
 
        
         
		I l 
 de dire dès le commencement,  que  cette  ville  fouf-  
 frit beaucoup  en 845 &  856 par les courfes des Normands  
 , &  qu’ils l’afllégerent  en  886 &  890. Elle fut  
 encore ravagée fous le régné de Louis d’Outremer  ;  
 &   fous celui de Charles VII. les Anglois  s’en  rendirent  
 les  maîtres.  Non-feulement elle avoit été  pref-  
 que toute brûlée en  585,  mais  elle éprouva un  nouvel  
 incendie en  1034, &   une grande  inondation de  
 la  Seine en 1 206. 
 Si maintenant quelque parifien defiroit encore d’avoir  
 de plus amples détails fur le lieu de fa naiffance,  
 il peut confulter un  grand  nombre  d’écrivains .,  qui  
 depuis  long-tèms  fe  font  empreffés  de  donner des  
 deicriptions prolixes de Paris, &  d’éclaircir toute fon  
 'hiftoire. 
 Jean de Hauteville a , je crois, rompu la glace dans  
 un ouvrage intitulé Archithtenius, &  publié en  15 17 ,  
 i/z-40.  Gilles  Corrofet,  imprimeur ,  &  le préfident  
 Claude  Fauchet,  fuivirent  l’exemple  d’Haùteville.  
 Nicolas Bonfous augmenta l’ouvrage de Corrofet fon  
 collègue, &  le remit au jour en  1588. Le fuecès  des  
 faites de Paris, anima Jacques du Breuil, religieux bénédictin  
 de faint Germain-des-Prés, S c  lui  fit  entreprendre  
 le  théâtre des antiquités de cette  ville ,  qui  
 parut  en  1612,  in-40.  Sc  c’eft la feule bonne édition. 
 Depuis du Breuil, trois autres grands ouvrages ont  
 été  compofés  pour  éclaircir  l’hiftoire  de  Paris.  Le  
 premier, de Claude Malingre, parut en  1640,  in-fol.  
 fous  le titre  d’antiquités  de  la ville  de  Paris. Le  fécond  
 , intitulé Paris  ancien  &  moderne,  efl de Henri  
 Sauvai, avocat au  parlement.  Son  ouvrage  dans lequel  
 il traite,  article par article,  de tout ce qui concerne  
 la ville  de  Paris,  a  paru  long-tems  après  la  
 mort de l’auteur, favoir,  en  1724,  en trois volumes  
 in-folio. Le troifieme, commencé par dom Félibien ,  
 religieux bénédiôin de la congrégation de faint Maur,  
 efl une  hiftoirefuivie  de  Paris..Cette hiftoire  a;été  
 continuée par dom Lôbineau, religieux de  la  même  
 congrégation ,  S c  imprimé, en  1725,  en cinq  volumes  
 in-folio. Le fieur Grandcolas en a fait  un abrégé  
 en deux volumes in-12. qui ont été imprimés en 17 28,  
 S c  fiipprimés auflî-tôt. 
 Il y  a plufieurs autres  deferiptions particulières  de  
 Paris,  comme celle de François Colletet,  qui a aufli  
 donné  en  1664,  en deux volumes  in-ix. un abrégé  !  
 des annales S c  antiquités de Paris. On eftime en particulier  
 la defeription de cette ville, queM. de la Mare,  
 commiffaire au Châtelet,  a mife  à  la  tête de fon  excellent  
 traité  de la police. 
 La defeription de  Paris par Germain Brice,   dont  
 on publie fréquemment de nouvelles  éditions,  a fait  
 tomber toutes  les précédentes ;  celles de  Jean Boif-  
 feau,  de  Georges  de Chuyes ,  d’Abraham de  Pradel  
 ,  de Claude le Maire ,  &c. On peut joindre  à  la  
 defeription de Brice les vingt-quatre Planches gravées  ’  
 en  1714 par  ordre  de M. d’Argenfon, lieutenant de  ’  
 police,  ou mieux encore celles de  l’abbé de la Grive  ;  
 à caufe de la nouveauté. 
 Le pere Montfaucon a parlé plufieurs fois de P a r i s   \  
 dans  Ion  antiquité  expliquée. Il y  a aufli divers mor-  :  
 ceaux à ce fujet dans  les- mémoires  des Inferiptions.  :  
 Ceux même de l’académie des Sciences, contiennent  
 des  difcufîions fur  la grandeur  de  P a r i s   S c  de Londres  
 ; mais  ce que j’aime beaucoup mieux,  ce fbntles  ;  
 e j fa i s  fur P a r i s ,  par M. de Saihte-Foix. 
 Ajouterai-je  qu’on a aufli une  hiftoire  de  l’églife  !  
 de Paris, compofée par  Gérard  Dubois,  qui parut  !  
 en deux volumes in-fol. en 1690 &  1710, quoiqu’elle  j  
 ne finiffe qu’à l’an  1283. Enfin, on a publie en fix vo-  j  
 lûmes  in-fol.  l’hiftoire  de  Puniverfité  de  Paris  juf-  :  
 qu’en  1600 ,  par Céfar-Egafte du Boulay ;  &  quoi-  I  
 que  cette hiftoire ait été cenfurée  l’an  1667 par la fa-  :  
 culté de Paris, cette cenfure ne  lui a fait  aucun  tort  
 dans l’efptit du public. 
 Mais j’avoue que les étrangers font moins curieux  
 des prétendues antiquités de Paris,  de  fa police', de  
 fa topographie, . de l’appréciation de fa grandeur ,  d'e  
 l ’hiftoire de fon églife Ce de fon univerfité, que d’être  
 inftruits du caraûere  &   des moeurs aétueMés  des habitons  
 de  cètte v ille ,  à caufe  de  la'grande'influence  
 qu’ils ont fur le refte du royaume , Sc même fur quelques  
 pays voifins. Je  fai que  c’eft-là  ce  qui intéreffe  
 davantage  les  gens  dégoût, &   c’eft précifément ce  
 qu’aucun  écrivain n’a  traité.  Plufieurs  personnes de  
 beaucoup  d’efprit,  qui  pouvoient  nous  inftmire  à  
 merveille fur ce fujet, fe font contentées,  pour donner  
 une idée du caraftere des Parifiens,  d’obferver en  
 paffant que  leur portrait  étoit  calqué  fur. celui  des  
 Athéniens ;  mais ils ne font entrés  dans  aucun  détail  
 pour juftifier cette prétendue reffemblance.  - 
 Gomme  je  vis, pour ainfi dire  ,  an milieu d’Athènes  
 ,  ayant  fait beaucoup de recueils .fur cette ville,,  
 je puis tracer le portrait de fes habitans , &  mettre  le  
 lefr eur en état déjuger fi mes compatriotes  ont  avec  
 eux défi grands rapports qu’on l’aflure, Sc que je n’ai  
 pas l’efprit d’appercevoir, à tort  ou avec raifon. Quoi  
 qu’il  en  fo i t ,  le  tableau  que  je  vais  efquifler  des  
 moeurs d’Athènes,  Sc qui manque lous  ce mot géographique, 
   devient  néceffairej  mais  d’une  abfolue  
 néeeflité dans cet ouvrage , parce  qu’il  eft  indifpen-  
 fable aux gens de Lettres de l’avoir devant les yeux ,  
 pour entendre les Orateurs , les Hiftoriens.  les  Phi-  
 lofophes  Sc  les Poètes,  qui  y   font perpétuellement  
 allpfiqn. 
 Les Athéniens étoient d’un efprit vif;  ils aimoient  
 mieux  ,  dit Plutarque, deviner  une affaire',  que de  
 prendre la  peine  de  s’en laiffer  inftruirè. 
 Ils étoient extrêmement  polis Sc pleins de  r.efpeft  
 pour les  dames  ;  on  ne  fouilloit point  les logis  des  
 mariés  pendant que leurs époufes y  étoient ; Sc dans  
 un  tems  de guerre^ on renvoyoit  les  lettres  que les  
 ennemis  écrivoient  aux  dames d’Athènes,  fans  les  
 'décacheter. 
 Ils ne portoient  que  des habits  de pourpre  Sc des  
 tuniques de différentes  couleurs, brodées à la phrygienne. 
  Les  dames  fur-tout  étoient  folles  de la parure  
 ;  .elles mettoient dans  leurs  cheveux  des  cigales  
 d’o r , à leurs oreilles des  figues d’o r , Sc  fur  leurs  
 robes tous les ornemens qui pouvoient jetter de l’éclat. 
   Elles inventoient tous les jours des modes nouvelles  
 , &  alloient  fe  promener  à la porté  de dipy-  
 lon ,  pour  les étaler aux yeux de  tout le  monde. 
 Elles  apprirent  aux  dames  romaines à mettre  du  
 rouge  Sc du blanc.  Les lacédémoniennes  ne fe dou-  
 toient  pas  qu’elles  fuffent  belles;  les  athéniennes  
 croyoient  l’être,  parce  qu’elles  fe mettoient d’une  
 maniéré qui cachoit habilement leurs  défauts.  Elles  
 étoient  extrêmement bleffées,  quand  des étrangers  
 vantoiént  en  leur préfence  l’adreffe  des  lacédémoniennes  
 à monter à  cheval, leur habit  court,  leurs  
 étoffes moirées,  leurs gazes  de  cor, leurs chapeaux  
 de  joncs  de  l’Eurotas, la  beauté  de  leur teint,  Sc  
 la fineffe  de  leur taille. Pour lors  defefpérées ,  elles  
 demandoient  avec  dédain à  ces  étrangers  fi  c’étoit  
 le  brouet  noir  dont vivoient  les lacédémoniennes,  
 qui leur procuroit  ces deux derniers  avantages. 
 Elles  admettoient les baptes aux myfteres de  leur  
 toilette ;  c’étoient des prêtres efféminés  qui  fe  noir-  
 ciffoient  le  fourcil  ,  portoient  une  robe bleue,  Sc  
 vou'loient qu’on ne jurât  duvant  eux  qtie  par la divinité  
 de  Junon.  Elles parfumoient leur  linge de  la  
 plante patihénon,  dont les murs du  château de  leur  
 ville étoient couvertes,  Sc elles en avoiont toujours  
 des fachets dans leurs poches. 
 Elles  ne manquoient point les fêtes  des bachana-  
 le s ,  qui fe célébroient en hiver tous les  ans par les  
 prêtreffes  appellées gérares j  Sc l’été elles alloient fe  
 promener  tantôt  au  pyrée,  tantôt  dans  la  prairie  
 nommée 
 P A R 
 nommée Ÿénoeon, entourée de  bo’fquéls; cle peâp 1 ler s  
 Sc  tantôt  à oegyron:  c’ëtoit  le lieu ©ù  lés-payfans"  
 d’Icaria repréfentoient leurs  farces' à la  lumière*; Sc  
 le peuple y   avoit  fait  desr échàffaftds  pour  y  j jouir  
 de  ce fpe&acle. 
 Elles lifoient,  pour  fe  former- le f ty le ,  les  brochures  
 nouvelles , &   toutes  avaient  dans  leurspe-^  
 tites  bibliothèques  le  recueil des  pièces  de théâtre"  
 de  Cratinusy d’Eupolis, de Ménandre,  d’Ariftophâ-  
 n e , d’Efchyle, de Sophocle-, d’Euripide,  &  fur-tout  
 les  poéfies  de Damophyle  ,  de  Sapho ,  &  d’Ana-;  
 créon.  Les  copiftes imaginèrent de  tranferire  pdur  
 .Athènes tons  ces ouvrages en  petit  format  éga l, &   
 le débit  en frit incroyable. 
 On  recêvoit  au cyriotarge  tous  les enfans  illégitimes  
 ,- &   leS meres qui  voudroient  y  venir  faire  
 leurs  couches ; mais cet établiffement utile n’eut  pas  
 de fuccès ,  parce que  peu de  teins  après  fa  fonda-,  
 tion , l’ athéniert,  naturellement  babillard ,  ne  ptit  
 retenir fa  langue ;  &  la révélation d’un pareil  myf-  
 tere  éloigna toutes  les  filles  d’un certain rang, qiiife  
 îrouvoient malheureufement enceintes,  de  profiter  
 d’un  afyle où le fecret étoit  hautement  violé.  Elles  
 prirent des robes  lâches pour  cacher leurs  grofleffe,  
 ou des breuvages  pour  faire périr leur fruit,  au ha-  
 fard d’en être  elles-mêmes  la  trifte viélime  ;  ce- qui  
 n’arriva  que  trop  fou vent. 
 Les Athéniens n’étoient pas feulement babillards,  
 mais  pleins  de  vanité.  Ils  entretenoient par ce  feul-  
 mobile  un très - grand nombre  de domeftiquès.  Les  
 vingt mille  citoyens d’Athènes  avoient  cent  vingt  
 mille  valets ; quand ils fortôient, ils  fe faifoient fui-  
 vre par des efclaves qui portoient  des fiégës plians,  
 pour que leurs maîtres ne fuffent pas obligés  de refiler  
 trop  long-tems debout, &   de fe  fatiguer  à  marcher  
 dans  les rues.  Ils  s’habilloient comme  les  femmes  
 , d’habits brodés, compofoient leur teint comme  
 elles,  fe  frifoient,  fe  parfumoient,  mettoient  des  
 mouches  ,  fe plaignoient  de  migraine,  avoient  un  
 miroir de poche , une  toilette,  un nécejfaire. 
 L ’exemple gagnant tous les ordres de l’état, le fils  
 d’un Proëdre, d’un Lexiarque, d’un Telone, fe mo-  
 deloit fur  le fils du Polémarque, du Thallafliarque &   
 duChiliarque. Ils affe-éloient des maniérés énfantines,  
 un langage traînant ; &  quand  ils arrivoient dans les  
 compagnies  , ils  fé jettoient fur des fiéges renverfés,  
 qu’ils ne quittoient qu’avec  peine pour aller languir  
 &   s’ennuyer ailleurs.  Ils  nommoient  ces  fortes  de  
 vifites  des ufages, des devoirs ; &  après les avoir remplis  
 ,  ils terminoient la journée par  fe rendre à quelque  
 farce nouvelle, ou chez quelque courtifanne qui  
 leur dônhoit à fouper. 
 Ils  avoient  perdu  la mémoire  d’Amphifrion $ de  
 Théfée j  des  Archontes  qui  les  avoient  gouvernés  
 avec fageffe, &  ne fongeoient qu’aux bouffons, aux  
 danfeufes, aux baladin es qui pouvoient les divertir.  
 Ils  encenfoient l’idole  du  jou r , &   la  fouloient  aux  
 piés le lendemain. Sans retenue, fans principes, fans,  
 amour  du bien public, ils étoient  nés pour murmurer  
 , pour obéir,  pour porter  le  joug , pour  devenir  
 les efclaves du  premier maître ; & ,   ce qu’il  y  a  
 de  très-plaifant,  des  efclaves.  orgueilleux.  G e  frit  
 Philippe  qui  daigna  les  affervir après  la bataille  dè  
 Chéronée. On ne  le craignoit pas à Athènes  comme  
 l’ennemi  de  la liberté,  mais  des  plaifirs. Frequentius  
 feenam quam caflra vifentes, dit Juftin. Ils avoient fait  
 une  loi pour punir de mort celui  qui propoferoit de  
 convertir  aux befoins de  l’état  l’argent  deftiné pour  
 les théâtres.  Philippe renvoya tous  les prifonniers ,  
 mais  il  ne  renvoya pas  des  hommes  qui  lui friffent  
 redoutables. 
 L’amour  exceflif de  la volupté,  du  repos  St  de  
 l’oifiveté  ,  étouffoit  chez  les  Athéniens  celui  de la  
 gloire, de  l’indépendance Sc dé  la vertu  dè-là Ÿè-  
 Tomc X I , 
 P  A  R  <M7 
 noit  fiôii -feulement! leur avüiffémënt  éri  génétal,  
 r  mais en particulier la négligence.de leurs affairés ,;ld  
 |  dépériffement de leurs ferresyde  leiirs palais, «ÿde  
 leurs meublés;.  Lès valets vivoient  Comme res tnai^  
 très, &   n’àvoient foin de rien. Les  édifices ,  les ffta-*'  
 tues &  les beaux  ouvrages d ePéridês, tombaient eh  
 ruine. Ils bâtiffoient, làiflbiènt périr, &  heréparbient  
 jamais.  Ils étaient  par  leur  malpropreté màrig'és'd'ë  
 vers &  d’infedes; le feul  appartement de Compagnie  
 brilloit de colifichets étalés à la vue par dftentâtibir,  
 mais tous les autres infeétoient : leurs  efprits alrâtardis  
 par  le  luxé  j  ne  ?’océupoieht  qii’à  avoir alitant; de  
 connoiflanCes qu’il en falloit pour en faireparadej &:  
 differter  légèrement  fur  les  modes  ,  les'objets  "de  
 goût, les  attributs de  la Vénus de Praxitèle, ou de la-  
 Minerve de Phidias. 
 Chez  eux  la  plus  grande  fageffe  confiftoit  à  ne  
 point attaquer les lois d’Athènes-,  à fe rendre'aux fa-  
 crifices, aux  fetes  des  dieux', à l’affemblée  du  péü^  
 pie ,  au prytanée  à l’heure  fixe,  &  avec des  habits  
 d ufage. Dailleurs àifés dans leurs maniérés, &  libres  
 dans leurs propos,  ils  donnoient un. plus grand prix  
 a  ce qu’on  diloit  qu’à  Ce  qu’on  faifoit.  Leur foible  
 pour etre flatte etoit extrême; c’eft pourquoi les orateurs  
 , avant  que  d’entamer  leur  difeours,  démàn-  
 dotent toujours :  Quel avis, Méfjîeurs, peut vous faire  
 plaifir? Et les prêtres, quelsfacrifices  vous feraient Les  
 plus agréables ? 
 Ils vouloiènt  être amufés  jufque  dans  les  affaires  
 les plus ferieufes.  Un  de  leurs  citoyens  rendant  les  
 comptes de fa geftion, ajouta : « J’oubliois,Mefîiéurs,  
 »  de  vous  dire qu’en me.  conduifant  ainfi,  lorfque  
 >> dès  amis ni’invitoient à  un-repas,-jamais jën e me  
 » fuis trouvé le dernier à table ».. C.ette naïveté  firî-  
 guliere frit très-bien  reçue ,  Si  tous  fes  comptes  lui  
 frirent alloues. Cléon, un de leurs magiftrats, ayarit  
 paffé toute la nuit  à l’odéum,  &   n’étant  point  prêt  
 k fur un  fujet important  qu’il  de voit  traiter,  les  pria  
 de remettre  l’affembîée à un autre jour, « parce qu’il  
 » avoit, dit-il,  chez lui grande ^compagnie  qui s’avi-  
 » feroit de manger  fon  excellent  dîner  fans l’atten-  
 » dre ».  Chacun fe mit à  rire, &  s’en alla gayement,  
 en lui difant qu’il étoit homme  de trop  bonne  com-  
 pagnie  pour en priver fes  amis. 
 L’orateur Stratocle  leur ayant  annoncé une  victoire  
 fur mer ,  on  fit pendant trois jours des feux de  
 jo ie , &  on les  continuoit  encore  quand la nouvelle  
 de  la  défaite  de  l’armée  navale  d’Athènes  arriva.  
 Quelques-uns lui en firent de grands reproches fur la  
 place. «  Il  eft v ra i,  dit-il  , que je me  fuis  troiftpé ,  
 » mais vous avez paffé trois joins plus  agréablement  
 »que  vous  n’aiiriez  fait  fans moi».  Cette  répartie  
 calma  le chagrin du peuple ; il la trouva plaifante ,&   
 quelqu’un fit [à-deffus la feolie ou chanfon de Stratoc 
 le , qu’on mit  au  rang  des  chanfons  joyeufes,  Sc  
 qu’on chanta bien-tôt après dans les  carrefours. 
 . Ils ridiculifoient également  le bien &  le mal; mais  
 comme le  mal  étoit ordinaire  chez  eux, ils  y   portaient  
 moins  d’attention.  De  plus  ,  ils  aimoient  à  
 rire ,  &   le mal  ne  donne poirit à rire.  Aucun autre  
 peuple  n’étoit né  comme  lui pour  la plaifanterie  Sc  
 les bons mots,  il y  avoit dans Athènes une académie  
 de plaifans, ainfi que des académies de philofophes ;  
 ces  fages ,  comme  les  appelle Athénée ,  étoient  au  
 nombre de foixante, &  s’alfembloient dans le temple  
 d’Hercule ; leur inftitut étoit de raffiner  fur les plal-  
 fanteries, &  leur décifion étoit  d’un  fi  grand poids  
 qu’on difoit., les foixante penfent àinji;  Sc d’un  railleur  
 fpirituel,  il  efl de Üacadémie des foixante.  Leur  
 réputation s’étendit fi loin en  ce genre, qu’ils comp-  
 toient parmi les membres de leur corps des têtes couronnées. 
   Philippe de Macédoine leur  envoya un talent  
 pour y  être aggrégé , &   recevoir d’eux  les premières  
 nouvelles  des  ridicules  qu’ils  inventeroienç  
 G G G   g g g