l’office eft de faire paffer ccs cannes entre les rouleaux
ou gros cylindre de métal, qui en expriment
le fuc dont on fait le fucre. Les negres les moins
bien conformés ôc peu propres aux travaux diffici-
ciles, font partagés pour l’entretien du feu dans les
fourneaux de la lucrerie & de l ’etuve, pour loi-
gner les malades dans les infirmeries, & pour garder
les beftiaux dans les favannes. On occupe auffi
les négrillons & les négrites à des détails proportionnés
à leurs forces, tellement que fur quelque
habitation que ce puifl'e être, les maîtres & les oeco-
nomes ne peuvent trop s’appliquer à bien étudier le
caraftere, les forces, les difpofitions , les talens
des efclaves pour les employer utilement.
Caractère des negres en general. Si par hafard on
rencontre d’honnêtes gens parmi les negres de la
Guinée, ( le plus grand nombre eft toujours vicieux.)
ils font pour la plupart enclins au libertinage, à la
vengeance, au vol & au menfonge. Leur opiniâtreté
eft telle qu’ils n’avouent jamais leurs fautes,
quelque châtiment qu’on leur falfe fubir; la crainte
même de la mort ne les émeut point. Malgré cette
efpece dé fermeté, leur bravoure naturelle ne les
garantit pas de la peur des forciers Sc des efprits,
qu’ils appellent \ambys.
Quant aux negres créols, les préjugés de l’éducation
les rendent un peu meilleurs ; cependant ils
participent toujours un peu de leur origine ; ils font
vains, méprifans, orgueilleux , aimant la parure ,
le jeu , & fur toutes chofes les femmes ; celles-ci ne
le cedent en rien aux hommes, fuivant fans refer-
v e l’ardeur de leur tempéramment ; elles font d’ailleurs
fufceptibles de paffions v iv e s , detendreffe &
d’attachement. Les défauts des negres ne font pas fi
univerfellement répandus qu’il ne fe rencontre de
très - bons fujets ; plufieurs habitans poffédent des
familles entières compofées de fort honnêtes gens,
très-attachés à leurs maîtres , & dont la conduite
feroit honte à beaucoup de blancs.
Tous en général font communément braves, courageux
, compatiffans , charitables , -fournis à leurs
parens, furtout à leurs parains ôc maraines, & très-
refpeéhieux à l’égard des vieillards.
Logetnehs des negres , leur nourriture & leurs ufages.
Les cazes ou maifons des negres font quelquefois
confiantes de maçonnerie, mais plus ordinairement
de bois couvert d’un torchis , de terre franche préparée
avec de la bouze de vache, un cours de chevrons
élevés fur ces efpecés de murailles & brandis
le long de la piece qui forme le faîte, compofe
le toît, lequel eft couvert avec des feuilles de cannes
, de rofeaux ou de palmiers ; ces cazes n’ont
qu’un rez-de-chauffée , long d’environ 20 à 25 piés
fur 14 a 15 de largeur , partagé par des cloifons de
rofeaux, en deux ou trpis petites chambres fort obf-
cures , ne recevant de jour que par la porte, &
quelquefois par une petite fenêtre ouverte dans l’un
des pignons.
■ Les meubles dont fé fervent les negres correfpon-
dent parfaitement à la fimplicité de leurs maifons ,
deux ou trois planches élevées fur quatre petits
pieux , enfoncés en terre Sc couvertes d’une natte
forment leur lit ; un tonneau défoncé par l’un des
bouts fervant à renfermer des bananes & des racines
, quelques grands1 pots à mettre de l’eau , un
banc ou deux ; une mauvaife table, un coffre, plufieurs
couis & groffes calebaffes dans lefquelles ils
ferrent leurs provifions , compofent tout l’attirail
du ménage.
Les commandeurs, les ouvriers & ceux qui font
anciens dans le pays fe procurent beaucoup de petites
commodités1, au moyen des jardins qu’on leur
permet de cultiver pour leur compte particulier dans
les lieux écartés de l’habitation ; ils élevent auffi
des volailles & des cochons , dont le produit les
met en état de fe vêtir très-proprement ôc de bien
entretenir leur famille. Outre ces douceurs, ils font
nourris & habillés par leur maître-, ainfi qu’il eft
ordonné par le code noir, édit dont on parlera ci-
après.
Leur principale nourriture confifte en farine de
manioc, Poye^ l 'art. MANIOC , &c. racines de plufieurs
efpeces , mahis , bananes ôc boeuf falé ; le
poiffon, les crabes, les grenouilles, les gros léfards,
les agoutis , rats de cannes ôc tatous fervent à varier
leurs mets dans les endroits oh ces animaux
abondent ; ils compofent différentes boiffons avec
des fruits, des racines, des citrons, du gros fyrop
de fucre & de l’eau, & Peau-de-vie de canne ne
leur manque pas ; ils fe régalent de tems en tems les
jours de fêtes ; leurs grands feftins, principalement,
ceux de nôces , font nombreux, tous ceux qui veulent
en être étant admis, pourvu qu’ils apportent
de quoi payer leur écot : ces repas tumultueux oîi
les commandeurs veillent pour prévenir le défor-
dre , font toujours fuivis de danfes, que les negres
aiment pafîionnément ; ceux de chaque nation fe
raffemblent & danfent à la mode de leur pays, au
bruit cadencé d’un efpece de tambour , accompagné
de chants bryants, de frappemens de main me-
furés, ôc fouvent d’une forte de guitare à 4 cordes,
qu’ils appellent ban^a.
La danfe que les créols aiment le mieux , ôc qui
par cette raifon eft fort en ufage , même parmi les
Nations naturalifées, c’eft le calenda dont on a parlé
à la lettre C.
Les negres ÔC negreffes d’une même habitation peuv
ent, du confentement de leur maître, fe marier,
fuivant nos ufages ; on ne doit pas exiger de cette
efpece d’hommes plus de vertus , qu’il n’en exifte
parmi les blancs ; cependant on voit chez eux des
ménages fort unis, vivant bien, aimant leurs en-
fans , ôc les maintenant dans un grand refpeâ.
Châtimens des negres-, police & règlement à cet effet,
Lorfqu’un negre commet une faute legere, le commandeur
peut de fon chef le châtier de quelques
coups de fouet ; mais fi le cas eft grave, le maître
après avoir fait mettre le malfaiteur aux fers, ordonne
le nombre de coups dont il doit être châtié ;
fi les hommes étoient également juftes, ces punitions
néceffaires auroient des bornes, mais il arrive
fouvent que certains maîtres abufent de leur prétendue
autorité , en infligeant des peines trop rigou-
reufes aux malheureux, qu’ils ont peut-être mis eux-
mêmes dans le cas de leur manquer. Pour arrêter
les cruautés de ces hommes barbares , qui par avarice
, laifferoient manquer leurs efclaves des chofes
les plus néceffaires à la vie , en exigeant d’eux un
travail forcé , les officiers de Sa Majefté , établis
dans les colonies , font chargés de tenir la main à
l’exécution de l’édit du ro i, nommé code noir, fer-
vant de reglement pour le gouvernement & l’admi-
niftration de la juftice ÔC de la police, ôc pour la
difcipline ôc le commerce des efclaves dans les îles
françoifes de l’Amérique.
La longueur de cet édit ne permettant pas de le
rapporter dans fon entier , on ne fera mention que
des principaux articles qui ont rapport à la police
des negres , ôc aux obligations des maîtres à leur
égard. I ‘ T .
Par le fécond article, du code noir, il eft ordonné
aux maîtres de faire inftruire leurs efclaves dans
la religion Catholique, &c. à peine d’amende arbitraire.
Le lixieme défend aux maîtres, de les faire travailler
les jours de repos ordonnés par l’églife.
Le neuvième impofe une amende de deux mille
livres de fuçrç aux maîtres, qui par conçubinagé
auront des enfans de leur efclave ; en outre, ladite •
efclave ÔC fes enfans confifqués au profit de l’hôpital
, fans jamais pouvoir être affranchis. Cet article
n’a point lieu, fi le maître veut époufer dans les formes
obfervées par l’églife, fon efclave , qui par
ce moyen eft affranchie, ôc fes enfans rendus libres
8c légitimes.
Par le dixième article, la célébration du mariage
des nègres & negrejjes peut s’exécuter , fans qu’il foit
befoin du confentement des parens, celui du maître
étant fuffifant , pourvû toutefois qu’il n’emploie
aucune contrainte pour les marier contre leur gré.
Le douzième article porte que les enfans qui
naîtront de mariages entre efclaves, feront efclaves
, ôc lefdits enfans appartiendront aux maitres
des femmes efclaves, fi le mari & la femme ont des
maîtres différens. Ces alliances nt font pas ordinaires,
les negres & negreffes d’une même habitation fe marient
entre eux, & les maîtres ne peuvent vendre ni acheter
le mari & la femme féparément.
Par le treizième article, un homme efclave épou-
fant une femme libre , les enfans fuivent la condition
de leur mere , ôc le pere étant libre & la mere
fefclave, les enfans font efclaves.
Le quinzième article défend aux efclaves déporter
pour leur ufage particulier des armes, même de
gros bâtons , fous peine du fouet Ôc de confifcation
defdites armes.
Le feizieme défend aux negres, de s’attrouper de
jour ôc cfe nuit, fous peine de punition corporelle ,
qui ne pourra être moindre que du fouet & de la
fleur-de-lis , même de mort, en cas de fréquentes
récidives ou autres circonftances agravantes.
Les articles 22 , 23 , 24 & 25 , portent en fubf-
tance , que les maîtres feront tenus de fournir par
chacune femaine à leurs efclaves , âgés de dix ans
8c au-deffus , pour leur nourriture , deux pots ôc
demi de farine de manioc , ou trois caffaves pefant
deux livres ôc demie chacune , ou chofes équivalentes
( le pot contient deux pintes mefure de Paris ) ,
avec deux livres de boeuf fa lé , ou trois de poiffori
ou autre chofe à proportion ; ôc aux enfans depuis
qu’ils font fevrés jufqu’à l’âge de dix ans la moitié
des vivres ci-deffus. Les maîtres ne peuvent donner
à leurs efclaves de l’eaii de-vie de canne, nommée
guildive, pour leur tenir lieu des fubfiftances
mentionnées ci-deflus.
Il eft auffi eXpreffément défendu aux maîtres, de
fe décharger de la nourriture de leurs efclaves , en
leur permettant de travailler certains jours de la femaine
pour leur compte particulier.
Sont tenus les maîtres de fournir à chacun de
leurs efclaves par chacun an , deux habits de taille
ou quatre aunes de toile.
Par le vingt-fixieme article , il eft permis aux negres
qui ne feront pas entretenus, félon ce qui eft
ordonné, d’en donner avis au procureur du ro i,
afin que les maîtres foient pourluivis à fa requête
ôc fans frais.
Le vingt-feptieme, eft au fujet des negres infirmes
par vieilleffe ou autrement , que les maîtres
doivent nourrir >& entretenir ; & en cas,d’abandon
de leur part, lefdits efclaves font adjugés à l’hôpital
, & les maîtres obligés de payer lix lois par jour
pour l’entretien de chaque efclave.
Le roi déclare, par le vingt-huitieme article, que
les negres efclaves ne peuvent rien pofféder qui ne
foit à leur maître, leurs enfans & parens, loir libres
ou efclaves 3 ne pouvant rien prétendre par fuccef-
fion , difjpofition , &c. I l ejl rare que les maîtres abufent
de leur privilège : ceuxqui fe piquent de penjert font
diftribuet les effets & même L'argent des ejclaves déjunts
a leurs parens ; & s'ils n’en ont point, les autres negres
de l ’habitation en profitent.
Tome X I ,
Les negres font exclus par l’article trente , de la
poffeffion des offices ÔC commiffions ayant fondions
publiques.
Ils ne peuvent par l’article trente-un, être partie,
ni en jugement ', ni en matière civile, tant en demandant
qu’en défendant, ni être partie civile en
matière criminelle, &c.
Suivant l’article trente-deux, les efclaves peuvent
être pourfuivis criminellement avec les formalités
ordinaires, fans qu’il foit befoin de rendre leur
maître partie, finon en cas de complicité.
Par les articles 33 & 34, l’efclave qui aura frappé
fon maître, fa maîtrefie ou leurs enfans avec effu-
fion de fang , ou au vifage, fera puni de mort ; &
quant aux excès & voies de fa it, commis par les efclaves,
contre les perfonnes libres ; Sa Majefté entend
qu’ils îoient l'éverement punis, même de morr*
fi le cas y échet.
Le 35 & 36 inflige des peines affliélives proportionnées
, fuivant la nature des vols commis par les
efclaves, comme de bêtes cavalines, de boeufs ou
moutons, chevres, cochons, ou de plantes, légumes,
&c.
Le trente-fept porte, que les maîtres feront tenus
, en cas de vol ou autrement , des dommages
caufés par leurs efclaves, outre la peine corporelle
defdits efclaves , de réparer les lots en leur nom,
s’ils n’aiment mieux abandonner l’efclave à celui
auquel le tort a été fait;
Par les articles 38 ôc 39 , l ’efclave fugitif qui fe
fera abfenté pendant un mois , à compter du jour
que fon maître l’aura dénoncé en juftice, aura les
oreilles coupées, ôc fera marqué d’un fer chaud fur
une épaule ; s’il récidive pendant un autre mois, il
aura le jaret coupé ôc fera marqué fur une autre
épaule , ôc la troifieme fois, il fera puni de mort.
Les affranchis qui auront retiré lefdits efclaves
fugitifs , payeront une amende de trois cens livres
de fucre par chaque jour de rétention.
L’article quarante porte , que l’efclave puni de
mort, fur la dénonciation de Ion maître, non complice
, fera eftimé avant l’exécution par deux principaux
habitans du pays, nommés d’office par le premier
juge, ÔC le prix de l’eftimation fera* payé au
maître ; pourquoi latisfaire , il fera impofé par l’intendant
fur chacune tête de negre , payant droits,
la l'omme portée par l’eftimation,laquelle fera payée
par tous les habitans , 8c perçue par les fermiers
du domaine royal d ’occident pour éviter à frais.
Par l ’article 42 &4 3 , quoiqu’il foit permis aux
maîtres de faire enchaîner ôc battre de veige les efclaves
qui feront en faute ; il eft expreflément défendu
auxdits maîtres , de leur donner la torture ,
ni de leur faire aucune mutilation ,.à peine de con-
fifcation des efclaves ôc d’être procédé contre les
maîtres extraordinairement ; ôc il eft enjoint aux
officiers de juftice, de pourfuivre criminellement
les maîtres & commandeurs qui auront tué un e f clave
, fous leur puiflance ou lous leur direéhon.
L’article 44 , déclare les efclaves être meubles ,
& comme tels entrer en la communauté, pouvant
être partagés également entre les cohéritiers, &c.
Par l’article quarante-lèpt, le màri 6c la femme
efclaves, & leurs enfans impubères,ne peuvent être
faifis, ni vendus féparément, &c.
L’article cinquante-huit, regarde les n eg res affran^
! chis , auxquels il eft o&royé par l’article cinquante*
! .neuf , les privilèges & immunités, dont joüiflent les
perlonnes nées libres, & c .
L’article foixante , traite des amendes oc termine
cet édit. Donné à Verlailles au.mois de Mars 1685,
M . l e R o m a i n .
N e g r e s , Maigres ou Maigrots,,(Peche.)
efpece de poiffon que les pécheurs de Saint-Paia-
L ij