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maladies ? On raifonneroit bien mal, & on prati-
queroit bien plus mal encore fi l’on établifl'oit des
indications curatives fur les obfervations cadavériques.
Pour avoir quelque chofe de certain , il fau-
droit avoir ouvert cinquante perfonnes attaquées
de la même maladie, & morts dans des tems difté-
rens par quelqu’autre caufe , on pourroit alors voir
les progrès de la maladie & des dérangemens qu’elle
occafionne , ou qui l’ont produite ; obfervation pref-
que impoflible à fuivre. Un des cas oii l’on regarde
Yobftrvation cadavérique comme inutile , lavoir celui
où l’on ne trouve aucun veftige de maladie, aucune
caufe apparente de mort, où tous les vifeeres
bien examinés paroiffent fains & bien difpofés : ce
ca s , dis-je , eft précifément celui où cette obfervation
me femble plus lumineufe, parce qu’elle démontre
qu’il n’y avoit qu’un vice dans les nerfs , &
que la maladie étoit ftrittement nerveufe : un des
cas encore où Yobftrvation peut avoir quelqu’utilité,
c’eft pour déterminer le liege de la maladie ; il arrive
louvent qa’on attribue des toux , des fÿmpto-
mes de phthifie, à des tubercules du poumon, tandis
qu’il n’y a que le foie d’affetté : la même chofe
arrive dans certaines prétendues péripneumonies,
& alors Yobftrvation cadavérique peut faire réfléchir
dans une oçcafion femblable , rettifier le jugement
qu’on porte fur la maladie, & faire fuivre une
pratique différente. La fécondé caufe de l’inutilité
des obftrvations cadavériques , c’eft qu’on les fait
mal. Un malade auroit-il eu une douleur vive au
cô té, après fa mort le médecin qui croit que c’étoit
une pleuréfie, fait ouvrir la poitrine, n’y voit aucun
dérangement , s’en va tout étonné , & ne s’éclaire
point ; s’il eût ouvert le bas-ventre , il eût vû
le foie ou la face inférieure du diaphragme enflammée.
Un homme meurt dans les fureurs d’un délire
phrénétique : onfe propofe d e vo ir la dure-mere
engorgée , tout le cerveau délabré, onfeie le crâne,
la dure-mere & le cerveau paroîtront dans leur
état naturel, & on ne va pas s’imaginer & chercher
le liege de la maladie dans le bas-ventre. Quand
on veut examiner un cadavre pour y découvrir
quelque caufe de mort, il faut tout le parcourir, ne
laiflèr aucune partie fans Yobfervtr. On trouve fou-
vent des caufes de mort dans des endroits où on les
auroit le moins foupçünnées : un autre inconvénient
qui s’oppofe à la bonté des obftrvations cadavériques,
ce ft de fouiller les cadavres avec un efprit préoccupé
, & avec l’envie d’y trouver la preuve de quel-
qu’opinion avancée ; cette prévertfion qui fait trouver
tout ce qu’on cherche , eft d’une très-grande
conféquence en Médecine ; on prépare par-là de
nouveaux écueils aux médecins inhabiles , & on
taille des matériaux pour des fyftèmes erronés ; c’eft
un défaut qu’on reproche à certains infatigables faiseurs
d’expérience de nos jours. J’ai vû des médecins
qui ayant annoncé dans un malade une Suppuration
dans la pojtrine , & en conféquence une îm-
poflibilité de guérifon , prétendoient la trouver dans
le cadavre , prenoient pour du pus l’humeur écu-
meufe qui fortit des velicules bronchiques dans le
poumon très-fain : il y en a d’autres qui ayant imaginé
le foyer d’une maladie dans quelque vifeere,
trouvent toujours dans l’ouverture des cadavres
quelques vice s, mais ils font les feuls à faire ces
obftrvations. Ceux qui feront curieux de lire beaucoup
obftrvations cadavériques dont je me garde
bien de garantir l’exattitude & la vérité , peuvent
confulter le Stpulchrttum Bontti, les recueils obftrvations
de Tulpius, Foreftns, Hoffman, Riviere,
Sennert , Schenckius, Zacutus Lufitanus, Italpart
Van der-vtc , les mifceLlanea natur. curiofor. & le
fynopjis, & Wepfer hiflor. apopleclic. cum obfcrvat.
ccltbr, mtdicor, Manget, bibliothec, mtd. praclic, Lieu-
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taud, fon précis de la Médecine, remarquable par le»
obftrvations cadavériques qu’il a faites lui-même, ou
qu’ii a raffemblé des autres, mais qu’on eft fâché de
voir fi abrégée; Morton, fa Phthifiologie ; Senac , fon
immortel traité du coeur ; &c un petit, mais excellent
ouvrage fur les fievres intermittentes & rémittentes
, où il y a un chapitre particulier qui renferme
les obftrvations faites fur les cadavres dé ceux qui
font morts de fievres intermittentes, &c. on trouve
aufli de ces obftrvations dans itne foule de petits-
traités particuliers fur chaque maladie ; les mèmoi-.
rts de différentes académies ; les tjfais de la fociété
d’Edimbourg, & le journal de Médecine en renferment
aufti beaucoup.
Obfervations phyfio logiques. Ce font des obferva-
dons iur l’homme vivant & en bonne fanté , par lef-
quelles on s’inftruit de tous les phénomènes qui résultent
du concours , de l’en femble & de l’intégrité
des fonftions humaines ; le recueil de ces objerva-
tions , bien fait & tel que je le conçois, formeroit une
hiftoire de l’homme phyfique très complette , très-
féconde & abfolument nécelfaire pour bâtir Solidement
un fyftème bien raifonné d’économie animale
: ce genre à'obftrvations a cependant été pref-
que généralement négligé ; inondés de traités de
Phyfiologie-, à peine en avons-nous un qui foit fait
d’après Yobftrvation exatte de l’homme , aufli quelle
inexattitude dam les dëfcriptions , quelles inconséquences
dans les explications ! quel vague , quelles
erreurs dans les fyftèmes ! Tous les phyfiolog’ft. s
n’ont fait que fe copier dans les dëfcriptions , &
femblent n’avoir eu en vue que de fe combattre
dans les théories ; loin d’aller examiner la nature ,
de s’étudier foi même , de confulter les autres, ils
n’ont cherché qu’à le former une lifte des fonttions
de l’homme, & ils les ont expliqué enfuite ch icnne
en particulier, comme fi elles n’avoient pas les unes
fur les autres une attion, une influence i éciproque ;
il femble dans leurs écrits qu’il y ait dans l’homme
autant d’animaux différens qu’il y a de parties & de
fonttions différentes ; ils font cenfés vivre féparé-
ment, & n’avoir enfemble aucune communication.
On lit dans ces ouvrages un traité de la circulation
après un chapitre de la digeftion , & il n’eft plus
queftion de l’eftomac , des inteftins , de leur attion
fur le coeur & les arteres après qu’on en a fait lortir
le ch yle , & qu’on l’a fait monter méchaniquement
jufqu’à la fouclaviere gauche. On pourroit, fuivant
l’idée de ces auteurs , comparer l’homme à une
troupe de grues qui volent enfemble dans un certain
ordre, fans s’entr’aider réciproquement & fans
dépendre les unes des autres. Les Médecins ou Philosophes
qui ont étudié l’homme qui ont. bien
obfervé par eux mêmes , ont vû cette fympathie
dans tous les mouvemens animaux , cet accord fi
confiant & fi néceffaire dans le jeu des différentes
parties les plus éloignées &c les plus difparates ; ils
ont vû aulii le dérangement qui réfultoit dans le
tout du défaccord fenfible d’une feule partie. Un
médecin célébré (M. de Bordeu) & un illuftre phy-
ficien ( M. de Maupertuis) fe font accordés à comparer
l’homme envifagé fous ce point de vûe lumineux
& philofophique à un grouppe d’abeilles qui
font leurs efforts pour s’attacher à une branche
d’arbre , on les voie fe preffer, fe foutenir mutuellement,
& former une efpcce de tou t, dans lequel
chaque partie vivante à fa maniéré , contribue par
la correfpondance & la direttion de fes mouvemens
à entretenir cette efpece de vit de tout le corps, fi
l’on peut appeller ainli une fimple liaifon d’attions.
Le traité intitulé, recherches anatomiques J'ur La portion
6* l'ufage des glandes , où M. de Bordeu donne
cette comparaifon compofée en 1749,. fut imprimé
& parut au commencement de 1751. La diflertation
de
de M. de Maupertuis où il en eft queftion, a été aufli
imprimée à Erlang en 1751 fous ce titre.
Pour faire une bonne phyfiologie , il faudroit
d’abord l’hiftoire exatte &c bien détaillée de toutes
les fonttions du corps humain, de la maniéré apparente
extérieure dont elles s’exécutent, c’eft-à-dire
des phénomènes qui en font le produit, & enfin des
changemens qu’operent fur-l’ordre fucceflif de ces
fonttions les caufes naturelles de la durée de la vie.
Voye{ ( E c o n o m i e a n im a l e - 6* P h y s i o l o g i e . On
ne peut obtenir cela que par une obfervation affidue,
défintéreflée & judicieufe tic l’homme ; ce plan a
été fuivi par l’illuftre auteur du fpecimen medicinoe
confptclus , de l’idée de l’homme phyfique & moral
&c. qui n’a donné dans ces ouvrages un fyftème
très-naturel &c très-ingénienx d’économie animale
qu’après s’être long-tems étudié & obfervé lui-même
& les autres, nous l’expoferons à / ^ « « / « (E c o n o m
i e a n i m a l e . Ce fameux médecin penfe que pour
tirer un plus grand parti de Yobftrvation , il faut déjà
avoir une efpece de théorie, un point de vûe général
qui J'erve de point de ralliement pour tous les faits
que l'obfervation vient d'offrir ; mais il eft à craindre
que cette théorie antérieure dont i ’efprit eft préoccupé
, ne lui déguife les objets qui le préfenrent ;
elle ne peut être indifférente ou même utile qu’entre
les mains d’un homme de génie, qui ne fait pas
fe prévenir , qui voit du même oeil les objets contraires
à l'on fyftème -que ceux qui lui' l'ont favorables
, & qui eft affez grand pour fa voir facrifier
quand il ie faut les idées les plus fpécieufes à la fimple
vérité.
Nous rapportons aux obfetvadons phyfiologiques
la fémciotiquede la famé, où la fcience des lignes
qui carattérifent cet état fidéfirable, & qui peuvent
faire promettre qu’il fera .confiant & durable ; pour
déterminer exactement la valeur,.la •lignification &
la certitude de ces lignes, il faut avoir fait un grand
nombre à'obfervadons : la féméiotique n’en eft qu’un
extrait digéré &, rapproché.
Les obfervations hygiétiques trouvent aufli naturellement
leur place ic i, parce qu’elles nous apprennent
ce que peut, pour maintenir la fanté ^ l ’ufage réglé
des fix chofes non-naturelles. Cette connoiflànce,
fruit d’,une \obfervadon fuivie, eft proprement la Médecine,
& ice n’eft qu’en l’exerçant qu’on peut l’obtenir.
Hippocrate la recommande beaucoup ; il faut
principalement, dit ce divin vieillard » s’appliquer à
connaître l ’homme dans fes rapports avec ce qu’il
boit & ce qu’il mange, & les effets qui en rëlultent
dans chaque individu : omni fludio annitatur ut per-
cipiat quid Jif.homo , colladone f iclâ ad ta quee edun-
tur & ibib.untur, & quid àjingulis cuique eventurum f i t ,
lib. de veter. medicin. Ce n’eft qu’après avoir raffemblé
beaucoup d’obfervations qu’on a pu établir les
différentes réglés cl’hygiéne, dont la principale, la
plus fure & la plus avantageufe eft pour les perfonnes
qui ont un tempérament a fiez robùfte de ri’en
point oblervei-. Voyt^ D i e t e , H y g i e -n e , R é g i m
e . On trouvera des obfervations &cdes reglesd’hy-
giene dans les.ouvrages d’Hippocrate, de Galien &
.<le Ce lle, dans 1 école de Salerné; on peut confulter
aufli deux traités du dotteur Arbuthnot, l’un intitule
: an .effay -concerning the nature of aliments and the
.choice o f tkem, according to the different conflitttdons o f
ïiuman bodies in which, .&c. London, i j j x ; 6c l’autre
a pour titre : practical rules of diet in the varions
confitiidons and difeafts of'human bodies. London.
:173 a , .&C.
Obfervations pathologiques ou pratiques. 'Ce font
les obfervations qui (e font au lit des malades, & qui
o n t , ou doivent avoir pour o bjet, les caufes delà
maladie ,lesfymptomes qui la carattérifent, la marche
qu elle fa it , les boas ou mauvais effets qui -re-
Tome X I .
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mitent de Padminiftration des refliedes, te fes différentes
terminaifous ; c’eft cette efpcce d’obfervation,
cultivée dans les tems les plus reculés, fi bien & fi
utilement fuivie par le grand Hippocrate, lu i a été
le fondement de la médecine chimique. Nous ne répéterons
pas ce que nous avons dit plus haut fur les
avantages de cette obfervation, & fur les qualités né-
ceffaires à un bon obfervateur , voyez ce mot. Il ne
nous refteplus qu’à donner un expofédesdétails que
doit embraffer une objervadon ; nous l’extrairons encore
des ouvrages d’Hippocrate, que nous ne pouvons
nous laffer de citer, & de pronofer pour modela
fur-tout dans cette partie : ce n’eft point une
prévention ridicule pour les anciens, un mépris ou*
tré des modernes, ou un enthonfiafme aveugle
pour cet auteur qui nous conduit, c’eft la fimple v érité
, c’eft l’attrait puiffant qui en eft inféparable, &:
que fentent très-bien ceux qui ont lu & relu fes
écrits. On peutfe former un plan très-inftruftif d’ob*
fervadons, en lif'ant celles qu’il rapporte dans fes épidémies,
& fur-tout dans le premier te le iroifieme
livres qui ne font point altérés, & que perfonne ne
lui contefte. Mais il a foin d’avertir lui-même, avant
d’entrer dans le récit circonftancié de fes obfervations,
de la maniéré dont il faut s’y prendre pour parvenir
à la .connoiflànce des maladies, & des points fur lef-
quels doit rouler Yobftrvation : voici comme il s’exprime.
« Nous connoiffons les maladies par leur na-
» ture commune, particulière & individuelle ; par
» la maladie préfente ; par le malade; par les cho-
» les qui lui font offertes., & même par celui qui
» offre ( ce qui n’eft pas toujours indifférent), par
» la conftitution partiale ou totale des corps célef-
» tes, tw apaviav ( & non pasJimplementde l'air, coin-
» me l'a traduit Le D.Freind ) , & du pays qu’il habi-
>> te ; par la coutume, le genre de v ie , .par les étù-
-» des ; par 1 âge de chacun ; par lés difeours que tient
» le malade, les moeurs, Ion filence, fes médita-
» tions , fes penfées , fon fommeil, fes veilles , fes
» fonges; par les inquiétudes, les démangeaifons,
» les larmes, les redoublemens., lesdéjettions, les
» urines, les crachats, les vomiffemens. Il faut aufli
» voir , continue cet illuftre obfervateur, quelles
» font les excrétions, & par quoi elles font détermi-
« nées, Kcti t<rat tr. oiav ; quelles font les viciflîtü-
>> des des maladies,en quoi elles dégénèrent ; quels
» font les abfcès ou métaftafes nuifibles, quels font
» les favorables ; la fueur , les friffons , le refroi-
» diffement, la tou x, l’éternuement, le hoquet,
» l’haleine, les renvois, les vents chaflës farrsbruit,
>> ou avec bruit: les hémorragies, les hémorrhbïdes,
» doivent encore être mûrement examinées ; il eft
» enfin néceffaire de s’inftruire de ce qui arrive de
» toutes ces chofes, &c de ce qui en eft l'effet ».
Morbor. vulgar. I. J. fecl. iij, n°. 20. Telle eft la table
des objets que Y obfervateur doit recueillir auprès
d’un malade. -Il nous fèroit facile de démontrer combien
chaque article eft important ; mais ce détail
nous meneroit trop loin: il n’eft d’ailleurs point d e
médecins, qui ayant vu des malades & des maladies,
n’en fentent toute l’utilité. Les obfervations qui regardent
les corps céleftes, l’a.ir,, le pays qui ont
paru abfolument indifférentes à plufieurs, ne laifl'ent
pas d’avoir beaucoup d’utilité ; l’influence des aftres
n’étant plus regardée comme chimérique lorfqu’elle
eft reftrainte dans des jufteshomes,fuftit pourconf-
tater.les avantages Aesobfervations de la conftitution
des corps céleftes, voye^ In f l u e n c e des àfires, ôc
plus bas, O b s e r v a t i o n s météorologiques. On pourroit
ajourer à l’expofition d’Hippocrate , les obfervations
qui fe font fur le pouls, & qu’on a de nos jours
•beaucoup cultivées, rendues plus juftes.&*plu* propres
à éclairer la marche des maladies, que tous les
autres figues, voyc^- P o u l s . Parmi les obfervations
S s