rAmériquc, n’ont guère les negres de la première
main; mais les tirent des aiitres nations, qui ont
fait des traités avec eus pour leur en fournircomme
ont fait long-tems la compagnie des grilles ,
établie à Gènes, celle de M e n t e en France , &
maintenant la compagnie du lud en Angleterre , depuis
le traité d’Utrecht en 1713 -Voyc^ A ssiente 6-
l'article COMPAGNIE.
Ce ne fl: qu’affer long-tems apres 1 etabliilement
des colonies françoifes dans les iiles Antilles qu on
a vu des val d'eaux trançois fur les côtes de Guinée
, pour y faire le trafic des n è g r e s , qui commença
à devenir un peu commun, lorfque la compagnie
des Indes occidentales eut ete établie en
1664, & que les côtes d’Afrique, depuis le cap
Verd iufqu’au cap de Bonne-Elpérance, eurent ete
comprifes dans cette conccdion.
■ La compagnie du Sénégal lui fucceda pour ce
commerce. Quelques années après la conceffion
de cette demiere , comme trop étendue, fut partagée
• & ce qu’on lui ô ta , fut donné à la compagnie
de Guinée , qui prit enfuite le nom de compagnie
de l’affiente. ,, ,
De ces deux compagnies françoiles, celle du Sénégal
fubfifte toujours , mais celle de l’affiente a
fini après le traité d’Utrecht, Si la liberté du commerce
dans tous les lieux qui lui avoient ete cédés ,
l'oit pour les n è g r e s , foit pour les autres marchan-
difes, a été rétablie dans la première annee du
régné de Louis X V . ,
Les meilleurs negres fe tirent du cap Verd , d An-
g o le , du Sénégal, du royaume des Jaloffes, de
celui de Galland, de Daniel, de la riviers de Gamb
ie , de Majugard, de Bar, &c.
Un negre pièce d’Inde ( comme on les nomme) ,
depuis 17 à 18 ans jufqu à 30 ans, ne revenoit autrefois
qu’à trente Ou trente^deux livres en mar-
chandifes propres au pays, qui font des eaux-de-
vie , du fe r , de la toile, du papier, des maffes ou
raffadas de toutes couleurs, des chaudières & baf-
iins de cuivre & autres femblables , que ces peuples
eftiment beaucoup ; mais depuis que les Européens
on t, pour ainfi dire, enchéri les uns fiir les
autres, ces barbares ont fu profiter de leur jalou-
fie, & il eft rare qu’on traite encore de beaux ne<
g r è s pour 60 livres la compagnie de 1 afliente en.
ayant acheté jufqu’à 100 liv. la piece.
Ces efclaves fe font de plufieurs maniérés ; les
uns, pour éviter la famine 6c la mifere, fe vendent
eux-mêmes, leurs enfans & leurs femmes aux
rois 6c aux plus puiflans d’entr’eux, qui ont de quoi
les nourrir : car quoiqu’en général les n eg res foient
très-fobres, la ftérilite eft quelquefois li extraordinaire
dans certains endroits de 1 Afrique, fur-
tout quand il y a pafîe quelque nuage de fauterei-
les, qui eft un accident affez commun, qu’on n’y
peut faire aucun e récolte de nul, ni de ris, ni d autres
légumes dont ils ont coutume de fubfifter. Les autres
font des prifonniers faits en guerre 6c dans les
incurfions que ces roitelets font fur les termes de
leurs voifins, fouvent fans autre raifon que de faire
des efclaves qu’ils emmenent, jeunes, vieux, femmes,
filles, jufqu’aux enfans à la mamelle.
Il y a des n eg r e s qui fe furprennent les uns les
antres, tandis que les vaiffeaux européens font à
l’ancre, y amenant ceux qu’ils ont pris pour les y
vendre & les y embarquer malgré eux ; enforte
qu’on y voit des fils vendre leurs peres, & des pe-
res leurs enfans, & plus fouvent encore ceux qui
ne font liés d’aucune parenté, mettre la liberté les
uns des autres , à prix de quelques bouteilles d’eau-
de-vie , ou de quelques barres de fer.
'Ceux qui font ce commerce , outre les viâuail-
les pour l’équipage du vaiffeau, portent du gruau,
des pois gris & blancs , des feves, du vinaigre, d®
l’eau-de-vie, pour la nourriture des negres qu’ils ef-
perent avoir de leur traite.
Auffi-tôt que la traite eft finie , il faut mettre à
la voile fans perdre de teins, l’expérience ayant fait .
connoître que tant que ces malheureux font encore
à la vue de leur patrie, la trifteffe les accable, ou
le défefpoir les faifit. L’une leur caufe des maladies
qui en font périr un grand nombre pendant
la traverfiie ; l’autre les porte à s’ôter eux-mêmes la
vie , foit en fe refufant la nourriture, foit en fe
bouchant la refpiration , par une maniéré dont ils
lavent fe plier hc fe contourner la langue, qui, à
coup fur, lesétouffe ; loit en fe brifant la tête contre
le vaiffeau , ou en fe précipitant dans la mer «
s’ils en trouvent l’occafion.
Cet amour fi v if pour la patrie femble diminuer
à mefure qu'ils s’en .éloignent : la gaieté fuccede à
leur triftelîe ; 6c c ’eft un moyen prefqu’immanqua-
ble pour la leur ô te r , 6c pour les coofer.ver jusqu’au
lieu de leur deftination, que de leur faire entendre
quelque inftrument de mufique, ne fût-ce
qu’une vielle ou une mulétte.
A leur arrivée aux ifies , chaque tête de negre fe
vend depuis trois julqu’à cinq cens livres, luivant
leur jeuneffe, leur vigueur &t leur fanté. On ne les
paie pas pour l’ordinaire en argent, mais en mar-
chandifes du pays.
Les negres font la principale richeffe des habitans
des îles. Quiconque en a une douzaine, peut être
eftimé riche. Comme ils multiplient beaucoup dans
les pays chauds, leur maître, pour peu qu’ils les
traitent avec douceur, voient croître infenûblement
cette famille, chez laquelle l’efclavage eft hérédi-»,
taire.
Leur naturel dur exige qu’on n’ait pas trop d’indulgence
pour eux , ni aufïi trop de févérité ; car
fi un châtiment modéré les rend fouples 6c les anime
au travail, une rigueur excëffive les rebute 6c les
porte à fe jetter parmi les negres matons ou fauva-
ges qui habitent des endroits inacceftibles dans ces
île s , où ils préfèrent la vie la plus miférable à
l’efclavage.
Nous avons un édit donné à Verfailles au mois
de Mars 1724, appellé communément le code noir,
& qui fert de réglement pour l’adminiftration de la
juftice, police, difeipline, & le commerce des efclaves
negres dans la province de la Louifiane.-
Dictionn. de Commerce.
NEGRES , conjîdires comme efclaves dans les colo»
nies de l'Amérique. L’exceflive chaleur de la zone
torride, le changement de nourriture, & la foi-
bleife de tempérament des hommes blancs ne leur
permettant pas de réfifterdans ce climat à des travaux
pénibles, les terres de l’Amérique, occupées
par les Européens , feroient encore incultes, fans
le fecours des negres que l’on y a fait palier de pref-
que toutes les parties de la Guinée. Ces hommes
noirs, nés vigoureux 6c accoutumés.à une nourriture
groffiere, trouvent en Amérique des douceurs
qui leur rendent la vie animale beaucoup meilleure
que dans leur pays. Ce changement en bien les met
en état de réfifter au travail, 6c de multiplier abondamment.
Leurs enfans font appellés negre s créols ,
pour les diftinguer des negres dandas , boffals ou
étrangers.
La majeure partie des negres qui enrichiffent les
colonies françoifes fe tire dire&ement de la côte
d’Afrique par la voie de la compagnie des Indes
( qui s’eft réfervé exclufivement à tous les autres la
traite du Sénégal) , ou par les navires de différens
armateurs françois, à qui l’on permet de commercer
chez les autres nations de la côte de Guinée.
Ces vaiffeaux tranfportent dans les colonies lés
negres
negres qu’ils ont trafiqués, foit que ccs negres ayent
été pris en guerre ou enlevés par des brigants , ou
livrés à prix d’argent par des parens dénaturés , ou
bien vendus par ordre de leur ro i, en punition de
quelque crime commis.
De tous ces différens efclaves, ceux du cap Verd
ou Sénégalais font regardés comme les plus beaux
de toute l’Afrique. Ils font grands, bien conftitués,
ayant la peau unie fans aucune marque artificielle :
ils ont le nez bien fait, les yeux grands, les dents
blanches , 6c la levre inférieure plus noire que le
refte du vifage; ce qu’ils font par art, en piquant
cette partie avec des épines, 6c introduifant dans
les piquures de la pouffiere de charbon pile.
Ces negres font idolâtres ; leur langue eft difficile
à prononcer, la plupart des fons for tant de la gorge
avec effort. Plulieurs d’entr’eux parlent arabe, 6t
paroiffent fuivre la religion de Mahomet; mais tous
les Sénégalais font circoncis. On les emploie dans
les habitations au foin des chevaux & des beftiaux,
au jardinage & au fervice des maifons.
Les Aradas, les Fonds, les Fouéda, & tous les
negres de la côte de Juda font idolâtres, 6c pratiquent
la circoncifion par un motif de propreté. Ces negres,
quoique fous différentes dominations , parlent tous
à-peu-près la même langue. Leur peau eft d’un noir-
rougeâtre. Ils ont le nez écrafé, les dents très blanches
, 6c le tour du vifage affez beau. Ils fe font des
incifions fur la peau qui laiffent des marques ineffaçables
,' au moyen defquelles ils fe diftinguent en-
tr’eux. Les Aradas fe les placent fur le gros des
joues, au-deffous des yeux ; elles reffemblent à des
verues de la groffeur d’un pois. Les negres Fond fe
fearifient les tempes, & les Fouéda (principalement
les femmes) fe font cizeler le vifage, 6c même
tout le corps, formant des deffeins de fleur, des mo-
faïques & des compartimens très réguliers. Il femble
à les voir qu’on leur ait appliqué fur la peau
une étoffe brune, travaillée en piquure de Marseille.
Ces negres font eftimés les meilleurs pour le
travail des habitations : plufieurs connoiffent parfaitement
les propriétés bonnes ou mauvaifes de
plufieurs plantes inconnues en Europe. Les Aradas
principalement en compofent avec le venin de certains
infe&es, unpoifon auquel on n’a point encore
trouvé de remede certain. Les effets en font fi fin-
guliers, que ceux qui l’emploient paffent conftam-
ment pour forciers parmi les habitans du pays.
Les negres Mines font vigoureux & fort adroits
pour apprendre des métiers. Quelques - uns d’en-
tr’eux travaillent l’or & l’argent, fabriquant grof-
fierement des efpeces de pendans d’oreille, des bagues
6c autres petits ornemens. Ils fe font deux ou
trois balaffres en long fur les joues. Us font^ courageux;
mais leur orgueil les porte à fe détruire eux-
mêmes pour peu qu’on leur donne du chagrin.
La côte d’Angol, les royaume de Loangue 6c de
Congo fourniffent abondamment de très-beaux ne-
grM, paffablement noirs, fans aucune marque fur
la peau. Les Congos en général font grands railleurs,
bruyans , pantomimes , contrefaifant plaifamment
leurs camarades, 6t imitant très-bièn les allures 6c
le cri de différens animaux. Un feul Congo fuffit
pour mettre en bonne humeur tous les negres d’une
habitation. Leur inclinations pour les plaifirs les
rend peu propres aux occupations laborieufes, étant
d’ailleurs pareffeux, poltrons, 6c fort adonnés à la
gourmandife ; qualité qui leur donne beaucoup de
difpofition pour apprendre facilement les details de
la cuifine. On les emploie au fervice des maifons,
étant pour l’ordinaire d’une figure revenante.
Les Portugais qui ont introduit une idee du
çhriftianifme dans le royaume de Congo, y ont
Tome XJ,
aboli la circoncifion, fort en ufage parmi les autres
peuples de l’Afrique.
Les moins eftimés de tous les negres font les Bam-
baras ; leur mal propreté , ainfi que plufieurs grandes
balaffres qu’ils fe font tranfverfalement fur les
joues depuis le nez jufqu’aux oreilles , les rendent
hideux. Ils font pareffeux, ivrognes, gourmands
& grands voleurs.
On fait affez peu de cas des negres Mandingues ,
Congres 6c Mondongues. Ceux-ci ont les dents limées
en pointe, 6c paffent pour antropophages
chez les autres peuples.
Il n’eft pas poffible, dans cet article, de détailler
lesnationsdes CalbariSjdes Caplahons,des Anans,
des Tiambas , des Poulards 6c nombre d’autres,
dont plufieurs habitent affez avant dans les terres *
ce qui en rend la traite difficile & peu abondante.
Traitement des negres lorfquils arrivent dans les
colonies. L’humanité 6c l’intérêt des particuliers ne
leur permettent pas de faire conduire leurs efclaves
au travail auffi-tôt qu’ils font fortis du vaiffeau.
Ces malheureux ont ordinairement fouffert
pendant leur vo y ag e , ils ont befoin de repos 6c de
rafraîchiffemens ; huit à dix jours de bains pris matin
6c foir dans l’eau de la mer leur font beaucoup
de bien; une ou deux faignées, quelques purgations
, 6c fur-tout une bonne nourriture, les mettent
bientôt en état de fervir leur maître.
Leurs anciens compatriotes les adoptent par inclination
: ils les retirent dans leurs cazes, les foi-
gnent comme leurs enfans, en les inftruifant de ce
qu’ils ont à faire , 6c leur faifant entendre qu’ils
ont été achetés pour travailler , 6c non pas pour,
être mangés, ainfi que quelques-uns fe l’imaginent,'
lorfqü’ils fe voient bien nourris. Leurs patrons les
conduifent enfuite au travail : ils les châtient quand
ils manquent ; 6c ces hommes faits fe foumettent
à leurs femblables avec une grande réfignation.
Les maîtres qui ont acquis de nouveaux efcla«*
v e s , font obligés de les faire inftruire dans la religion
catholique. Ce fut l,e motif qui détermina
Louis XIII à permettre ce commerce de chair humaine.
..Travaux-des negres fur les habitations. Les terres
produifant les cannes à fucre, celles où l’on cultive
le caffé , le cacao , le manioc , le coton, l’indigo
6c le rocou, ont befoin d’un nombre d’efcla-
ves proportionné à leur étendue pour la culture
des plantations. Plufieurs de ces efclaves font instruits
dans le genre de travail propre à mettre ces
produ&ions en valeur : tous font fous la difeipline
d’un commandeur en chef, blanc ou noir, lequel
dans les grands établiffemens eft fubordonné à ua
oecpnome.
Les negres deftinés aux principales opérations
qui fe font dans les fucreries s’appellent rajfneurs.
Ce n’eft pas fans peine qu’ils acquièrent une con-
noiffance exa&e de leur art, qui exige beaucoup
d’application dans itn apprentiffage de plufieurs années.
Leur travail eft d’autant plus fatigant, qu'ils
font continuellement expofés à la chaleur des chaudières
où l’on fabrique le fucre. Les charpentiers
6c feieurs de long ont foin de réparer le moulin,
6c d’entretenir conjointement avec les maçons, les
différens bâtimens de la fucrerie. Les charrons font
fort néceffaires : on.ne peut guere fe paffer de tonneliers
; dans les grands établiffemens un forgeron
ne manque pas d’oçcupation. Tous les autres
efclaves, excepté les domeftiques de la maifon ,
font employés journellement à la culture des terres ,
à l’entretien des plantations, à farder les favannes
ou pâturages , 6c à couper les cannes à fucre, que
les cabrouettiers 6c les muletiers tranfportent au
moulin y où d’ordinajire il y a des nègreffes, dont