quelques ftades que la terre. Mais il eft bien furpre-
nant que ces perl'onnes n’aient jamais penfé à une
expérience qu’on eft à portée de faire tous les jours,
& qui découvre aifément cette tromperie des fens.
Quand nous regardons une longue allée d’arbres ou
une rangée de colonnes, la partie la plus éloignée
nous paroît toujours plus haute que celle qui eft auprès
de nous; Sc toute l’allée lemble s’élever petit-à-
p e tit, à mefure que fes parties s’éloignent de nous,
quoique réellement elle loit partout au même niveau
: c’ eft a in li que nous eftimons auffi la hauteur
de la mer ; c a r ,. li nous prenions un niveau, & que
du rivage nous obfervallions les parties éloignées
de la mer, nous ne les trouverions pas plus hautes
que nous ; au contraire elles le trouveroient un peu
plus baffes que l’horifon fur lequel nous fournies.
I I . On demande fi l'Océan eft partout de la même
hauteur ?
Il paroît que les différentes parties de l'Océan 8c
les baies ouvertes font toutes de la même hauteur ;
mais les baies en longueur, & principalement celles
que forment des détroits ferrés, font un peu plus
baffes, lurtout à leurs extrémités. Il feroit cependant
à fouhaiter que nous euffions des observations
meilleures & plus exaéïes que celles qu’on a faites
jufqu’à ce jour fur ce fujet. Il feroit defirable que
ceux qui font à portée de les faire , travaillaffent de
lev er, s’il eft poffibie, les doutes luivans : lavoir ,
i°. fi l’Océan indien, pacifique ÔC atlantique n’eft
pas plus bas que les deux autres ; z°. fi l’Océan fep-
tentrional auprès du pôle, & fous la zone froide eft
plus élevé que l’atlantique; 30. fi la mer rouge eft
plus haute que la Méditerranée ; 40. fi la mer pacifique
eft plus haute que la baie de Mexique ; fi la
mer bahique eft auffi haute que Y Océan atlantique,
llfaudroil encore obferver ces différences dans la
baie de Hudfon , au détroit de Magellan , 8c dans
d’autres endroits.
Le flux 8c reflux continuel de la mer, & les cou-
rar.s , font changer la face de l’Océan, & rendent les
parties d’une hauteur différente dans différens tems:
mais ce changement eft opéré par des caufes étrangères
, 8c nous n’examinons ici que la conftitution
naturelle de l’eau ; d’ailleurs, il ne paroît pas que ce
'changement de hauteur foit fi fenfible au milieu
de l’Océan qu’ auprès des côtés.
I II. La profondeur de Y O dan n’eft-elle pas variable
, 8c telle dans quelques endroits qu’on n’en
peut pas trouver le fond ?
La profondeur de l’Océan varie fuivant que fon
lit eft plus ou moins enfoncé ; on la trouve quelquefois
de ^ , 75-, 7 , 7 , 6*c. mille d’Allemagne ,
&c. Il y a des endroits où l’on trouve un mille 8c
plus, 8c où la fonde ne fe trouve pas communément
affez longue pour atteindre au fond ; cependant il
eft affez vraiffemblabie que , même dans ce cas , le
fond n’eft pas auffi éloigné qu’on le croit, fi ce n’eft
peut-être aux endroits où il fe rencontre des trous
•extraordinaires, ou des paffages fouterrains.
La profondeur des baies n’eft pas fi grande que celle
■ de T Océan , 8c leurs lits font d’autant moins creux ,
qu’ils fe trouvent plus proches de la terre:par la même
rai ion Y Océan n’eft pas fi profond auprès des côtes
que plus avant, ce qui eft occafionné par la figure
«oncave de fon lit.
Les marins trouvent la profondeur.de la mer avec
lin plomb de figure pyramidale , & d’environ douze
•livres de pefanteur ; qu’ils attachent à une ligne de
aoo perches de longueur ; quelquefois on prend un
plomb plus pefant. Cependant ils peuvent bien être
trompés dans cette observation lorfque la fonde eft
entraînée par un courant ou un tournant d’eau : car
«dors elle né defpend pas perpendiculairement, mais
dans une direâion oblique. Lorfque la profondeur
eft fi grande que la fonde ne fuffit pas pour y parvenir
, on peut employer la méthode donnée par la
dotteur Hook dans les Tranfadions phiiofophiques ,
7*°. .9. a • t
Il paroît pourtant que la profondeur de l'Océan
eft limitée par tou t, & qu’elle ne va pas jufqu’aux
Antipodes ; car fi deux portions de terre étoient di-
vifées par quelque partie de Y Océan qui put être continuée
à-travers le centre du globe jufqu’au côté op-
pofé, elles tomberoient enfemble au centre, à-moins
d’être ioutenues par les arcades, par la raifon que
la terre eft plus pelante que l’eau. D ’ailleurs toute
la maffe de la terre & de l’eau eft limitée , 8c confé-
quemment la profondeur de Y Océan ne peut pas être
■ infinie.
D ’ailleurs les obfervations qu’on a faites en divers
endroits à ce fujet, prouvent clairement que la profondeur
de la mer équivaut à-peu-près à la hauteur
des montagnes 8c des lieux méditeri ancs, c’eft-à-
dire qu’autant les unes font élevées , autant l’autre
eft déprimée ; 8c que comme la hauteur de la terre
augmente à nielure qu’on s’éloigne des côtes , de
même la mer devient de plus en plus profonde en
avançant vers fon milieu ,o ù communément la profondeur
eft la plus grande.
La profondeur de la mer eft fouvent altérée dans
le même lieu par quelques-unes des caufes fuivan-
tes : i° . par le flux 8c reflux ; z°. par l’aceroiffement
8c le décroiffement de la lune; 30. par les vents;
4°. par les dépôts du limon qui vient des côtes : ce
qui fait qu’avec le tems les fables & le limon rendent
petit à petit le lit de la mer pius plat.
IV. Pourquoi Y Océan qui reçoit tant de rivières,
ne s’aggrandit-il point ? Cette queftion eft très-
curieufe.
Puifque Y Océan reçoit perpétuellement une quantité
prodigieufe d’eau , tant des rivières q..i s’y déchargent
que de l’air par les pluies, 4es roiées 8c les
neiges qui y tombent, il leroil impoffible quM n’augmentât
pas confidérablement, s’il ne diHvnuoit de
la même quantité par quelqu’autre moyen ; mais
comme on n’a remarqué aucun accroiffement confi-
dérable dans la mer, & que les limites de la terre &
de l’Océan (ont les mêmes dans tous les lieeles, il
faut chercher par quel moyen YOcéan perd autant
d’eau qu’il en reçoit par les pluies & les rivières. U
y a à ce fujet deux hypothèfes chez le« Philofophes :
l’une eft que l’eau de la mer eft portée par des con*
duirs fouterrains julqu’aux fources des rivières, où
fe filtrant à-travers les crevaffes, elle perd fa falure:
l’antre hypothèfe eft que cette perte fe fait par les
vapeurs qui s’élèvent de fa furfaee.La première opinion
eft prefqu’abandonnée de tout le monde, parce
qu’il eft bien difficile, pour ne pas dire impoffible ,
d’expliquer comment l’eau de l’Océan , étant plus
baffe que l’embouchure des rivières,, peut remonter
aux fources , qui font la plupart fur de hautes montagnes.
Mais clans la fécondé hypothèfe on n’a point
cette difficulté à expliquer, ni à empêcher l ’accroiffe-
ment de l’Océan, ni à fournir d’eau les fources : ce
qui fe doit faire aifément par les vapeurs que nous
favons certainement être attirées de la fur fa ce de
l’Océan.
La quantité de vapeurs qui s’élève de la mer a été
calculée par M. Halley de la maniéré fuivant e. T tarif,
philof. n°. r§Q.
II a trouvé, par une expérience faite avec beau^
coup de foin , que Peau falée au même degré que l’efî
ordinairement l’eau de mer,Ô£ échauffée au degré de
chaleur de l’ air dans nos étés les plus chauds, exhale
l ’épaiffeur d’un foixantieme de pouce d’eau en d'eux
heures : d’où il paroît qu’une maffe d’eau d’un dixième
de pouce fe perdra en vapeurs dans l’efpaee
de douze heures. De forte que conrioiffant la furface
de tout Y Océan ou d’une de fes parties, comme l’a
Méditerranée , on peut auffi connoître combien il
s’en éleve d’eau en vapeurs en un jour, eii iuppolant
que l’eau foit auffi chaude que l’air l’eft en été.
Il s'enfuit de ce qui vient d’être d it , qu’une fur-
face de dix pouces qiiarrés perd tous les jours un
pouce cubique d’eau ; un pié quarré une demi-pinte,
le quarré de quatre piés, un gallon ; un mille 'quarré
6914 tonneaux ; & un degré quarré de 69 milles àn-
glois, 33 millions de tonneaux.
Lé fàvant Halley fuppofe que la Méditerranée eft
d’environ 40 degrés de longueur & 4 de largeur,
eompênfafion faite des lieux où elle eft plus large
avec ceux Où elle eft plus étroite : de forte que toute
fa fin-face peut être eftimée à 160 degrés quarrés ;
& par eonféqtïenf foute la Méditerranée fuivant la
proportion ci-devant établie, doit perdre en vapeurs
au moins 5 miliiars 180 millions de tonneaux d’eau
idaris un jour d’été. A l’égard de la quantité d’eau
que les vents emportent de deffus la furface de la
mer, qui quelquefois eft plus confidérable que celle
qui s’exhale par la chaleur du foleil, il me paroît impoffible
d’établir aucune réglé pour la fixer.
Il ne refte qu’à comparer cette quantité d’eau avec
celle que les rivières portent tous les jours à la mer:
ce qu’il eft difficile de calculer , puifqu’on ne peut
mefurer ni la largeur du lit de ces rivières , ni la
vîteffe de leur courant. Il n’y a qu’une reffoufee ,
c ’eft d’établir une comparaifon entre elles 8c la Ta-
mife ; & en les fuppofànt plus grandes qu’elles ne
font réellement, on peut avoir une quantité d’eau
plus confidérable qu’elles n’en fourniffent réellement
clans la Méditerranée.
La Méditerranée reçoit neuf rivières confidéra-
blês, favôiï l*Ebrè, le Rhône, le T ibre, le Pô , le
Dânubê ; le Neiftêf, le Borifthène, le Tanaïs 8c le
Nil ; toutes les autres font peù de chofe en compa-
ïaifoh. C et ingénieux auteur fuppofe chacune de ces
rivières dix fois plus grande que la Tamife , non
qu’il y en ait aucune de fi forte , mais afin de com-
penfer toutes les petites rivierës qui vont fe rendre
clans la même mer.
Il fitppofe qtie la Tamife au pont de Kingfton ,
où la marée monte rarement, a 190 atines de large
& trois dé profondeur , & que fes eaux parcourent
l ’efpace de deux milles par heure. Si donc on multiplie
190 aunes de largeur dé l’eau par trois aunes
de profondeur, & le produit 390 aunes quafrées par
48 milles ou 8 ■ milles 480 àuiies, qui eft la vîtefle
que l’eau parço.urt en un jou r , le produit fera
millions 344 mille aunes cubiques d’eau > ou 10 mil-
lons 300 mille tonneaux qui fe rendent chaque jour
dans la mer Méditerranée.
Or fi chacune de ces neuf rivières fournit dix fois
autant d’eau que la Tamife, il s’enfuivra que chacune
d’elles porte tous les jours dans la mer 103
millions de tonneaux d’eau, & cbnféqüemment toutes
les neuf enfemble donneront i 8 i? millions de
tonneaux d’eâu par jour. ’
Or cette quantité ne fait guère plus que le tiers de
de qui s’en exhale en vapeurs de la Méditerranée en
douze heures de tèms: d ’où il paroît que la Méditerranée,
bien loin d’augmenter où de déborder par
l ’eau des rivières qui s’y déchargent, feroit bien-tôt
defféchée fi les Vapeurs qui s’en exhalent n’y retournoient
pas en partie au moyen des pluies & des ro-
fées qui tombent fur fa furface.
V. Il y à des parties de l ’Océan don't la couleur
eft différente des autres, & l’on en cherche la raifon.
« Aft °kfi21,kve que vers le pôle dü nord la mer pà-
roit etre de couleur noire, brune fous la zone torride
, 8c verte dans les. autres endroits ; fur la côte de
la nouvelle Guinée elle paroît blanche & jaune par
Tome X I .
endroits, & dans les détroits elle paroît blanchâtre
fur la cote de Congo. Vers la baie d’Alvaro, oii la
petite riviereGonzales fe jette dans la mer,l ’Océan eü
d une couleur rouge, 8c cette teinture lui vient d’une
terre minérale rouge fur laquelle la riviere coule.
Mais l’eau la plus finguliera pour fa couleur, eft
celle du golfe Arabique, quon appelle auffi par- cette
railon la mer Rouge. Il eft probable que ce nom lui
a été donné à caufe du fable rouge qui fe trouve fur
fon rivage, & qui contre fa nature fe mêle fouvent
avec l’eau par la violencé du flux 8c reflux , qui eft
extraordinaire dans ce golfe : de forte qu’il le ba-
fotte comme des cendres, 8c l’empêche de tomber
au fond par fa violente agitation. Les marins confirment
ce fait, 8c difent que cette mer paroît quelquefois
auffi ronge que du fang ; mais que fi on met de
cette eau dans un vafe làns le remuer ; le fable
rouge fe précipite, & qu’on peut le voir dans le fond,.
Il arrive fouvent que de fortes tempêtes exerçant
leur furfè fur la mer Rouge vers l’Arabie 8c l’Afrique
, emportent avec elles des monceaux de fable
rouge capables d’engloutir des caravanes entières,
8c des troupes d’hommes 8c d’animaux , dont par
fitçeeffion de tems les corps fe changent en véritables
momies.
VI. Pourquoi la mer paroît-elle claire 8c brillante
pendant la nuit, fur-tout quand les vagues font fort
agitées dans une tempête ?
Ce phénomène nous paroît être expliqué par ce
paffage de 1 optique de Newton , pag, $tjf. « Tous
» les corps fixes, dit-il, ne luifent-ils pas & ne jet-
» tent-ils pas de la lumière lorfqu’ils font échauffés
m jufqu a un certain point ? Cette émiffion ne fe
» tait-elle pas par le mouvement de vibration-de leurs
» parties ? Tous les corps qui ont beaucoup de par-
» lies terreftres & fur-tout de fulphureufes , ne jet-
» tent-ils pas de la lumière toutes les fois que leurs
» parties font fuffifamment agitées , foit que cetté
» agitation fe faffe par la chaleur, par la friftion , la
» pereuffion , la putréfa&ion , par quelque mouve-
» ment v ita l, Ou autre eaufe fethblable? Par exem-
» p ie , l.’éau de la mer brillé la nuit pendant une vio-
» lente tempête, &c. »
VII. Gomment arrive - 1 - il que YOcéan abandonne
fes côtes en certains endroits , de forte qu’il
fe trouve de la terre ferme où il y avoit autrefois
pleine mer}
En voici les principales caufes : i° . fi la violence
des vaglifcs qui s’élancent contre la côte eft arrêtée
par des rochers, des bas fonds , & des bancs répandus
çà ôc là foiis l’eau, la matière terreftre contenue
dans l’eaü * comme la boue , la v afe , &c. fait un
dépôt & augmente la hauteur dés bancs de fable,
àu moyen de quoi ils oppofent de plus en plus de la
réfiftance à la violence de YOcéan, ce qui lui fait
dépofer encore plus de fédiment : de forte qu’à là
longue les bancs de fable étant devenus fort hauts,
excluent tout à-fait YOcéan 8c fe changent en terre
feche.
z°. Ce qiii contribue beaucoup à augmenter les
bas-fonds, c’eft quand ils font de fable & de rocher z
car alors la mer venant s’y brifer & s’en retournant,
h’en peut rien détacher ; au lieu que toutes les fois
qu’elle en approche elle y laiffe un fédiment qui les
augmente , comme je l’ai déjà dit.
30; Si quelque rivage voifin eft d’une terre legere;
pbreufe, 8c qui fe détache aifément, le flux de la
mer en emporte des parties qui fe mêlent avec l’eau,
& qu’elle dépofe fur quelqu’autre côte adjacente
qui fe trouve plus dure. D ’ailleurs quand la mer anticipe
fur une côte , elle quitte autant de terrein fur
une autre voifine.
40. Les grandes rivières apportent une grande
quantité de fable 8c de gravier à leurs embouchures
V v I