'rrennentles mains l’une à l’autre & le les ferrent, eh
«témoignage d’une union réciproque. O r , diioient-
«ls deux mains jointes enlemblc forment par le moyen
des doigts 1 c nombre 10.
Ce ne font pas les fenls Pythagoriciens qui aient
donné dans ces frivoles fubtilites des nombres , oc
dans ces fortes de rafinemens allégoriques, quelques
peres de PEglife n’ont pas fu s’en pré(érver : c’eft
ainfi que (aint Auguftin , pour prouver que les combinations
myrtérieuics des nombres peuvent iervir à
l ’intelligence de l’Ecriture , s’appuie du paifage de
l'auteur de la fageife. qui dit que Dieu a tout fait
avec poids, nombre & mefure. Enfin on trouve encore
dans le bréviaire romain quelques-unes de ces
allégories biiarres données en forme de leçons.
Voyez Yhift. critiq. de la Philofoph. tome IL Diogene
Laercc , & furtout P h i l o s o p h i e p y t h a g
o r i c i e n n e . ( D. J . )
Nombre , ( Gramm. ) les nombres font des termi-
-naifons qui ajoutent à l’idée principale du mot, l’idée
acceffoire de la quotité. On ne connoîtque deux
nombres dans la plupart des idiomes ; le fingulier
qui défigne unité, & le pluriel qui marque pluralité.
Ainfi cheval.& chevaux , c’eft en quelque maniéré le
meme mot fous deux terminaifons différentes : c’ eft
comme le même mot, afin de prelenter à 1 efprit la
même idée principale , l’idée de la même efpece d’animal
; les terminaisons font differentes, afin de de-
figner, par l’uae , un feul individu de cette efpece ,
ou cette feule efpece, & par l’autre, plulieurs individus
de cette efpece. Le cheval ejl utile à l'homme ,
il s’agit de l’efpece ; mon cheval m'a coûté cher , il
s’agit d’un feul individu de cette efpece ; j'a i acheté
■ dix chevaux anglois, on déligne ici plulieurs individus
de la même elpece.
I lyn quelques langues, comme l’hébreu, le grec ,
le polonois , qui ont admis trois nombres ; le fingu-
lier qui défigne l’unité , le duel qui marque dualité,
& le pluriel qui annonce pluralité. Il femble qu’il y
ait plus de précifion dans le fyftème des autres langues.
Car fi l’on accorde à la dualité une inflexion
propre , pourquoi n’en accorderoit-on pas aulîi de
particulière à chacune des autres qualités individuelles
? fi l’onpenfe que ce feroit accumuler (ans beloin
-& fans aucune compenfation , les difficultés des
langues , on doit appliquer au duel le même principe
: & la clarté qui fe trouve effe&ivement, fans
le fecours de ce nombre, dans les langues qui ne l’ont
point admis, prouveaflezqu’ilfuffit dediftinguerle
fingulier & le pluriel, parce qu’en effet la pluralité
fe trouve dans deux comme dans mille.
Auffi , s’il faut en croire l’auteur de la méthode
grecque de P .R . üv. IL ch. j . le duel, «Tuixof, n’eft
venu que tard dans la langue, & y eft fort peu ufité ;
de forte qu’au lieu de ce nombre on fe fert fouvent
du pluriel. M. l’abbé l’Advocat nous apprend, dans
fa grammaire hébraïque , pag. 3 2- que le duel ne
s’emploie ordinairement que pour les chofes qui font
naturellement doubles, comme les piés, les mains,
les oreilles & les yeux ; & il eft évident que la dualité
de ces chofes en eft la pluralité naturelle : il ne
faut meme , pour s’en convaincre , que prendre
garde à la terminaifon ; le pluriel des noms mafeu-
lins hébreux fe termine en im ; les duels des noms ,
de quelques genres qu’ils foient, le termine en aïm ;
c eft affurément la même terminaifon , quoiqu’elle
foit précédée d’une inflexion caraâériftique.
Quoi qu’il en foit des fyûèmes particuliers des
langues, par rapport aux nombres , c’eft une chofe
aiteftée par la dépoûtion unanime des ufages de tous
les idiomes , qu’il y a quatre efpeces de mots qui
font fufceptibles de cette efpece d’accident, favoir
les noms, les pronoms , les adjectifs & les verbes ;
«fou j’ai inféré ( voyc£ Mo t , art. I. ) , que ces quatre
efpcccs doivent préfenter à l’efprit les idées des etre*
foit réels foit abftraits , parce qu’on ne peut nombrer
que des êtres. La différence des principes qui règlent
le choix des nombres à l ’égard de ces quatre elpeccs
de mots , m’a conduit aufli à les divilcr en deux d a lles
.générales ; les mots déterminatifs , favoir les
noms & les pronoms ; & les indéterminatifs, favoir
les adje&ifs & les verbes : j’ai appelle les premiers
déterminatifs, parce qu’ils préfentent à l’efprit des
êtres déterminés, puilque c’eft à la Logique & non
à la Grammaire à en fixer les nombres ; j’ai appellé les
autres indéterminatifs, parce qu’ils préfentent à l’el-
prit des êtres indéterminés , pu)(qu’fis ne prefentent
telle ou telle terminaifon numérique que par imitation
avec les noms ou les pronoms avec lelquels ils font
en rapport d’identité. Voye{ I d e n t i t é .
Il fuit de-là que les acljeftifs & les verbes doivent
avoir des terminaifons numériques de toutes les efpeces
reçues dans la langue : en françois, par exemple,
ils doivent avoir des terminaifons pour le fingulier
Si pour le pluriel ; bon ou bonne, fingulier bons ou
bonnes , pluriel ; aimé ou aimée , fingulier ; aimés ou
aimées , pluriel : en grec , ils doivent avoir des terminaifons
pour le fingulier , pour le duel & pour le
pluriel ; âya.&6Ç , ctyaàn , uyetd’oy , fingulier JetyaAw ,
dykWa, JyctSd, duel j aya&ci, uyctSa.), aya^u , pluriel
, çibtàfxivoç, fiXto/xiv» , çiteofAtvov, fingulier ; ç/-
MofÂivu , çO.tàpuct , tpiMo/xim , duel y tpiMcfMVOi, ipiMo-
juf.ai, çiMofxita. , plurier. Sans cette diverfité de terminaifons
, ces mots indéterminatifs ne pourroient
s’accorder en nombre avec les noms ou les pronoms,
leurs corrélatifs.
Les noms appellatifs doivent également avoir,
tous les nombres , parce que leur lignification générale
a une étendue fufceptible de différens degrés dô
reftriêlion , qui la rend applicable ou à tous les in-,
dividus de l’efpece , ou à plulieurs foit déterminé-
ment, ou à deux , ou à deux, ou à un feul. Quant à
la remarque de la gramm. gén. part. IL ch.jv. qu’il y
a plulieurs noms appellatifs qui n’ont point de pluriel
, je fuis tenté de croire que cette idée vient de ce
que l’on prend pour appellatif des noms qui font véritablement
propres. Le nom de chaque métal, or ,
argent, fer, fon t,fi vous voulez, fpécifiques ; mais
quels individus diftin&sfe trouvent fous cette efpece?
C ’eft la même choie des noms des vertus ou des
vices ^jujlice, prudence, charité, haine , lâcheté, &c.
& de plulieurs autres mots qui .n’ont point de pluriel
dans aucune langue, à moins qu’ils ne foient pris
dans un fens figuré.
Les noms reconnus pour propres font précifément
dans le même cas : effentiellement individuels , ils
ne peuvent être fufceptibles de l’idée acceffoire de
pluralité. Si l’on trouve des exemples qui paroiffent
contraires , c’eft qu’il s’agit de noms véritablement
appellatifs & devenus propres à quelque colleâion
d’individus ; comme , Juiii , Antonii, Scipiones 9
&c. qui font comme les mots.nationaux , Romani,
A fr i, Aquinates , noflrates , & c . ou bien il s’agit de
noms propres employés par antonomafe dans un fens
appellatif, comme les Cicérons pour les grands orateurs
, les Céfars pour les grands capitaines, les P la-
tons pour les grands philofophes , les Saumaifes pour
les fameux critiques , &c.
Lorfque les noms propres prennent la fignifica-,
tion plurielle en françois , ils prennent ou ne pren-«-
nent pas la terminaifon caraûériftique de. ce nombre ,
félon l ’occafion. S’ils défignent feulement plufieurs
individus d’une même famille , parce qu’ils font le.,
nom propre de famille, ils ne prennent pas la terminaifon
plurielle ; les deux Corneille fefont difiingués
dans les Lettres ; les Cicero’p ne fe font pas également
illujlrés. Si les noms propres deviennent appellatifs
par antonomafe , ils prennent la terminaifon plu-.
NOM
rielle ; les Corneilles font rares fur notre parriaffe , b
les Cicérons dans notre barreau. Je fai bon gre à l’u-
fage d’une diftin&ion fi délicate & fi utile tout-à-la-
fois.
Au refte , c’eft aux grammaires particulières de
chaque langue à faire connoître les terminaifons numériques
de toutes les parties d’oraifon déclinables,
& non à l’Encyclopédie qui doit fe borner aux principes
généraux & raifonnés. Je n’ai donc plus rien à
ajouter fur cette matière que deux obfervations de
fy ntaxe qui peuvent appartenir à toutes les langues.
La première c’eft qu’un verbe fe met fouvent au
pluriel, quoiqu’il ait pour fujet un nom collectif fingulier
; une infinité de gens penftnt ainfi ^ la plupart fe
laiffent emporter à la coutume ; & en latin, pars merfi
tenuere, Virg. C ’eft une (yllepfe qui met le verbe ou
meme l’adjeélfi en concordance avec la pluralité effentiellement
comprife dans le nom collectif. De-là
vient que fi le nom colleélif eft déterminé par un
nom fingulier, il n’eft plus cenfé renfermer pluralité
mais Amplement étendue, & alors la (yllepfe n’a
plus lieu , & nous difons , la plupart du inonde Je laijfe
tromper : telle eft la raifon de cette différence qui pa-
roifl'oit bien extraordinaire à Vaugelas, rem. qy. le
déterminatif indique fi le nom renferme une quantité
diferete ou une quantité continue, & la fyntaxe varie
comme les fens du nom colle&if.
La fécondé obfervation, c’eft qu’au contraire
après plufieurs fujets finguliers dont la colleêlion
vaut un pluriel, ou même après plufieurs fujets dont
quelques uns font pluriers , & le dernier fingulier,
on met quelquefois ou l’adjeftif ou le verbe au fingulier,
ce qui femble encore contredire la loi fondamentale
de la concordance: ainfi nous difons ,
non-feulement tous fes honneurs & toutes fes richejfés,
mais toute fa vertu s'évanouit, & non pas s'évanouirent
( Vaugelas, rem. 3 4 0 ) ; & en latin , foc iis &
regerecepto, Virg. C ’eft au moyen de l’ellipfe que l’on
peut expliquer ces locutions, ôc ce font les conjonctions
qui en avertiffent, parce qu’elles doivent
lier des propofitions. Ainfi la phrafe françoife a de
lous-entendu jufqu’à deux fois s'évanouirent, comme '
s’il y a voit, non-feulement tousfes honneurs s’évanoui-
rent & toutes fes richéjfes s’évanouirent, mais toute
fa vertu s'évanouit g ôc la phrafe latine vaut autant
que s il y a v o it , fociis receptis (S* rege recepto. En
voici la preuve dans un texte d’Horace :
O nocles coenæque deûm , quibus ipfe , meique,
Ante larem proprium vefcor ;
il eft certain que vefcor n’a ni ne peut avoir aucun
rapport a mei , & qu’il n’eft relatif qu’à ipfe j il faut
donc expliquer comme s’il y avoit , quibus ipfe vef-
cor y meique vefeuntur , fans quoi l’on s’expolè à ne
pouvoir rendre aucune bonne raifon du texte.
S il fe trouve quelques locutions de l’un ou de
1 autre genre qui ne loi.ent point autorifées de l’ufa-
8e pj|jj| ° n Pût les expliquer par les mêmes principes
dans le cas où elles auroient lieu, on ne doit rien
en inferer contre les explications que l’on vient de
donner. Il peut y avoir différentes raifons délicates
de ces exceptions : mais la plus univerfelle & la plus
generale, c’eft que les conftruâions figurées (ont
toujours des écarts qu’on ne doit fe permettre que
lous autorité de l’ufage qui eft libre & très-libre.
■ L uiage de notre langue ne nous permet pas de dire,
e peuple romain & moi déclare & fais la guerre aux
peuples de l'ancien Latium; & l’ufage de la langue latine
a permis à Tite Live , & à toute la nation dont
1 rapporte une formule authentique , de dire, ego
popu ufque romanus populis prifeorum Latinorum btl-
SpjffS l.co f acioque ; liberté de l’ufage que l’on ne
ranféO°mt t“ xer caprice , parce que tout a fa
ors meme qu’on ne la connoît point.
N O M 1 0 7
Le mot de nombre eft encore ufité ert grahlmaird
un autre fens ; c’eft pour diftinguer entre les
différentes efpeces de mots * ceux dont la fignifica-
tion renferme 1 idée d’une précifion numérique. Jo
penfe qu’il n’étoit pas plus raifonnable de donner*
le nom de nombres à des mots qui expriment un<3
idée individuelle de nombre, qu’il ne l’autorife d’ap-
peller êtres y les noms propres qui expriment une
idée individuelle d être : il falloit laifTer à ces mots
le nom de leurs efpeces en y ajoutant la dénomination
vague de numéral, ou une dénomination moins
générale , qui aitfoit indiqué le fens particulier déterminé
par la précifion numérique dans les différens
mots de la même efpece.
Il y a des noms , des adjeélifs , des verbes & des
adverbes numéraux ; & dans la plupart des langues
on donne le nom de nombres cardinaux aux adjeâifs
numéraux, qui fervent à déterminer la quotité pré-
cife des individus delà fignification des noms appellatifs
; un , deux, trois , quatre , &c. c’eft que le
matériel de ces mots eft communément radical des
mots'numéraux correfpondans dans les autres claf-
fes, & que l’idée individuelle du nombre qui eft en-
yifagée (eule & d’une maniéré abftraite dans ces ad-
je&ifs, eft*combinéc avec quelqu’autre idée accef-
foire dans les autres mots. Je commencerai donc par
les adje&ifs numéraux.
1. Il y en a de quatre fortes en françois , que je
nommerois volontiers adjeftifs collectifs , adjcôifs
ordinaux, adjectifs multiplicatif s adje&ifs partitifs.
% Les adjeûifs collectifs , communément appelles
cardinaux, font ceux qui déterminent la quotité des
individus par la précifion numérique : un, deux trois*
quatre , cinq , Jîx , fept, huit , neuf, dix , vingt
trente, &c. Les adjeêlifs pluriels quelques, plufieurs ,
tous,îont auffi colle&ifs ; mais ils ne font pas numéraux
, parce qu’ils ne déterminent pas numériquement
la quotité des individus.
Les adjeétifs ordinaux font ceux qui déterminent
l’ordre des individus avec la précifion numérique :
deuxieme, troijîeme , quatrième, cinquième , jixieme ,
feptieme , huitième , neuvième , dixième , vingtième ,
trentième, &c. L’adjeôif quantieme eft auffi ordinal ,
puifqu’il détermine l’ordre des individus ; mais il
n’eft pas numéral , parce que la détermination eft
vague & n’a pas la précifion numérique : dernier eft
auffi ordinal fans être numéral, parce que la place
numérique du dernier varie d’un ordre à l’autre, dans
l’un, le dernier eft troifieme ; dans l’autre , centième
; dans un autre , millième , &c. LeS adjectifs premier
& fécond font ordinaux effentiellement, & numéraux
par la décifion de l’ufage feulement : ils ne
font point tirés des adjeôifs colle&ifs numéraux ,
comme les autres ; on diroit unième au lieu de premier
, comme on dit quelquefois deuxieme au lieu de
fécond. Dans la rigueur étymologique , premier veut
dire qui ejl avant, & là prépofition latine proe en eft
la racine ; fécond veut dire qui fu i t , du verbe latin
fequor : ainfi dans un Ordre de chofes , chacune eft
première, dans le fens étymologique, à l’égard de celle
qui eft immédiatement après, la cinquième à l ’égard
de lafixieme , la quinzième à l’égard de la feizieme
&c. chacune eft pareillement féconde à l’égard de celle
qui précédé immédiatement, la cinquième à l’égard
de la quatrième , la quinzième à l’égard de la quatorzième,
&c. Mais l ’ufage ayant attaché à ces deux
adje&ifs la précifion numérique de l’unité & de la dualité
, l’étymologie perd fes droits fur lé fens.
Les adjeâifs multiplicatifs font ceux qui déterminent
la quantité par une idée de multiplication avec
la précifion numérique : ' double , triple , quadruple ,
quintuple, fextuple, ocluple , noncuple , décuple, centuple.
Ce font les feuls adjeéHfs multiplicatifs numéraux
ufités dans notre langue, & il y en a même