
 
        
         
		peuples'fauvages, plus nous  y   avons  trouvé  d’objets  
 mus des fources primitives de la fable ôc des coutumes  
 relatives  aux  préventions  univerfelles  de  la  
 liante antiquité; nous  nous  fommes même apperçus  
 quelquefois  que  ces  veftiges  étoient  plus  purs  ôc  
 mieux motives chez les Américains &  autres peuples  
 barbares oufauvages comme  e u x , que  chez  toutes  
 les autres nations de notre hémifphere.  Ce feroit  entrer  
 dans un  trop vafte détail^' que de  parler de  ces  
 ufages;nous  dirons  feulement  que la vie  fauvage  
 n’a  été  effentiellement qu’une  fuite  de  l’impreffion  
 qu’avôit fait autrefois fur une partie  des  hommes le  
 fpe&acle des malheurs du monde ,  quilesen dégoûta  
 &   leur  en  infpira  le  mépris.  Ayant  appris  alors  
 quelle  en étoit l’inconftance 8c la fragilité, la partie  
 la plus religieufe  des premières  fociétés crut devoir  
 prendre  pour  bafe  de  fa  conduite  ici  bas  que  ce  
 inonde n’eft qu’un  paffage  ;  d’où il arriva que les  fociétés  
 en général ne s’étant  point donné  un  lien  vi-  
 iïble ,  ni  un  chef fenfible  pour  leur  gouvernement  
 dans ce monde,  elles  ne  fe réunirent jamais parfaitement, 
  &  que des familles s’en féparerent dé bonne-  
 heure 8c renoncèrent tout-à-fait à  l’efprit de la police  
 humaine, pour vivre en pèlerins, ôc  pour ne  penfer  
 qu’à  un avenir qu’ elles defiroient &  qu’elles  s’atten-  
 doiënt de voir  bien-tôt paroître. 
 D’abord  ces  premières  générations  folitaires  furent  
 auffi  religieufes  qu’elles  étoient  miférables :  
 ayant toujours les yeux levés vers le ciel, ôc ne cherchant  
 à pourvoir  qu’à leur plus preffant  befoin,  elles  
 n’abuferent  point  fans  doute de  leur  oifiveté ni  
 de  leur  liberté.- Mais à mefure qu’en  fe  multipliant  
 elles s’éloignèrent  des  premiers  tems &  du  gros  de  
 la  fociété,  elles  ne  formèrent  plus  alors  que  des  
 peuplades errantes &  des nations mélancoliques qui  
 peu-à-peu  fe  féculariferent  en peuples  fauvages  ôc  
 barbares. Tel a  été  le  trifte  abus  d’un  dogme  très-  
 faint en lui-même. Le monde n’eft qu’un paffage ,  il  
 eft  v r a i ,  &  c’eft  une  vérité  des plus  utiles à  la fociété  
 , parce  que  ce  paffage  conduit à une vie plus  
 excellente  que  chacun  doit  chercher  à mériter  en  
 rempliffant  ici  bas  fe s  devoirs ;  cependant  une des  
 plus grandes  fautes  de la  police primitive eft de n’avoir  
 pas mis de fages bornes  à  les effets. Ils  ont  été  
 infiniment pernicieux au bien-être des fociétés, toutes  
 les-fois que des événemens ou des  terreurs générales  
 ont  fait'fubitement oublierà l’homme  qu'il  eft  
 dans  ce monde  parce  que Dieu l’y  a placé,  ôc qu’il  
 n’y  eft  placé que  pour  s’acquitter envers la  fociété  
 &  envers lui-même dé tous les devoirs où fa naiffance  
 &   le nom d’homme l’engagent. En contemplant une  
 vérité  on n’a jamais dû faire abftra&ion de la fociété.  
 Le dogme  le  plus faint n’eft vrai que  relativement à  
 tout  le  genre humain; la vie n’eft qu’un pèlerinage,  
 nais un pèlerin n’eft qu’un fainéant, ôc l’homme n’eft  
 pas  fait pour  l’être ;  tant qu’il eft fur la  terre ,  il y  a  
 un centre unique ôc commun auquelil doit être invi-  
 fiblement  attaché,  ôc dont il  ne peut s’écarter fans  
 être déferteur,  ôc un déferreur  très-criminel  que  la  
 police humaine a droit de réclamer. C ’eft ainfi qu’au-  
 roit dû agir 8c penfer la police primitive,  mais  l’ef-  
 pritthéocratique  qui  la  conduifoit  pouvoit-il  être  
 capable  de  précaution à cet égard ?  il  voulut s’élever  
 Sc fe précipita.  Il voulut  anticiper  fur  le  régné  
 des juftes ÔC  n’engendra que des barbares  ôedes fauvages  
 ,  Ôc l’humanité  fe perdit enfin  parce  qu’on ne  
 voulut  plus  être  homme  fur la  terre.  C’eft  ici  fans  
 doute qu’on peut s’appercevoir qu’il en eft des erreurs  
 humaines  dans  leur  marche  comme  des  planètes  
 dans leur cours ; elles  ont  de  même  un  orbite  im-  
 menfe à  parcourir.,  elles y  .font  vues  fous  diverfes  
 phafes &   fous  différens  afpeûs,  ôc  cependant  elles  
 font toujours les mêmes &  reviennent  conftamment  
 au point d’où elles font .parties  pour  recommencer  
 une nouvelle révolution. 
 Le gouvernement provifoire qui conduifit à la vie  
 fauvage  ôc  vagabonde  ceux qui  fe  féparerent  des  
 premières fociétés  ,  produifit un effet tout contraire  
 lur ceux qui y  refterent ; il les réduifit au  plus dur ef-  
 clavage. Comme les fociétés n’avoient été dans leur  
 origine que  des familles plutôt  foumifes à  une difei-  
 pline religieufe qu’à une police civile, &  que  l’excès  
 de  leur religion qni les avoir porté à  fe donner Dieu  
 pour  monarque,  avoir  exigé  avec  le  mépris  du  
 monde le renoncement total de  foi-même Ôc le  facri-  
 fice de fa liberté, de  fa raifon, &  de toute propriété ;  
 il  arriva néceffairement que ces familles  s’étant  ag-  
 grandies &  multipHées dans ces principes,  leur fer-  
 vitude religieufe 1e  trouva changée en une fervitude  
 civile & politique ; ÔC  qu’au  lieu  d’être  le  fujet  du  
 dieu monarque  ,  l’homme  ne  fut  plus que  l’efclave  
 des officiers qui commandèrent en ton nom. 
 Les corbeilles, les coffres 8c les fymboles, par lef-  
 quels on  repréfentoit  le  fouverain  n’étoient  rien,  
 mais lesminiftres qu’on lui donna furent des hommes  
 & non des  êtres  cëleftes  incapables  d’alMfer  d’une  
 adminiftration  qui  leur  donnoit  tout  pouvoir.'  
 Comme  il  n’y  à point de  traité  ni de  convention à  
 faire  avec  un Dieu ,  la théocratie  où  il  étoit ceafé  
 préfider a donc été par fa nature  un  gouvernement  
 defpotique,  dont l’Etre  fuprème  étoit  le  fultan invi-  
 fible ÔC  dont  les miniftres  théocratiques  ont  été  les  
 vifirs,  c’eft-à-dire  ,  les defpotes réels de  tous les vices  
 politiques de la  théocratie.  Voilà quel a  été l ’c-  
 tat le plus fatal aux hommes ,  ôc celui qui a préparé  
 les voies  au defpotifme oriental. 
 Sans doute que dans les premiers tems les miniftres  
 vifibles  ont  été  dignes  par  leur modération 8c par  
 leur vertu de leur maître invifible ; par le bien qu’ils  
 auront  d’abord fait  aux  hommes ,  ceux-ci  fe feront  
 accoutumés-à  reconnoître en eux  le pouvoir divin  ;  
 parlafageffe de leurs premiers ordres &   par  l’utilité  
 de leurs premiers  confeils, on  fe fera  habitué à leur  
 obéir ,  ôc l’on fe fera fournis  fans peine  à  leurs oracles; 
  peu-à-peu une confiance extrême  aura produit  
 une  crédulité  extrême  par  laquelle  l’homme ,  prévenu  
 quec’étoitDieu quiparloit,que c’étoit un fouverain  
 immuable  qui vouloit,  qui  commandoit  &   
 qui menaçoit,  aura cru ne devoir  point  réfifter aux  
 organes du ciel lors même qu’ils ne faifoient plus que  
 du  mal.  Arrivé  par  cette  gradation  au point de dé-  
 raifon de méconnoître  la  dignité  de  la  nature  humaine  
 ,  l’homme dans fa mifere n’a plus ofé lever les  
 yeux vers le ciel, ôc encore moins fur les tyrans  qui  
 le faifoient parler ;  fanatique en tout il adora  fonef-  
 clavage ,  ôc crut  enfin  devoir  honorer  fon Dieu &   
 fon monarque par fon néant &  par fon indignité. Cés  
 malheureux préjugés font encore la bafe  de tous  les  
 fentimens ôc de  toutes les difpofitions des Orientaux  
 envers leurs defpotes. Ils s’imaginent que ceux-ci ont  
 de  droit divin  le pouvoir de faire  le bien ôc le m a l,  
 ôc  qu’ils ne doivent  trouver  rien  d’impoffible  dans  
 l’exécution de  leur volonté. Si ces peuples fouffrent,  
 s’ils  font malheureux  par  les  caprices  féroces d’un  
 barbare  ,  ils adorent les vûes d’une  providence impénétrable  
 ,  ils reconnoiffent  les droits  ôc  les  titres  
 de la tyrannie dans la force 8c  dans la violence ,  Ôc  
 ne  cherchent  la  folution des  procédés illégitimes  8c  
 cruels dont ils font les victimes que dans des interprétations  
 dévotes &  myftiques, ignorant que  ces procédés  
 n’ont  point  d’autres  fources que l’oubli de la  
 raifon, Ôc les abus d’un gouvernement furnaturel qui  
 s’eft  éternifé dans ces climats quoique  fous  un autre  
 appareil. 
 Les théocraties étant  ainfi  devenues  defpotiques  
 à l’abri des  préjugés  dont  elles aveuglèrent  les  nations, 
  couvrirent la terre de  tyrans ;  leurs miniftres  
 pendant bien  des  fiecles  furent les vrais  &  les leuls  
 fouverains du monde,  ôc rien ne leur réfiftant ils dif-  
 p o f e r e n t 
 poferent des biens, de l’honneur 8c de la vie des hommes  
 , comme ilsavoienfdéja difpofé de leur raifon ôc  
 de leur efprit. Les tems qui nous ont dérobé l’hiftoire  
 de  cet  ancien  gouvernement,  parce  qu’il  n’a  été  
 qu’un âge d’ignorance profonde & de menfonge, ont  
 à-la-vérité jetté un  voile  épais  fur  les  excès  de fes  
 officiers  :  mais  la  théocratie  judaïque,  quoique réformée  
 dans fa religion, n’ayant pas été exempte des  
 abus  politiques  peut  nous  fervir  à en dévoiler  une  
 partie ; l’Ecriture  nous  expofe  elle-même quelle  a  
 été l’abominable  conduite  des  enfans  d’Héli  ôc  de  
 Samuel, Ôc nous apprend quels ont été les crimes qui  
 ont mis fin à cette théocratie particulière où régnôit  
 le  vrai Dieu. Ces indignes defeendans d’Aaron ôc de  
 Lévi  ne rertdoient plus  la juftice  aux  peuples,  l’argent  
 rachetoit auprès d’eux les coupables, on ne pou-  
 voit les aborder  fans  préfens,  leurs  paffions  feules  
 étoient ôc leur loi & leur guide, leur vie n’étoit qu’un  
 brigandage,  ils  enlevoient  de  force ôc dévoroient  
 les  viftimes  qu’on  deftinoit  au Dieu monarque  qui  
 n’étoit  plus  qu’un prête-nom;  ôc  leur  incontinence  
 égalant leur avarice ôc leur voracité, ilsdormoient,  
 dît la Bible, avec les femmes qui veilloient à l’entrée  
 du tabernacle, l .  liv. Reg.  ch. ij. 
 L’Ecriture  paffe modeftement  fur  cette  derniere  
 anecdote que ï’efprit de vérité n’a  pû  cependant  cacher. 
  Mais files miniftres du vrai Dieu fe l'ont livrés à  
 un tel excès,  les miniftres théocratiques des anciennes  
 nations l’avoient  en cela  emporté  fur  ceux  des  
 Hébreux par l’impofture  avec  laquelle ils pallièrent  
 leurs defordres.  Ils en vinrent  par tout  à  ce comble  
 d ’impiété ôcd’infolence de couvrir jufqu’à leurs  débauches  
 du manteau  de  la divinité.  C’eft d’eux que  
 fortit  un nouvel ordre de  créatures, qui,  dans  l’efprit  
 des peuples imbécilles,  fut regardé  comme une  
 race particulière ÔC divine. Toutes les nations virent  
 alors paroître les demi-dieux &  les héros dont la naiffance  
 illuftre ôc les exploits portèrent enfin les hommes  
 à altérer leur premier gouvernement,  ôc à paf-  
 fer du régné de  ces dieux qu’ils n’avoient jamais pû  
 voir  ,  fous  celui  de  leurs  prétendus  enfans  qu’ils  
 voyoient au milieu d’eux  ;  c’eft ainfi  que  l’incontinente  
 théocratie  commença  à  fe  donner  des  maîtres  
 ,  ôc que ce gouvernement fut conduit à fa  ruine  
 par le crime & l’abus du pouvoir. 
 L’âge des demi-dieux a été un âge  auffi  réel  que  
 celui  des  dieux ,  mais  prefque  auffi  obfcur il a été  
 néceffairement rejetté de  l’Hiftoire ,  qui  ne  recon-  
 noît que les faits  ôc les tems tranfmis par des annales  
 confiantes Ôc continues. A en juger feulement par les  
 ombres de  cette  Mythologie univerfelle  qu’on  retrouve  
 chez tous les peuples,  il paroît que le  régné  
 des demi-dieux n’a point été auffi fuivi ni  auffi long  
 que l’avoit  été le  régné des d ieux,  ôc que le  fut en-  
 fuite le régné des rois ; &  que les nations n’ont point  
 toûjours été  affez  heureufes pour avoir de ces hommes  
 extraordinaires. Comme  ces  enfans  théocratiques  
 ne pouvoient point naître  tous avec des vertus  
 héroïques qui répondiffent à ce préjugé  de leur naiffance  
 , le plus grand nombre s’en perdoit fans doute  
 dans la foule, ôc  ce n’étoit que 9e tems  en tems que  
 le génie,  la naiffance  ôc le courage  réciproquement  
 fécondés, donnoient à l’univers languiffant des protecteurs  
 ôedes maîtres utiles. A  en juger encore  par  
 les traditions mythologiques ,  ces  enfans illuffres firent  
 la  guerre  aux tyrans,  exterminèrent  les  brigands  
 ,  purgèrent la terre des monftres  qui  tl’infef-  
 toient,ôc furent des preux incomparables qui, comme  
 les paladins  de  nos antiquités gauloifes  ,  couroient  
 le  monde  pour l’amour du genre  humain,  afin d’y   
 rétablir par tout le bon ordre, la police ôc la sûreté.  
 Jamais raiffion fans doute  n’a été plus  belle ôc  plus  
 u tile,  fur-tout dans ces tems où la  théocratie primitive  
 n’avoit produit dans le monde que ces maux ex«  
 Tome X I ,  ‘ 
 trèmes, l’anarchie Ôc  la fervitude. 
 La naiffance  de  ces  demi-dieux  &   leurs  exploits  
 concourent ainfi à nous montrer  quel  étoit  de  leur  
 tems l’affreux defordre de la police ôc de  la  religion  
 parmi le genre humain  :  chaque  fois  qu’il  s’élevoit  
 un héros,  le fort des fociétés paroiffoit fe réalifer ôc  
 fe fixer vers l’unité ;  mais auffi-tôt que ces perfonna-  
 ges illuftres n’étoient plus,  les fociétés retournoient  
 vers leur première  théocratie, &  retomboient dans  
 de  nouvelles miferes jufqu’à ce qu’un nouveau libérateur  
 vînt encore les en retirer. 
 Inftruites cependant  par  leurs  fréquentes rechutes  
 ,  ôc  par  les  biens  qu’elles  avoient  éprouvés  
 toutes  les  fois  qu’elles  avoient  eu  un  chef vifible  
 dans la perfonne  de  quelque demi-dieu, les  fociétés  
 commencèrent  enfin  à  ouvrir  les  yeux  (nr  le  
 vice effentiei d’un gouvernement qui n’avoit jamais  
 pu  avoir  de  confiftance  ôc  de  folidité ,  parce  que  
 rien de  confiant  ni  de réel n’y   avoir repréfenté  l'unité  
 , ni réuni les hommes  vers un centre fenfible ôc  
 commun. Le régné des demi-dieux  commença donc  
 à humanifer les  préjugés  primitifs, ôc  c’eft  cet  état  
 moyen qui  conduifit les nations à defirer  les régnés  
 des rois, elles fe dégoûtèrent infenfiblement du joiig  
 des  miniftres théocratiques  qui  n’avoient ceffé  d’a-  
 bufer  du  pouvoir des dieux qu’on leur avoir mis en  
 main,  ôc  lorfque  l’indignation publique  fut montée  
 à fon comble,  elles  fe  fouleverent  contre  eux,  &   
 placèrent  enfin  un mortel fur le trône du  dieu  monarque  
 ,  qui  jufqu’alors  n’avoit  été  repréfenté que  
 par des  fymboles  muets  ôc ftupides. 
 Le paffage de la théocratie à la royauté fe  cache,  
 ainfi  que  tous  les  faits  précédens,  dans  la  nuit  la  
 plus fombre ; mais nous  avons encore  les  Hébreux  
 dont nous  pouvons  examiner  la  conduite  partieu-“  
 liere dans une révolution  femblable, pour  en  faire  
 enfuit'e l’application à ce qui  s’étoit fait  antérieurement  
 chez toutes les  autres nations, dont les ufages  
 & les préjugés nous  tiendront  lieu  d’annales  ôc  de  
 monumens. 
 Nous  avons déjà  remarqué une des  caufes  de  la  
 ruine de  la  théocratie  judaïque dans  les  defordres  
 de  fes miniftres, nous  devons y  en ajouter  une  fécondé  
 ,  c’eft  le malheur arrivé  dans le  même  tems  
 à  l’arche d’àlliance  qui  fut  prife par les Philiftins.  
 Un gouvernement fans police & fans maître ne peut  
 fabfifter fans doute ;  or tel  étoit  dans  ces  derniers  
 inftans le gouvernement des Hébreux,  l’arche  d’alliance  
 repréfentoit  le fiege  de  leur  fuprême  fouverain, 
  en paix comme en guerre. 
 Elle  étoit fon organe  Ôc  fon bras,  elle marchoit  
 à  la  tête  des  armées  comme  le  char  du  dieu  des  
 combats,  on  la fuivoit comme  un  général  invinei--  
 ble, ôc jamais à fa fuite on n’avoit douté  de  la  victoire. 
   Il n’en fut  plus  de même  après la défaite &  1a  
 prife ;  quoiqu’elle  fut rendue  à fon peuple,  la  confiance  
 d’ifraël  s’étoit affoiblie,  Ôc  les defordres des  
 miniftres  ayant  encore  aliéné  l’efprit des  peuples ,  
 ils  fe  fouleverent Ôc  contraignirent Samuel  de leur  
 donner  un  roi  qui  put  nÿarçher à  la  tête  de  leurs  
 armées,  &  leur  rendre  la  juftice. A cette demande  
 du peuple  on  fait quelle  fut alors la réponfe de Samuel, 
  ôc le tableau  effrayant qu’il  fit  au  peuple  de  
 l’énorme pouvoir 8c des droits de la fouveraine puif-  
 fance.  La  flatterie  Ôc  la  baffeffe  y   ont  trouvé  un  
 vafte  champ  pour  faire  leur  cotir  aux  tyrans;  la  
 fuperftition y  a vû des  objets dignes de  fes  rêveries  
 myftiques,  mais  aucun n’a peut-être reconnu l ’ef-  
 prit  théocratique  qui  le difta  dans le  deffein  d’effrayer  
 les  peuples ôc  les détourner de  leur projet.  
 Comme le  gouvernement  qui  avoit  précédé  avoit  
 été  un  régné où  il n’y  avoit point eu de  milieu entre  
 le dieu  monarque ôc  le peuple,  où le monarque  
 étoit  tout,  ôc  où le  fujet  n’étoit  rien ;  ces  dogmes  -