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La maniéré de recueillir & de compter les opinions
n’a pas toujours été la même.
Cher les Grecs on opinoit par le moyen de tablettes
que l’on mettoit dans une boîte : on en don-
noit trois à chacun ; une marquée d’un A qui figni-
fioit abfolvatur; une marquée V. P qui îignifioit
non liquzt, 8c la troifieme d’un C. pour dire con-
demnttur.
Les aréopagiftes voulurent que leurs opinions fuf-
fent ainfi donnnées en fecret 8c par bulletins, de
peur que les jeunes, au lieu de dire leur avis par
«ux-mêmes, fe contentaffent de fuivre celui des
anciens.
T . Arius ayant appellé Céfar avec d’autres^ pour
ju<»er Ton propre fils, pria que chacun opinât par
écrit, de crainte que tout le monde ne fût de l’avis
dé Céfar.
Ce fut dans cette v u e , qu’au procès de Métel-
lus,Tibere fe mit à dire fon avis tout haut : mais
Pifon lui en fit fentir l’inconvénient.
On opinoit donc ordinairement par écrit à Rome
& fu r des tablettes, comme chez les Grecs ; 8c comme
chaque décurie avoit fes tablettes différentes,
on favoit qui avoit été la plus fevere.
Dans les affemblées du peuple nul ne difoit fon
avis qu’il ne lui fût demandé par celui qui préfi-
doir. Le droit d’opiner le premier s’appelloit proero-
gativa, quajî prius erogare fententiam : ce terme a
depuis été appliqué à toute forte de prééminences.
Cet honneur d’opiner avant tous les autres, ap-
partenoit à la tribu appellée veturea, qui fut aufli
fiirnommée de-là tribus proerogativa.
On tiroit au fort laquelle des centuries opineroit
la première, 8c fon fuffrage étoit fort recherché.
Au fenat,l’on opinoit au commencement fuivant
l’ancienneté de l’âge, comme on faifoit à Athènes,
à Lacédémone & à Syracufe. Dans la fuite on demanda
l’avis à chacun, félon le rang qu’il tenoit
dans le fénat ; jufqu’à ce que Célar fe donna
la liberté de demander l’avis à quatre perfon-
nes hors de leur rang ; Augufte ne fuivit plus
de réglé, demandant l’avis de chacun, dans tel
ordre qu’il lui plaifoit, afin que les fuffrages fuffent
plus libres.
Caligula voulut qu’entre les confulaires on fui-
vît le rang d’ancienneté, ce qui fut confirmé par
les empereurs Théodofe 8c Arcade.
En France, dans les caufes d’audience, les juges
opinent dans l’ordre où ils font aflis : quand il y a
beaucoup de juges, on fait plufieurs bureaux ou
confeils : celui qui préfide recueille les opinions; 8c
l'orfqu’il y a divers avis, il retourne aux opinions
pour les concilier : chacun eft obligé de fe ranger
à l’un des deux avis qui prévalent par le nombre de
voix.
Dans les affaires de rapport, les juges opinent
fans aucun rang, comme ils fe trouvent alîis auprès
du rapporteur.
Il n’y a jamais de partage d'opinions en matière
criminelle ; quand le nombre de voix eft égal, l’avis
le plus doux doit être préféré : cet ufage eft fort
ancien, puifqu’il fe trouve déjà configné dans les
capitulaires, liv. V. n. t6 o .
Une voix de plus ne fuffit pas pour départager,
en matière criminelle ; il en faut au moins deux.
Au confeil privé du roi il n’y a point de partage,
M. le chancelier ayant la voix prépondérante.
A la grand-chambre du parlement, une voix de
plus départage à l’audience ; au rapport il en faut
deux.
Au grand-confeil, il en faut toujours deux pour
départager, foit à l’audience, foit au rapport.
Dans tous les fieges qui jugent, à la charge de
l’appel, une voix de plus départage au c ivil; en
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matière criminelle il en faut deux. Vjyeç Pa r ta g e .
Au refte, les opinions qui fe donnent, foit à l’audience
ou au rapport, doivent egalement etre fe-
cretes : il eft défendu parles ordonnances aux juges
, greffiers 8c huiffiers de les reveler : c eft pour
prévenir cet inconvénient que l’on opinoit à Rome
fur des tablettes; 8c qu’encore à préfent dans les
chancelleries de Valladolid 8c de Grenade, les opinions
fe donnent par écrit fur un regiftre.
Les opinions du pere 8c du fils, de fon d e 8c du
neveu, du beau-pere 8c du gendre, 8c des deux
beau-freres ne font comptées que pour une. édit
de Janvier 1681. Voyez le Dictionnaire des arrêts , au
mot Opinions'. (A )
OP1NIONISTES, f. m. plur. (Hifl.ecclèf) On
donna ce nom à certains hérétiques qui s’élevèrent
du tems du pape Paul II. parce qu’étant infatués de
plufieurs opinions ridicules, ils les foutenoient avec
opiniâtreté. Leur principale erreur confiftoit à fe
vanter d’une pauvreté affettée : ce qui leur faifoit
dire qu’il n’y avoit point de véritable vicaire de J. C.
en terre, que celui qui pratiquoit cette vertu.
Sponde, A . C. 146'ÿ, num. 12.
OPIS, (Géogr. anc.) ancienne ville d’Afie fur le
T ig re , au rapport de Xénophon 8c d'Hérodote.
Strabon ne la traite que de village ; mais c’eft une
fuite de la décadence, où elle étoit tombée dans
l’intervalle qui eft entre les tems où ils ont vécu.
(D . / . )
OPISTHODOMOS, f. m. (Antiq. greq.) 0®/f60-
S'ôfxoç, nom du lieu du tréfor public d’Athènes, où
il y avoit toujours un dépôt de mille talens,, réfer-
vés avec tant de rigueur pour les plus extrêmes
dangers de l’état ou de la v ille , que, s’il ne s’a-
giffoit de la garantir du pillage ou de l’embrafe-
ment,il y avoit peine de mort pour celui quipro-
poferoit d’y toucher.
Le nom d' opifthodomos fut donné à la tréforerie
d’Athènes, parce qu’elle étoit bâtie fur les derrières
du temple de Minerve. Tous les noms des
débiteurs de la république étoient couchés fur le
regiftre du tréfor dont nous parlons. Ses dieux tutélaires
étoient Jupiter fauveur, 8c Plutus le dieu des
richeffes, qui étoit repréfenté avec des aîles. On
l’avoit placé attenant la ftatue de Jupiter, ce qui
étoit contre l’ufage ordinaire. Poterius, Archoeol.
grcec. lib. I . cap.viij. totn. 1. pag. 3 /. ( D. J. )
OPISTOGRAPHE, f. m. (Mi(l,. du bas Empire,.)
en grec ° <mçboypd<pov, en latin opiftographum ; c’étoit
un gros livre dans lequel on écrivoit fur le champ
les différentes chofes qui auroient befoin d’être revîtes
8c corrigées par la fuite. Ce mot eft conv
pofé de ovtçbov, c’eft-à-dire ,fur le feuillet du revers,
8c ypJçu, j'écris, parce qu’on écrivoit fur le revers
de chaque page ce qui avoit été omis de l’autre
part.
OPISTHOTONOS, f. m. (Médéc.') On a confervé
en françois 8c en latin ce mot grec, qui fuivant fon
étymologie, lignifie une efpece de convuljion qui
porte 8c plie toutes les parties du corps en arriéré.
Il eft formé de omçiv qui veut dire en arriéré ,
8c tovoç, ton, tenjîonyfpajme. Dans ce cas, la tête
fe renverfe, s’approche des vertebres du dos, par
la contrattion i’pafmodique des extenfeurs de la>
tête : favoir, du îplenius, du complexus,.des grand»
8c petit droits poftérieurs 8c du petit oblique, de»
deux côtés agiffans enfemble ; l’attion des mufcles
d’un îeul côté tireroit la tête de ce même côté :
quelquefois il n’y a dans l’opijlkotonos que cette ex-
tenfion forcée de la tête ; d’autres fois la convul-
fion eft plus générale, 8c occupe les tranfverfaux
épineux, les inter-épineux du c o u , le long dorfai ,
le demi-épineux 8c le facro-lombaire. Alors l’effet
eft plus grand ; le cou 8c le dos font courbés en
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arriéré 8c y font une efpece d’arc : dans cet é ta t,
l’attion de prelque tous les vifeeres du bas ventre
eft gênée, interrompue ou beaucoup dérangée; la
refpiration fouffre beaucoup, 8c fe fait très-difficilement;
la déglutition eft totalement empêchée:
cet état fi violent eft fouvent accompagné de vives
douleurs : il eft bien évident qu’il eft trop oppofé
à l’état naturel du corps pour pouvoir fnbfifter
long-tems ; il eft plus ou moins dangereux fuivant
le degré, l’intenfité 8c la durée de la convülfion. Le
péril varie auffi fuivant les caufes qui l’ont produite:
elles font les mêmes que celles des autres ef-
peces de convulfions. Voye^'W le détail aux articles
C o n vu l s io n , Spasme. Un paroxifme épileptique
peut être déterminé de cette façon. Voye^ Epilepsie.
Alors le danger eft moins preffant. L’opi-
fihotonos peut aufli être l’effet de quelque poilon
pris intérieurement, d’une bleffure, fur-tout faite
avec des fléchés ou autres armes empoifonnées ;
8c alors il eft plus dangereux : il eft mortel lorfqu’il
furvient à des malades foibles, épuifés par une
longue maladie ou par des évacuations trop abondantes.
Voyei CoNVüSiON ; voye{ aufji à cet article
le traitement qu’il convient d’employer. En génér
a l, les anti-fpafmodiques, anti - hyftériques, les
préparations de pavot doivent être données fur le
champ. Les faignées peuvent convenir dans quelques
cas particuliers 8c rares : elles feroient indifférentes
ou nuifibles dans le cas de poifon, 8c ab-
folument pernicieufes, lorfque l’on a füjet d’accu-
fer la foibleffe & l’épuifement ; des frittions, des
embrocations, des efpeces de douches avec de l’huile
bien chaude fourniffent un remede dont Galien a
conftaté l’efficacité par l’heureufe expérience qu’il
en a faite fur lui-même dans un cas femblable; enfin
le cautere attuel appliqué à la plante des piësi, ne
doit pas être oublié , quand les autres remedes ont
été fans effet : fouvent il emporte des maladies qui
avoient réfifté au fer 8c aux médicamens. Suivant
ce précepte du grand Hippocrate qu’on a taxé de
fauffeté, parce qu’on n’a pas fu en faire l’application.
Quoi médicamenta non fanant, eaferrum fa-
nat ; quee ferrum non fanat, ea ignis fanat ; quai verb
ignis non fanat, ea cenfere oportet infanàbilia. fec-
tione VIII. aphor. vj. Il feroit très-aifé de donner
une théorie iatisfaifante de l’attion de ce remede
dans la maladie dont il s’agit, mais non eft hîc locus.
Voye^ C au t e r e , Feu. Il fuffit de remarquer qu’on
emploie à la Chine, dans les Indes 8c au Japon,
la Moxe , qu’on applique aux piés, un anneau rouge
; qu’on fait des piquures avec des aiguilles, acu-
punctura ; 8c que ces remedes plus ou moins analogues
au cautere attuel, y font des effets furpre-
nans dans les maladies convulfives.
OP ITERG JNI, M o n t e s . ( Géog. anc.') Pline
nomme ainfi les montagnes où la Liveriza, Liquen-
tia, a fa fource. Ce font les monts fitüés entre Ce-
neda, Belluno 8c les bourgs d’Ariano 8c Polce-
nigo. ( D . J .)
OP1TERGIUM, (Géog. anc.) ancienne ville
d’Italie au pays du peuple Veneti, entre Ceneda 8c
la mer Adriatique. Les hâbitans font nommes Opi-
tergini par Lucain, Pline 8c Florus'. Le nom moderne
eft Oder^o. Ce fut apparemment après fa def-
truttion par les Quades 8c les Marcomans, qu’Héra-
clius l’a rebâti, 8c qu’elle fut appellée Héraclée.
OPIUM, f. m. (Hifl. nat. des drog.) C ’eft un fuc
concret, réfineux 8c gommeux, pelant, compatt ,
pliant, inflammable, d’un roux rioir, d’une odeur
narcotique, d’un goût acre 8c amer. 11 nous vient
en gâteaux arrondis, applatis, de la groffeur d’un
pouce, qui pefent uné demi-livre ou une livre, 8c
font enveloppés dans des feuilles de pavots. On
l ’apporte de l’Anatolie, de l’Egypte 8c des Indes.
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Les Arabes 8c les Droguiftes recommandent l’opium
dè Thèbes ou celui que l’on recueilloit en
Egypte auprès1 de Thèbes, mais on ne fait plus à
préfent cette diftinttion. De quelqu’endroit que
vienne l'opium, on eftime celui qui eft naturel, un
peu mou,qui obéit fous les doigts, qui e ft*in fl a minable,
d’uhe couleur brune ou noirâtre, d’une odeur
forte, puante , 8c affoupiffante. On rejette celui qui
eft fe c , friable, brûlé, mêlé de terre, de fable ou
d’autres ordures.
Les anciens diftinguoient deux fortes de fuc de
pavot; l’un étoit une larme qui découloit de l’inci-
fion que l’on faifoit à la tête des pavots : elle s’appelloit
/j.nnoùvoc otsoç, 8c chez les médecins o&m par
autonomafie. L’autre s’appelloit junauvtioy ou /x«k<b-
v/oy ; c’étoit le fuc épaifli que l’on retiroit de toute
la plante. Ils difoient que le méconium étoit bien
moins attif que l'opium.
Préfentement on ne nous en fournit que d’une
forte fous le nom d'opium: favoir, un füc qui découle
de l’incifion des têtes de pavots blancs; on
n’en trouve aucune autre efpece parmi les Turcs
8c à Conftantinople, que celui que l’on apporte en
gâteaux. Cependant, chez les Perfes on diftingue
les larmes qui découlent des têtes auxquelles on fait
des incifions, 8c ils recueillent avec grand foin celles
qui coulent les premières, qu’ils eftiment beaucoup
comme ayant plus de vertu. • »
La plante dont on retire le fuc, s’appelle papa-
ver hortenfe ,femine albo,fativum, Diofcorid. album,
Plinii, Céf. Bauhin, p. i f o . Sa racine eft environ
de la groffeur du doigt, rempli comme le refte de
la plante d’un lait amer. Sa tige a deux coudées;
elle eft branchue , ordinairement liffe , quelquefois
un'peu velue. Sur cette tige naiffent des feuilles
femblables à celles de la laitue, oblongues,
découpées., crépues, de couleur de verd de mer.
Ses fleurs font en rofe , plus fouvent à’quatre pétales’
blancs, placés en rond ; 8c qui tombent bientôt.
Le calice eft compofé dé deux feuillets ; il en
fort un piftil ou une petite tête , entourée d’un
grand nombre d’étamines. Cette tête fe change en
une coqüe, de la’ figure d’un oeuf, qui n’a qu’une
feule loge, garnie d’un chapiteau : elle eft ridée,
étoilée, munie intérieurement de plufieurs lames
minces qui tiennent à fes parois; à ces lames adhèrent,
comme à'des placenta, grand nombre de graines
très-petites , arrondies , blanches, d’un goût
doux & huileux.'
Dans plufieurs provinces de l’Afie mineure, on
feme les champs de pavots blancs, comme nous
femons le froment ; aufîi-tôt que les têtes paroif-
fent, on y fait une legere incifion; 8c il en découle
quelques gouttes de liqueur laiteufe, qu’on Iaifle
figer, 8c que l’on recueille enfuite. M. Tournefort
rapporte que la plus grande quantité d'opium fe
tire par la contufion 8c l’expreflioa de ces mêmes
têtes : mais Belon n’en dit rien, non plus que
Koempfer qui a fait une differtation fur l’opium per-
fique. Ces deux derniers auteurs diftinguent trois
fortes d’opium, mais tirés feulement par incifion.
Dans la Perfe on recueille l'opium au commencement
de l’été.-On fait des plaies en fautoir à la
fuperficie des têtes qui font prêtes d’etre mûres. Le
couteau qui fert à cette opération a cinq pointes;
8c d’un feul coup il fait cinq ouvertures longues 8c
parallèles. Le lendemain on ramaffe avec des fpa-
tules le fuc qui décotile de ces petites plaies, 8c
on le renferme dans un petit vafe attache à la
ceinture. ' • a a
Enfuite on fait l’opération de l’autre côté des te-
tes, pour en tirer le fuc de la même maniéré. La
larme que l’on recueille la prethiere, s’appelle go-
baari elle paffe pour la meilleure ; fia couleur eft