menés de la digeftion tait voir qu’il y a dans les àli-
mens ordinaires ( prenant le mot d’alimens dans un
fens moins rigoureux & comme fynonyme de matière
mangée, qu’il feroit bien commode de pouvoir
appeller mangeaille) , tant tiré du régné animal que
du régné végétal, tels que les chairs , les légumes ,
les fruits, les femences , &c. qu’il y a , dis-je , un
parenchyme fibreux , dont le tiflu n’eft que groffie-
rement divifé par la maftication ôc parla force mé-
chanique des organes digeftifs, en accordant meme
que ces organes exercent une telle force, qui refifte
aufli du moins dans l’homme, 8c félon les expériences
les moins conreftées à l’a&ion diffolvante desfucs
digeftifs, 8c qui fournit la matière principale 8c fondamentale
des excrémens. Ceci eft encore prouvé
par la confidération l'uivante ; favoir que les fucs fé-
parés par les opérations vulgaires delà cuifine de ce
parenchyme,par exemple, les bouillons, les fucs 8c
les décodions des fruits, des légum e s ,fou rn iffen t
une nourriture très-abondante, tandis que les marcs
ou réfidus de cette opération , c’eft-à-dire les parenchymes
quand ils font bien épuifés, font exactement
8c abfolument inalimenteux.
Il eft obfervé encore que dans les matières dont
fe nourriffent communément les animaux , & principalement
les hommes , fe trouvent certaines l'ubf-
tances, foit naturellement, foit introduites par art,
c’eft-à-dire des affaifonnemens, qui étant portées
avec le chyle dans la maffe des humeurs, font bientôt
féparéesde l’aliment proprement dit par la voie
des fécrétions ; par exemple , une quantité confidé-
rable d’eau,qui fournit la bafe de l’urine,de la tranf-
piration, de la plupart des excrémens ; le principe
aromatique de certaines plantes & le fel marin qui
font chafîes avec l’urine ; les acides qui affectent
principalement la double voie de la tranfpiration
cutanée 8c pulmonaire ; les matières huileufes ou
graiffeufes qui font employées à la compofition de
la graifle , de la bile , &c.
Il eft connu d’ailleurs que la fubftance propre des
animaux, tant l’humeur vitale lymphatique, que
tous les organes, 8c même les plus folides, font formés
d’une matière particulière dontl’effence eft bien
déterminée , favoir du corps muqueux (voyeç Muqueux
, Chimie'),altéré par des changemens fuccef-
fifs, qui n’ont point échappé à l’obfervation. Ceci
peut même être démontré, en fuivant les états fuc-
ceflifsdes organes animaux depuis celui de molleffe,
& même de liquidité dans la première formation de
l ’embryon , jufqu’à leur état le plus folide dans l’adulte,
& en remettant prefque entièrement par une
manoeuvre facile, par l’attion du digefteur ou machine
de Papin ( voye^ Digesteur ) tous ces organes
dans leur premier état de mucofité.
Si donc la pâture ou mangeaille commune des animaux,
contient une fubftance analogue à ce corps
muqueux ; que ce corps muqueux retiré d’un animai
puiffe fournir une nourriture très-propre aux autres
animaux ; & fi une matière parfaitement analogue à
ce corps fe trouve aufli abondamment répandue
dans les fubftances végétales dont les animaux ont
coutume de fe nourrir; il eft naturel de conclure
que ce corps muqueux eft la véritable matière nutritive.
Or une pareille matière peut être retirée des parties
charnues 8c même ofleufes des animaux, foit
par art, c’eft-à-dire parla fimple décoftion, moyen
que tout le monde connoît dans la préparation ordinaire
des bouillons, de la gelée de corne de cerf,
&c. ou des os même les plus durs, par le digefteur
de Papin ( voye^D igesteur) , foit même par l’action
ordinaire des fucs digeftifs des animaux. Le lait,
Içfan g , 8c les humeurs fereufes, lymphatiques &
muqiieüfes , &c. des animaux , contiennent aufli
abondamment cette matière.
La plupart des végétaux, peut-être tous, contiennent
aufli une fubftance très-analogue à la mü-
cofité animale, & qui ne s’éloigne de la parfaite identité
avec cette derniere fubftance , que par un paffa-
ge infenfible* tel que ceux qu’obferve conftamment
la nature. Cette matière nutritive végétale eft renfermée
dans les différentes efpeces de corps végétaux
muqueux. Voye£ MUQUEUX C orps , ( Chimie.
)
Il eft prouvé par une obfervation confiante, que
les fubftances animales qui font éminemment mu*
queufes, font aufli éminemment nourriffantes, beaucoup
plus que les fubftances végétales quelconques,
8c que les végétaux font d’autant plus nourrijjans ,
qu’ils contiennent une plus grande quantité de corps
muqueux, 8c de corps muqueux plus approchant de
l’état de la mucofité animale. Le degré extrême d’abondance
8c d’analogie avec le mucus animal, fe
trouve dans les racines tendres & charnues des
plantes crucifères, comme les navets 8c les raves}
8c dans quelques autres parties de plantes de la même
clafle, comme les feuilles de choux , 8c fur tout
de choux blanc, pommé, les têtes de choux-fleurs}
viennent enfuite les farineux, comme femences céréales
8c légumineufes, châtaignes, glands, &c. les
racines fucrées de panais, de bette, de chervi, &c.
les fruits doux, comme figues, raifins, poires, pommes,
&c. les femences émulfives d’amandes, de
n o ix, de noifettes, de pignons, &c. 8c enfin, toutes
les herbes 8c gouffes non mûres des plantes grami-
minées 8c légumineufes, qui, comme on fait, fourniflent
la pâture la plus nourriffante aux animaux herbivores.
L’extrême oppofé, les fubftances végétales
les moins nourriffantes, font les plantes potagères
aciueufes , infipides, ou acidulés , telles que la laitue
, les épinards, l’ofeille, &c. 8c principalement
les feuilles des arbres, q ui, à l’exception de celles
de quelques arbres à fruit légumineux , tel que l’acacia
vulgaire, contiennent peu de matière mu-,
queufe, même dans leur état de maturité ou de vigueur,
& par confisquent beaucoup moins encore,
lorfqu’elles font épuifées par la vieilleffe, qu’elles
font prêtes à tomber ; aufli voit-on que les animaux
engraiffent bientôt par l’ufage des premiers de ces
alimens végétaux , qu’ils mangent d’ailleurs avidement
; au lieu qu’ils maigriflent bientôt, lorfqu’ils
font réduits à l’ufage de ceux de la derniere clafle 9
vers lefquels ils ne fe portent que lorfqu’ils font pref-
fés par la faim.
La matière nutritive confidérée en fo i, eft réellement
dépouillée de toute qualité médicamenteufe.
Les anciens médecins qui l’ont bien connue, l’ont
même définie par cette abfence de toutes qualités mé-
dicamenteufies, par leur nihil emintns, nihil provitans>
nihil lædens, &c. en forte que s’il fe trouve quelque
ordre de corps naturels auxquels les Médecins aient
accordé quelques qualités médicamenteufes , 8c qu©
ces corps ne foient cependant que purement nour-
riffans, on peut afliirer que l’aôion de ces corps fur
l’économie animale eft mal eftimée. Ce qu’on peut
avancer, par exemple, des prétendus incrafl’ans.,
Voyt{ Incrassans. Mais comme la matière nutritive
fe trouve quelquefois dans un corps qui peut
contenir d’ailleurs un principe médicamenteux, 8c
même allié dans ces corps à ce principe, par exemple,
au parfum v if , ou à l’alkali volatil fpontané
dans plufieurs matières végétales, à un principe
échauffant, indéfini, 8c peut- être mal décidé, dans,
la vipere 8c quelques autres animaux ; il y a aufli
ce qu’on appelle des alimens médicamenteux, ou des
médicamens alimenteux ; mais encore un coup, on
doit exclure de cette claffe l’aliment pur.
On doit ôbferver aufli que les lois de diete établies
aux articles generaux alimens 8c régime, 8t dans
tous les articles particuliers de diete répandus dans
ce Dictionnaire , portent fur la variété des alimens
déduite de cet alliage dont nous venons de parler;
mais puis encore de la diverfité du tiflu du parenchyme
, dans lequel la matière nutritive eft enfermée.
Ainfi le mot aliment eft pris dans tous ces articles
in concreto, comme fynonyme à chpfe mangée,
& non pas dans un fens étroit, comme nous l’avons
pris dans cet article. ( b )
NOURRITURE, f. f. ÇMédecine. ) tout corps
qui fubfifte par le moyen des fondions vitales 8c animales,
8c qui par de? frottemens infenfibles, vient
à bout d ufer les folides ; tout corps qui change fes
humeurs, ÔCchafle dehors celles qui font fuperflues,
a befoin d’un fupplément analpgue à l’adion particuliere
de l’organe qui eft le laboratoire du chyle ;
or toutes les fubftances pril'es intérieurement, 8c ca pables
de fournir la matière qui peut réparer nos
pertes, s’appellent nourritures ou alimens , tant folides
que fluides.
Ces nourritures doivent varier fuivant l’âge 8c l’état
a&uel du corps ; les femmes groffes, les nourrices
, les fujets robuftes.,.,les perfonnes foibles , les
oififs, ceux qui font beaucoup d’exercice, les gens
en fa nté, les malades 8c les convalefcens, doivent fe
nourrir différemment. Il convient encore d’avoir
égard aux différences des tems de l’année , 8c des
faifons.
Les nourritures trop abondantes diftendent l’efto-
mac, le chargent, caufent des anxiétés, des douleurs
, la compreflion des parties adjacentes , le dégout
, la naufee, le vomiffement, le cours de ventre.
Les chofes crues fejournent trop dans ce vifeere ;
lorfque dans cet état elles viennent à paffer dansles
voies de la circulation, elles produifent la cacochi-
mie, la crudité des humeurs, leur pourriture, 8c
l’affoiblifl'ement des forces. Au commencement il eft
aife de prévenir tous ces maux par le vomiffement,
par des évacuations abondantes, 8c par une diete
ménagée. Les accidens quifuccedent parla fuite , fe
guériffent par la lobriété, par l’exercice du corps,
8c par Pufage des ftorna chiques.
Quand on prend moins de nourriture qu’il ne faut,
il furvient d’abord une faim infupportable, mais qui
fe paffe d’elle même; au lieu que la foif ne fait
qu’augmenter. De-là le défaut d’humidité 8c la rétention
des choies inutiles, d’où réiulte un amas de
parties hétérogènes, qui empêchent la génération
des efprits 8c des autres humeurs. La fin de tous ces
accidens, eft unefoibleffeexceftivequi feroit fuivie
de la mort, fi on n’y portoit remede. Les corps une
fois tombés dans un tel degré de foibleffe, ont befoin
d’alimens legers, fucculens, pris chaque fois en petite
quantité ; il faut donc y fubvenir par l’application
8c Pinjeftion des chofes nourriffantes.
Les alimens tenaces, falés, fumés, gras, gluti-
n eu x, difficiles à fe digérer par la force de l’efto-
mac 8c des inteftins, 8c par la vifçofité des fucs qui
abondent dans ces parties , donnent au chyle 8c aux
humeurs des qualités nuifibles à la fanté ; ils chargent
les organes de la chylification de particules hétérogènes
, âcres, putrides, 8c caufent en. confié- I
quence un grand nombre de maladies, telles que le
dégoût, l ’ardeur du ventricule , la cardialgie , l ’anxiété
, le hoquet, les rôts, la puanteur, le flux de
ventre , le choiera, la dyffenterie, 8c une infinité
d autres maux.
11 faut chaffer hors du corps par le fecours des re-
lacnans & des minoratifs, toutes les humeurs corrompues
qui fe font amaflees dans les premières
vo ies , en prévenir le retour par des remedes opposes,
recourir enfuite auxftomachiques Scauxfavonneux,
pour rendre à I’eftomac fon ton naturel, 8c aux
humeurs qui y abondent,, leur faponaci é ordinaire.
Il vaut njieux pour la fanté prendre plus louvent
de la nourriture en petite quantité, que de laiffer
tropdechftance entre les repas. L’exercice violent
aum-tot apres avoir mangé, a l’inconvénient de
de porter des crudués dans le fang. L’eftomac même
charge de nourriture, caufe ordinairement des in-
quiétudes pendant le fommeil.
Toutes les efpeces différentes de nourriture ne
produilènt pas le même genre de maladies. Il faut
ufer d’alimens mûrs, parce que ceux qui ne le font
point, deviennent difficiles à digérer. Ceux qui font
tenaces, faute d’avoir été cuits ou rôtis, produifent
un mauvais chyle. Les alimens d’habitude 8c
qui plaifent, fe digèrent beaucoup mieux, quoiqu’ils
ioienr d’une plus mauvaife qualité, que les alimens
auxquels on n’eft point fait, 8c qui ne flattent point le
goût. Les alimens acres, falés, fumés , torréfiés ,
nidoreux,. font aufli nuifibles, que les alimens Amples
8c d’un bon fuc font falutaires ; mais les alimens
trop faciles à digérer ne réparent point allez
les forces des laboureurs, des ouvriers, 8c des gens
robulles qui exercent beaucoup la machine.
Les farineux, les legumineux , les mucilagineux
pris en trop grande abondance, produilènt une pi-
Uute acide, des flatuofites, 8c le gonflement de l’e-
ftomac ; on y remédie par des réfolutits alkalins.
Quant aux matières retenues dans la capacité du
bas-ventre, il les faut évacuer par des minoratifs.
Les fruits acefcens, faponacés, fermentent aifément
dans les premières voies , y caufent des vents, des
aigreurs, la colique, 8c la diarrhée. Pour calmer
toutes ces maladies, il eft befoin de recourir aux
fpimueux, aux aromatiques, 8c aux autres remedes
capables d’ablbrber l’acide.
Les corps gras, oléagineux, qui par leur ranci-
dite produifent la cardialgie, la colique, l’ardeuf
du ventricule, le flux de ventre bilieux, demandent
l’ufage des purgatifs aigrelets , 8c les remedes
acides faponacés, pour les réfoudre, 8c modérer
; leur a&ion. La chair des animaux, des poilfons, les
oeufs, les choies fucculentes qui font devenues ni-
doreu fes, 8c qui ont été fuivies de la eolliquation
d’humeurs , requièrent les antifeptiques legerement
acides. L’ufage des vineux, des fpiritueux, dont la
boiffon produit l’ivrefle 8c le tremblement, doit
être mfenfiblement abandonné. Les alimens doux ,
fucrés, mielleux, la bierre nouvelle, le moût d©
v in , en un mot, toutes les fubftances qui fermentent
facilement 8c dégénèrent en acide, font la fonr-
ce d aigreurs 8c de maladies de nerfs, qu’il convient
de traiter par les alkahs, les aromatiques combinés
avec les réfineux 8c les corroborans. Les aqueux
tiedes pris fouvent 8c abondamment, affoibliffent
le ton de 1 eftomac, donnent lieu au relâchement du
corps, à la palèur, au froid des parties, au tremblement,
à la foibleffe, 8c à la trop grande ténuité
des humeurs. Tous ces accidens fe guériffent par
1 ufage modéré des mêmes boiffons froides mêlées
avec les ftomachiques corroborans. ( D. J. )
Nourriture ou fubjiftance des animaux ; elle a
; fourni à M. Derham di ver les remarques intérêt*
fantes, dont je vais donner l’extrait.
La première regarde le maintien d’un aufli grand
nombre d’animaux qu’on en trouve répandus dans
toutes les parties du monde ; la fécondé eft prife de
la quantité de nourriture proportionnnée à ceux qui
la confument ; la troifieme, de la variété des alimens
convenables à la diverfité des animaux ; la quatrième
, cle la pâture particulière qui fe trouve dans chaque
lieu convenable aux créatures qui y ontétédeG
tinées ; la cinquième, de l’admirable 8c curieux appareil
d’organes qui fervent à amafler, à préparer ôç