etoit plus vaflal du roi, mais
de Hugues duc de France.
La cour des pairs fut plus ou moins nombreufe ,
félon que le nombre des pairs fut reftraint ou multiplié
; ainfi lorfque le nombre des pairs fut réduit aux
(ix anciens pairs laïques , 6c aux hx pairs eccleiiafti-
ques, eux feuls. eurent alors entree, comme pairs à la
cour du roi ou parlement, avec les autres perfon-
nes qui étoient nommées pour tenirle parlement.
Depuis que le parlement 6c la cour du roi ont été
unis enfemble , le parlement a toujours été confidéré
comme la co.ur des pairs, c’eft-à-dire , comme le tribunal
où ils ont entrée, féanee& voix délibérative ;
ils font toujours cenfés y être préfensavec le roi dans
toutes les caufes qui s’y jugent ; c’eft aufli le tribunal
dans lequel ils ont droit d’être jugés , &c auquel
refîortit l’appel de leurs juftices pairies lorfqu’elles
font fituées dans le reflort du parlement.
Le parlement eft: ainfi qualifié de cour des pairs
dans plufieurs ordonnances , édits 6c déclarations-,
notamment dans l’édit du mois de Juillet 1644 , re-
giftré le 19 Août fuivant , « laquelle cour , porte cet
» édit, a rendu de tout tems de grands 6c fignâlés
» fervices aux rois, dont elle fait regner les lois-, 6c
» reconnoître l’autorité & la puiffance légitime.
Il eft encore qualifié de même dans la déclaration
du z8 Décembre 17 14 , regiftrée le 29 qui porte
telle que le parlement eft encore aujourd’hui, La cour
des pairs, 6* la première 6* là principale du royaume.
P A I
Anciennement les pairs avoient le privilège de ne
répondre qu’au parlement pour toutes leurs caufes
civiles ou criminelles ; mais depuis ce privilège a été
reftraint aux caufes où il s’agit de leur état, ou de la
dignité 6c des droits de leur pairie.
Les pairs ayant eu de tout tems le privilège de ne
pouvoir être jugés que par leurs pairs ; c’eft fur-tout
lorfqu’il s’agit de juger un pair, que le parlement eft
confidéré comme la cour des pairs , c’eft-à-dire le
tribunal feul compétant pour le juger.
C’eft fur-tout dans ces occafions que le parlement
eft qualifié de cour des pairs.
Le pere Labbé en fes mémoires rapporte un arrêt
de 12.24, rendu en la cour des pairs contre une com-
tefle de Flandres ; le chancelier, les grands bouteil-
lef & chambellan , le connétable & autres officiers
de l’hôtel du roi y étoient.
Froiflard, ch. cclxvij. dit que le prince de Galles
fils d’Edouard Ill.roi d’Angleterre , ayant voulu exiger
du Languedoc un fubüde confidérable, la province
en appella à la cour des pairs, où le prince fut cité j
6c que n’étant point comparu , il fut réafligné : il y
eut en 1370 un arrêt rendu contre lui par défaut, qui
confifqua la Guyenne & toutes les terres que la mai-
fon d’Angleterre pofledoit en France.
Un autre exemple plus récent où il eft fait mention.
de la cour des pairs, eft celui d’Henri IV. lequel
s’oppofant à l’excommunication qui avoit été prononcée
contre lui, en appella comme d’abus à la cour
des pairs de France, defquels i l avoit, difoit-il, cet hon~
neur d'être le premier.
On peut voir dans le recueil du pere Anfelme 9
tome I II. les différens exemples de la jurifdiftion
exercée par la cour des pairs fur les membres, & fes
prérogatives expliquées ci-après au mot Parlement.
Il ne faut pas confondre la cour des pairs, ou cour
commune des pairs ,avec la cour particulière de chaque
pair : en effet, chaque pair avoit anciennement
fa cour qui étoit compofée de fes vaflaux, ou pairs
appellés pares, parce qu’ils étoient égaux entr’eux :
on appelloit aufli quelquefois Amplement franci ,
francs, les juges qui tenoient la cour d’un pair, comme
il fe voit en l’ordonnance de Philippe de Valois,
du mois de Décembres 344.
Préfentement ces cours particulières des pairs font
ce que l’on appelle les juftices des pairies ; voye£ ci-
après l’art. Justice des pairies.
Cour fuffifamment garnie de pairs, n’eft autre chofe
que le parlement ou la cour des pairs, lorfqu’il s’y
trouve au moins douze pairs, qui eft le nombre ne-
ceflaire pour juger impair, lorfqu’il s’agit de fon état.
On en trouve des exemples dès le xj. fiecle.
Richard , comte de Normandie , dit, en parlant
du différend d’Eudes de Chartres avec le roi Robert,
en 1025,’ que le roi ne pouvoit juger cette affaire ,
line confenfü parium fuorum.
Le comte de Flandres revendiqua de même en
1109 le droit d’être jugé par fes pairs , difant que le
roi devoit le faire juger par eux, & hoc per pares fuos
qui eum judicare debent.
Jean fans Terre, roi d’Angleterre, fiit jugé eft
1202, par arrêt du parlement fuffifamment garni de
pairs. Du T ille t, Mathieu Paris , à (,’ari 12.16, dit
en parlant du jugement rendu contre ce prince , pro
qùo facto condemnatus fuit ad mortini in 'curia regis
Francorum per judicium parliirïi fuorum.
On voit dans les regiftres du parlement, que
quand on convoquoit les pairs, cela s’appelloit fortifier
la cour de p a i r s ou garnir la cour de pairs : curiam
ve^ratn pari fu s Francioe vultis haberê rminiiam , 1312;
curia eft fufficienter tnunita, 131
Au procès de Robert d’Artois en 1331 , Philippe
VI. émancipa, fon fils Je.an, dü.c de Normandie , '& le
-fit pair, afin que la coür fût fuffifamment garnie de
V A I
îjpâits ; ce quhpfblivé 'que le$ pairs nMtôî.ént pas feirls
.'juges de leurs pairs -, mais qu’ils étoient jugés par fa
cour-, 6c conféquOmment par tous les membres dont
elle étoit compofée, 6c qu’il falloitfeiilement qu’il y
eût un certain nombre de pairs j èri effet, dans ün arrêt
fblemneî rendu en 1224-, parle roi en facoûr dès
■ pairs en faveur dés grands officiers contre les pairs de
France, il eft dit *< que , fuivant l’ancien ufage 6c les
>> coutumes obfervees dès long-tems, les grands o'f-
» Aciers de1 la couronne, favoir- les chancelier, boii-
» teillier, chambrier , &c. dévoient fe trouverai!
» procès qui fe feroif -contré un des /jaiVr- , pour le
» juger avec les autres pairs, & en C0:rffé<pierioe ils
y, aflifterent au jugement de la comteffe de Flandres.
HcnauL -'J
Les pairs oftt quelquefois prétendu juger feuls leurs
pairs , 6c que le roi ne devoit pas y cfre préfent, fur-
tout lorfqü’il y avoit intérêt pour la confifcation. Ils
firent des proteftations à ce fujet en 1378 6c 1386";
’mais cette prétention n’a jamais été admife : car quant
au jugement unique de 1247, où-trois pairs paroif-
fent juger feuls , du Tillet remarque que cé fut par
convention expreffé portée dans fe traité du comte
de Flandres; en effet la réglé, l’uiage-çonftanf s’y op-
ppfoiént.
Il a toujours été pareillement d’ûfagé d’inviter le
roiù venir préAder au parlement pour les prpeès.des
pairs, au moins quand il s’agit- d’aftaires criminelles,
6c nos rois y ont toujours .affilié jufqu’à celui du maréchal
de Biron, auquel Henri IV. ne voulut pas, fe
trouver. Lettres historiques fur le parlement, tome II.
Qn obferve encore la même chofe préfentement, 6c
dans ce cas le difpofitif de l’arrêt qui intervient , eft
conçu en ces termes : la cour fuffifamment garnie de
pairs ; au lieu que dans d’autres affaires où la préfenee
des pairs n’eft pas abfôlument néceffaire, lorfque
l’on fait mention qu’ils ont affilié au jugement, on
met feulement dans le difpofitif, la cour, les princes
& les pairspréfens, 6ce.
L’origine de cette forme qui s’obferve pour juger
la perfonne d’un pair, vient de ce qu’avant l’inftitu-
tion des fiefs , i l fàlloit au moins douze éehevins dans
les grandes caufes ; l’inféodation des terres ayant
rendu la juftice féodale, on confèrva le même ufage
pour le nombre des juges dans les caufes majeures ;
ainfi comme c’étoient alors les pairs ou barons qui
jugeoient ordinairement, il fallut douze pairs pour
juger un pair, 6c la cour n’étoit pas réputée fuffifam-
ment garnie de pairs , quand ils n’étoient pas au
moins douze.
Lors du différend entre le roi Louis Hutin & Robert
, comte de Flandres , les pairs de France af-
femblés ; favoir, l’archevêque de Reims1, Charles $
comte de Valois & d’Anjou, 6c Mahaut, comteffe
d’Artois ; firent favoir qu’à joui- .affigné ils tien-
droient cour avec douze autres perfonnes, on 'pré:
lats, ou autres gi'ands ou hauts hommes; F’oyé^ du
Cange -, verbo pares, 6c M. Boiique, tome I. p.18'3 .
Robert d’Artois, en préfenee du roi, de plufieurs
prélats, barons 6c entre fuffilares confeillers, dit contre
Mahaut, comteflè de Flandres, qu’il n’étoit pas
tenu de faire fes demandes ± que la cour ne fût fuffifamment
garnie de pairs ; il fut dit par arrêt qu’elte
l’etoit, qtiod abfqùe vocatione parium Franciàe, quan-
tum ad pïiefens, curia pnrlarnehti, 'maxime dofni'no rege
ibidem exifente cam fuis pnilùtis , baronibus & aliis
ejus conjilianis ■, fufficitnttr erat rtiUnïla. Robert d’Artois
n’ayant pas voulii procéder, Mahaut obtint congé.
Voy*i les regiftres ol'nn.t
Mais pour juger un pair il fuffit que lès autres pairs
foient appellés ; quand même ils n’y ferorènt .pas
tous , ou même qu’il n’y en auroit aucun qui fut préfent
, en ce cas les pairs font repréfentés par le par-
P I À '7%
lè’meht gai eft fôüjo.ùrè là'èàifr tlès!^fw’/T, fbit que les
''pàiri foient pVëFens:oücabfehs: '' :
' 1 Caufes-dïs'ptiiH: AncietmemcAt VeS pairs avoient
■ le droit de'fie plaider , s’ils rV6uÎ0ieut, qu’au parlé-
•,'ffiënt, foit'dans-lès procès.qu’ils avoient eft leur
n q n f f o i t dans ceux Où leur .pfo'cur'eur Afcal fe vou-
loit adjoindre à.eux, fe-rendre partie',' Ou prendre
l’aveu I garantie 6c défenfe : il eft fait irieiitiôn dé
• cette jurilprüdence dans les ordonnances du' Louvre,
i o n i - V I L . p . :
.Ce.-privîlegé avoit lieu tarit en matière civiié qUe
criminelle ; ofi en trouve des exemples dès le f ems
de la féconde râce : les plus mémorables font le jugement
rencKï par la coür des pairs Contre Taffillon ,
roi de Bavière en 788. Le jugement rendu contre
un bâtard dé Charlemagne en 792. Celui de B'ernàrcl,
roi d’Italie en 818. Celui de CarlOfnan, auqlièl on At
le procès en 8 7 1 , pour caufe de 'rébellion. Celui de
' Jean fans Terre y roi d’Angleterre, lequel en 1202
frit déclaré criminel de lezè-majefté, & fujet à la loi
du royaume. Le jugement ééndu contre le roi-Philippe
lè Hardi, 6c Charles, tôi des deux Siciles ,
pour lâ fucceflibn d’Alphpnfe , comte de Poitiers.
Celui qui intervint è'ntreCharles, le Bel, & Eudes
duc de Bourgogne, au fiijet d-e l’appanagè de Philippe
le L ong, dont Eudes préteft'doitque f à femme -9
Aile de ce.roi, devoit héfitef eft 1316 6t en 1328
pour laTucceffion à la eburonnè ', e'n'favéur de PFji^
- lippe lé Long 6c de Philippe de Valpis.Le jugement
de Rohm d’Artois en i^ l.-C e lïii de Charles,,roi
de Navarre, en 1349;. Celui qui .intervint entré
Charles V: 6c Philippe, dût daOr1éàns.
• Jean, duc d’Alefiçon, fifr Condamné 'âëïix fois à
mort par les pairs,pour crime de leze-majefté, favoir
le ro Ofrobre 1-45 8 , & le 14 Juillet 1474 ; l’èxçpu-
tion fut chaque fois remife à la, .'volonté du roi ,'ïe-
quelufa de clémence par refpeè pour le îang royal.
Il feroit' facile d’en rapporter un grand nombre
d?autres : on1 les peut voir dans le recueil du pere
Anfelme ; mais depuis on y a mis quelques reftriç-
tions; • ; '
Oit trouvé dans les regiftres oïim^ ,quren 12551
Farchevêqùe de Reims demanda au partenient, où
le roi étoit préfent, d’être jugé par fes p a ir s ; ce qui
lui fiit refrifé. Il y a apparence'que Ton jugea qu’il
ne s’agiffoit pas de la , dignité de fa pairie V &jqûe
dèftofs les pairs, fnême dé France, n’avoient plus le
drc*lt de plaider.au parlement dans toutes fortes de
cas ; nikis feùlement dans les caufes qui intéreffoient
l’honnènr 6c les droits de la pairie.
En matière civile , les caufes des pairs $ quant au
domaine Ou patrimoine de leurs pairies , doivent
être portées au parlement, comme il fut dit par le
procureur, général lè 25 Mai 1394, en la caufe du
duc d’Orléans ; ils y ont toujours plaidé pour ces
fortes de matièreslors même qu’ils plaidoient tous
en corps ; témoin l’arrêt rendu contr’ë.iix en 1224,
dont on a déjà parlé ci-devant.
A l’égard de leufs càu'fes en matierè criminelle ,
toutes celles qui peuvent toucher la perfonne des
pairs, comme quand'un pair eft accuïe de quelque
cas criminel .qui touche où peut toucher fon corps ,
fa perfonne , fort état, doivent être jugées la cour
Aiffifàrnment garnie de pairs. ’
Les pairs ont toujours regardé ce privilège eom,-
mé iift des principaux attributs de la pairie : en effet-
au lit de juftice du 2 Mars 1386 ; ils né réclamèrent
d’autre droit que celui de juger leurs pairs ; ce qui
leur fut oftroyé dé bouché, 6c les lettres.commandées
, mais non expédiées;
Il eft dit dans les fèg^ftrés du parlement; que le
duc dé Bôûrgogriè ,.comme doyen dès pairs, re-
ïtioritrà à‘ Charles VI. au fujet du procès criminel
qu’on faifoit au roi dé Navarre, qu’il n’ àppartenoit