tielles des autres oeufs qu’on mange quelquefois dans
ce pays ; ce qui peut mériter quelque confideration
particulière fur les qualités fpéciales des autres, par
exemple, fur ceux de tortue, fera rapporté à cet article
particulier. Voyt^ T ortue d’Amérique.
Les oeufs de poule , que nous n’appellerons plus
que 1 es oeufs, doivent être choifis les plus frais qu u
fe pourra ; on veut encore qu’ils foient bien blancs
& longs. On connoît à ce fujet les vers d’Horace.
Tonga quibus faciès oyis erit, ilia memento
Utfucci mêlions, & ut magis alba rotundis
Ponere.
Les oeufs nourri fient beaucoup : ils fourniffent
im bon aliment, utile en fanté comme en maladie.
Les auteurs de diete s’accordent tous à affûter
qu’ils augmentent confidérablement la femence,
qu’ils réveillent l’appétit vénérien difpofent trèsefficacement
à le fatisfaire. On les prépare de bien
des maniérés, 6c on en forme différens mets qui
font d’autant plus falutaires qu’ils font plus Amples.
Car toutes ces préparations recherchées ou les
ceufs font mêlés avec des laitages , du fucre, des
parfums, &c. déguifent tellement la vraie nature
de l’oeuf qu’il peut y perdre toutes fes bonnes qualités.
Il eft obfervé même que les laitages charges
d’oeufs fubiffant dans les premières voies, l’altération
à laquelle ils font naturellement fujets ; la communiquent
aux oeufs ,6 c que la corruption d’un pareil
mélange devient pire que n’auroit été celle du
lait feul. Ofl peut donc établir que tous ces mélanges
délicats d'oeufs 6c de lait, comme crèmes, &c.
font des alimens au-nioins iufpeâs, comme le lait.
Foyei Lait. Quant à la meilleure façon de préparer
les oeufs feuls , on peut la déterminer d’après cette
feule réglé ; favoir‘qn’en général ils doivent etre
modérément cuits ; la raifon en e ft , dit Louis Leme-
r y , que quand ils le font trop peu , ils demeurent
encore glaireux, 6c par conféquent difficiles à digérer.
Quand au contraire ils font trop cuits, la chaleur
en a diffipé les parties aqueufes, qui fer voient
à étendre les autres principes de Y oeuf ; & à leur
donner de la fluidité ; or ces principes fe trouvant
dépourvus de leur humidité naturelle, s’approchent
& s’uniffent étroitement les uns aux autres,& forment
un corps compaft, refferré en fes parties, pefant à
l’eftomac. Ainfi 1*««/ne doit être ni glaireux, ni dur,
mais d’une fubftance molle & humide , comme on
le peut voir par ce vers de l’école de Salerne.
Si fumas ovum , molle f ît atque novum.
Lemery, Traité des alimens.
11 eft affez reçu que les oeufs échauffent beaucoup,
quand ils font vieux ; cette qualité n’eft pas annoncée
par des effets allez déterminés , mais il eft toujours
fur qu’ils font d’un goût defagréable , 6c qu’ils
font, plus fujets à fe corrompre dans l’ eftomac que
les frais. ' .
Les plus mauvais de tous font donc les vieux
oeufs durs , tels que les oeufs de Pâques qu’on vend
au peuple à Paris 6c dans plufieurs autres pays. Ces
oeufsiostX. fujets à pefer fur l’eftomac , à exciter des
rapports fétides & âcres , des coliques, en un mot
des vraies indigeftions d’autant plus facheufes qu elles
font ordinairement accompagnées de conftipa-
tion ; car la propriété de refferrer le ventre qu’on
attribue communément aux oeufs durs, eft très-réelle.
Nous ne faurions cependant approuver la pratique
fondée fur cette propriété qui fait des oeufs durs un
remede populaire 6c domeftique contre les dévoi-
mens.
- Les auteurs de diete ont rapporté plufieurs lignes,
auxquels on peut reconnoitre fi lés oeufs font frais
ou non j mais les pay fanes 6c les plus groffieres cuifinieres
en favent plus, à cet égard, que n’en peuvent
apprendre tous les préceptes écrits.
Mais quant à l’art de les conferver dans cet état-
de fraîcheur, il faut rendre juftice à la fcience, elle
a été plus loin que l’économie ruftique. Le principal
fecrèt qu’a-voit découvert celui-ci, 6c qui eft encore
en ufage dans les campagnes confiftoit à les garder
fous l’eau ; mais M. Réaumur ayant confidéré que
les oeufs ne perdoient leur état de fraîcheur que par
une évaporation qui fe faifoit à-travers les pores de
leur coquille, laquelle en diminuant le volume des liqueurs
dont l'oeuf eü. formé , expofoit ces-liqueurs à
une altération fpontanée, une efpeée- de fermentation
, un commencement de corruption , en un mot
aux inconvéniens auxquels font fujets les liqueurs
fermentables gardées en vuidange ; il penfa que fi
l’on enduifoit les oeufs d’un vernis qui empêchât
cette tranfpiration, on parviendroit à retarder confidérablement
leur corruption. Le fuccès répondit
à fes efpérances : d es oeufs enduits d?un vernis à l’ef-
pfit-de-vin quelconque, d’une légère couche de cire,
d’un mélange de cire 6c de poix réfine , de graiffe de
mouton, &c. fe confervent pendant plufieurs mois,
& même pendant des années entières dans l’état de la
plus parfaite fraîcheur. Les enduits de colle de poif-
fon , de gomme arabique &c. arrêtent moins parfaitement
cette tranfpiration, parce que la liqueur que
Y oeuf exhale étant aqueufe, peut dffoudre une partie
de ces dernieres fubftances , 6c fe frayer ainfi
quelques routes. On conferve auffi très-bien les oeufs
fôus l’huile , mais cette liqueur bouche les pores
bien moins exactement que les matières graiffeufes
& réfineufes concrètes. Le fuif y feroit très-bon,
mais quoiqu’on puiffe l’enlever facilement , l’idée
de fon emploi eft toujours dégoûtante. M. de Réaumur
donne la préférence à la graiffe de mouton,
parce qu’elle coûte très-peu, 6c qu’elle fe fépare facilement
de Y oeuf en le faifant tremper dans l’eau
chaude. La maniéré de les enduire de graiffe de
mouton propofée par cet académicien, eft fort fim-
p le& p lu s facile dans l’exécution , comme il l’ob-
ferve lui-même, qu’on ne feroit tenté de croire d’abord.
Il ne s’agit que de fufpendre un oeufk un fil ,
dans lequel on l’engage comme dans une efpece
de ceinture au moyen d’un noeud coulant, & de le
tremper une feule fois dans de la graiffe fondue fur
le feu. Voye^ l'HiJtoire des infectes de M. de Réaumur,
tome II. 6c Mémoires de l'académie royale des Sciences,
année i j ï 5 .
Ce que nous avons dit des oeufs jufqu’à préfent
convient à Y oeuf entier , c’eft-à-dire au blanc 6c au
jaune mangés enfemble , 6c fe tempérant mutuellement
; car chacune de ces fubftances confidérée
en particulier a des qualités diététiques différentes.
Le blanc ou partie glaireufe eft beaucoup plus nonr-
riffante, c’eft à celle-là que convient principalement
l’exagération d’Avicenne qui dit des oeufs qu’ils engendrent
autant de fang qu’ils pefent. Le jaune eft
moins nourriffant & plus échauffant ; c’eft à cette
fubftance qu’appartient fpécialement la qualité aphro-
difiaque ou excitant à l’amour, obfervée dans les
oeufs.
Boerhaave, qui a donné dans fa chimie un long
examen du blanc d’oew/fans dire un mot du jaune,
obférve que cette matière albumineufe étant portée
jufqu’à la putréfaftion vraiment alkaline, produit
les plus terribles effets dans le corgp animal, prife
en la plus petite quantité, pauxillum, & même que
fa feule odeur diffout les humeurs de notre corps
à l’égal du venin de la pefte , foto putrido halitu fuo^
humores corporis noft.fi mirifcè diffolvit injlar veneni
pefiilenûalis. Cette propofition ne nous paroît guere
moins outrée que celle de ce fingulier Hecquet, qui
dit dans fon Traité des difpenfes du carême, qu’un oeuf
eft une quintefftnce naturelle , un foufre, un volatile,
xui feu prêt a. s allumer.
Plufieurs auteurs ont accordé aux oeufs des vertus
vraiment médicamenteules. Hippocrate recommande
les blancs d’oeufs battus dans de l’eau de fontaine
comme une boiffon humeâante, rafraîchiffante &
laxative , très-propre aux fcbricitans, &c. Tout le
monde connoît l’ufage des bouillons à la reine , dont
la baie eft le jaune d’oeuf dans la toux 6c dans les
coliques bilieufes. Ce dernier ufage qui eft le moins
connu, peut être cependant regardé comme le meilleur
par l’analogie qu’a le jaune d’oeuf avec la b ile,
qu’il eft capable d’adoucir en s’y unifiant.
La même qualité du jaune d'oeuf favoir, fa qualité
analogue à la bile , c’eft-à-dire , favonneufe, capable
de fervir de moyen d’union entre les fubftances
huileufes 6c lés aqueufes, le rend très-propre à ap-
paifer les tranchées violentes , & les autres acci-
dens qui fuivent quelquefois l’ufage des violens purgatifs
réfineux : car le jaune d'oeuf eft capable de s u-
nir chimiquement à ces réfines , & de les difpofer
par là à être diffout es & entraînées par les liqueurs
aqueufes, foit celles que fourniffent les glandes des
inteftins, foit celles qu’on peut donner aux malades
à deff-in, quelque tems après lui avoir fait prendre
des jaunes d’oeuf.
On l’emploie d’avance au même ufage , c’eft-à-
dire à prévenir ces accidens, fi on ne donne ces réfines
âcres, qu’après les avoir diffoutes dans une
luffifante quantité de jaune d'oeuf, 6c étendus enfuite
en triturant dans fuffifante quantité d’eau , ce qui
produit l’efpece d’émulfion purgative dont il eft parlé
à la fin de l ’article ÉMULSION. Foye{ cet article.
Les baumes & les huiles effentielles peuvent
auffi commodément être unis aux jaunes d’oeuf, comme
au fucre , pour l’ufage médicinal : ce compofé ,
qu’on pourroit appeller eléoon , eft entièrement analogue
à l’éléofaccharum. Voye^cet article.
On trouve dans la pharmacopée de Paris un looch
d’oeuf, qui eft un mélange d’huile d’amandes douces,
de firop 6c d’eaux diftillées fait par le moyen d’un
jaune d’oeuf : l’union que*ous ces ingrédiens contractent
, eft très-légere ; ainfi on peut en évaluer l’action
particulière par les vertus refpe&ives de ces
différens ingrédiens : quant à fa qualité commune
ou colleâive , celle qu’elle doit à fa forme , à fa
confidence de looch, & à la maniéré de l’appliquer,
voye^ Looch.
Le jaune d'oeuf trituré avec de la térébenthine, ou
un autre baume naturel pour en compofer les. digef-
tifs ordinaires des chirurgiens , exerce dans ce mélange
la même propriété : il fe combine avec ces baumes
, en corrige par-là la ténacité 6c l'âcreté , les
rend en partie mifcibles aux fucs lymphatiques &
capables d’être enlevés de deffusla peau par des'lotions
aqueufes. Au refte, il ne leur communique cependant
ces propriétés qu’à demi, parce qu’il n’entre
point dans ce mélange en affez grande quantité.
Le jaune d’oeuf employé à la liaifon des fauffes ,
y opéré encore par la même propriété : il fert à faire
difparoître une graiffe fondue qui y fumage en la
combinant, la liant avec la partie aqueufe qui fait
la bafe de ces fauffes.
L’huile par expreffion retirée des jaunes d'oeufs
durcis, paffe pour éminemment adouciffante dans
l’ufage extérieur ; mais elle ne poffede évidemment
que les qualités communes des huiles par expreffion.
Voye^ u mot Huile.
Le blanc d'oeuf eft l’inftrument chimique le plus
nfité de la clarification. Voye^ C la r if ic a t io n .
La propriété qu’a le blanc d'oeuf dur expoié dans
lin lieu humidé, de fe refoudre en partie en liqueur,
d ’éprouver-une efpece de défaillance, le rendpro-
Tome X I .
pre à diffoudre certaines fubftances dont on le rem"
plit après en avoir féparé lé jaune : les oeufs durs
ainfi chargés de myrrhe , fourniffent l’huile de myrrhe
par défaillance, voyeç Myrrhe ; chargés de
vitriol blanc 6c d’iris de Florence en poudre, un collyre
fort ufité, &c.
Le blanc d'oeuf entre dans la compofition du fucre-
d’orge , dé la pâte de régliffe blanche 6c de celle de
guimauve, &c.
Enfin les coques ou coquilles d'oeuf fe préparent
fur le porphyre pour l’ufage médicinal : c’eft un ab-
forbant abfdlument analogue aux yeux d’écreviffe ,
aux écailles d’huitre , aux perles, à la nacre (voye£
ces articles) , 6c par conféquent on ne peut pas moins
précieux. C’eft par un pur caprice de mode que quelques
perfonnes fe font avifées depuis quelque tems
de porter dans leur poche une boîte de coquilles
d'oeufs porphyrifées , qu’on envoie de Louvain.
Cette fubftance terreufe eft un des ingrédiens du remede
de mademoifelle Stephens. Foyt{ Remede de
mademoifelle Stephens.
OEufs DES INSECTES. ( Hiß. nat. des infect.') la
maniéré dont les infeCtes mâles commercent avec
les femelles,quoique très-variée, rend la femelle féconde
, & la met en état de pondre des oeufs lorf-
qu’il en eft tems.
La variété qu’il y a entre ces oeufs eft incroyable,
foit en groffeur , foit en figures , foit en couleurs.
Les figures les plus ordinaires de leurs oeufs font la
ronde, l’ovale & la conique : les oeufs des araignées
6c d’un grand nombre de papillons, quoique ronds ,
font encore diftirrgués par bien des variétés; mais il
faut remarquer que- dans ces mêmes figures il y a
beaucoup de plus ou de moins, 6c que les u nés approchent
plus des figures dont on vient de parler que les
autres. Pour ce qui regarde les couleurs, la différence
eft plus fenfible. Les uns , comme ceux de
quelques araignées , ont l’éclat de petites pcrle.s ;
les autres , comme ceux des vers-à-foie, font d’un
jaune de millet ; on en trouve auffi d’un jaune de
foufre, d’un jaune d’or & d’un jaune de bois. Enfin
il y en a de verds & de bruns ; & parmi ces derniers,
on en diftingue de diverfes efpeces de bruns,
comme le jaunâtre, le rougeâtre , le châtain , &c.
La matière renfermée dans ces oeufs ( car la plupart
des infe&es font ovipares ) eft d’abord d’une
fubftance humide, dont fe forme l’infeûe même qui
en fort quand il eft formé.
Tous les infeûes ne demeurent pas le même efpa-
ce de tems dans leurs oeufs. Quelques heures fuffifent
aux uns , tandis qu’il faut plufieurs jours, & fouveht
même plufieurs mois aux autres pour éclorre. Les
oeufs qui pendant l’hiver ont été dans un endroit
chaud, éclofent plutôt qu’ils ne ledevroient, félon
le cours de la nature. Les oeufs fraîchement pondus
font très-mous ; mais au bout de quelques minutes
ils fe dùrciffent. D ’abord on n’y apperçoit qu’une
matière aqueufe , mais bientôt après on découvre
dans le milieu un pointobfcur , que Swammerdan
croit être la tête de l’infefte, qui prend la première ,
félon lui, fa confiftance 6c fa couleur.
L ’infe&e eft plié avec tant d’art, que malgré la
petiteffe de fon appartement, il ne manque pas de
place pour former tous les membres qu’il doit avoir;
On ne peut s’empêcher, en voyant ces merveilles,
d’admirer la puiffance de celui qui a fu mettre tant
de chofesdans un fi petit efpace. Un très-grand nombre
d’infeftes femblent n’avoir prefqué d’autre foin
pour , leurs oeufs, que celui de les placer dans des endroits
oîi leurs petits, dès qu’ils feront éclos , trouveront
une nourriture convenable. Auffi eft-ce alors
tout le foin que demandent ces oeufs, 6c que le plus
fou vent les rneres ne peuvent prendre, puilque quantité
d’cntr’eiles meurent peu après qu’elles ont pon-
F f f ij