• 4 4 N A T N A T
je t , ou elle raffemble dans un feul ouvrage ce que
l ’artifte a obfervé en plufieurs individus. La première
façon d’imiter produit des copies reffemblan-
tes des portraits. La derniere éleve l’efprit de l’ar-
tifte jufqu’au beau général, 6c aux notions idéales
de la beauté. C ’eft: cette derniere route qu’ont choifi
les Grecs qui avoient fur nous l’avantage de pouvoir
fe procurer ces notions, 6c par la contemplation
des plus beaux corps, & par les fréquentes
occafions d’obferver les beautés de la nature. Ces
beautés , comme on l’a dit ailleurs , fe montroient
à eux tous les jours, animées de l’exprelfion la plus
vra ie , tandis qu’elles s’offrent rarement à nous, 6c
plus rarement encore de la maniéré dont l’artifte
defireroient qu’ elles fe préfentaffent.
La nature ne produira pas facilement parmi nous
un corps auffi parfait que celui d’Antinoiis. Jamais,
de même, quand il s’agira d’une belle divinité,
l’ efprit humain ne pourra concevoir rien au-deffus
des proportions plus qu’humaines de l’Apollon du
Vatican. Tout ce que la nature, l’art 6c le génie
ont été capables de produire, s’y trouvent réunis.
N’eft-il pas naturel de croire que l’imitation dé tels
morceaux doit abréger l ’étude de l’art. Dans l’un,
on trouve le précis de ce qui eft difperfé dans toute
la nature ; dans l’autre, on voit juf'qu’où une fage
hardieffe peut élever la plus belle nature au-deffus
d’elle-même. Lorfque ces morceaux offrent le plus
grand point de perfettion auquel on puifle atteindre
, en repréfentant des beautés divines 6c humaines
, comment croire qu’un artifte qui imitera ces
morceaux, n’apprendra point à penfer 6c à deffiner
avec nobleffe & fermeté, fans crainte de tomber
dans l’erreur?
U n artifte qui laiffera guider fon efprit 6c fa main
par la réglé que les Grecs ont adoptée pour la
beauté , le trouvera fur le chemin qui le conduira
dire&ement à l’imitation de la nature. Les notions
de l’enlemble 6c de la perfection, raffemblées dans
la nature des anciens, épureront en lui 6c lui rendront
plus fenfibles les perfections éparfes de la nature
que nous voyons devant nous. En découvant
les beautés de cette derniere, il faura les combiner
avec le beau parfait ; 6c par le moyen des formes
fublimes, toujours préfentées à fon efprit, il
deviendra pour lui-même une réglé fûre.
Que les artiftes fur-tout fe rappellent fans ceffe
que l’expreffion la plus vraie de la belle nature n’eft
pas la feule chofe que les connoiffeurs 6c les imitateurs
des ouvrages des Grecs admirent dans ces divins
originaux; mais que ce qui en faille caraCtere
diftinCtif, elï l’expreffion d’un mieux pofïïble, d’un
beau idéal, en-deçà duquel refte toujours la plus
•belle nature.
Ce principe lumineux peut s’étendre à tous les
a rts, fur-tout à la poéfie , à la mufique, à l’archi-
teCture, &c. mais en même tems il faut bien fe mettre
dans l’efprit, que le beau phyfique eft le fondement
, la bafe 6c la fource du beau intellectuel,
ÔC que ce n’eft que d’après la belle nature que nous
voyons, que nous pouvons créer, comme les Grecs,
une’ fécondé nature, plus belle fans doute, mais
analogue à la première ; en un mot, le beau idéal
.ne doit être que le beau réel perfectionné.
Rome devint difciple d’Athe.nes. Elle admira les
•merveilles de la Grece : elle tâcha de les imiter :
bientôt elle fe fit autant eftimer par fes ouvrages de
■ goût, qu’elle s’étoit fait craindre par fes armes.
Tous les peuples lui applaudirent; 6c cette approbation
prouva que les Grecs qui avoient été imités
•par les Romains, étoient en effet les plus excellens
modèles.
On fait les révolutions qui fuivirent. L’Europe
£ut inondée de barbares ; 6c par une conféquencc
nécefft tire, les fciences 6c les arts furent enveloppés
dans le malheur des tems , jufqu’à ce qu’exilés de
Conftantinople, ils vinrent encore fe réfugier en
Italie. On y réveilla les mânes d’Horace, de Virgile
& de Cicéron : on alla fouiller jufque dans les
tombeaux qui avoient fervi à lafculpture & à la peinture.
On vit reparoître l’antiquité avec les grâces
de la jeuneffe. Les artiftes s’emprefferent à l’imiter;
l’admiration publique multiplia les talens ; l’émulation
les anima, 6c les beaux arts reparurent avec
fplendeur. Us vont fe corrompre 6c fe perdre. On
charge déjà la belle nature, on l’ajufte, on la farde ;
on la pare de colifichets, qui la font méccnnoître.
Ces rafinemens oppofés à la groflïereté, font plus
difficiles à détruire que la groffiereté même. C ’eft
par eux que le goûts’émouffe, 6c que commence la
décadence. (Le Chevalier d e Jauc o v r t . )
NATUREL, adj. (Philof.){Qdit de quelquechofe
qui fe rapporte à la nature, qui vient d’un principe
de la nature, ou qui eft conforme au cours ordinaire
& à l’ordre de la nature. Voyei Nature.
Quand une pierre tombe de haut en bas, le vulgaire
croit que cela lui arrive par un mouvement
naturel, en quoi le vulgaire eft dans l’erre.ur. Voyeç
l'article Force ,p . m . du V il . vol. j . col.
Les guérifons faites par les Médecins, font des
opérations naturelles ; mais celles de Jèfus-Chrift
étoient miraculeufes 6c furnaturelles. Voye^ Miracle
, voÿei auffi Ü article Naturel qui fuit.
Enfans naturels, font ceux qui ne font point nés
d’un légitime mariage. Voye{ Bastard.
Horifon naturel, fe dit de l’horifon phyfique 6c
fenfible. /’’byeçHoRisoN.
Jour 'naturel, voye^ Jour.
Philofophie naturelle, c’eft la fcience qui confidere
les propriétés des corps naturels, l’a&ion mutuelle
des uns fur les autres ; on l’appelle autrement Phyfique.
Voye{ Physique & Nature..
L’illuftre M. Newton nous a donné un ouvrage
intitulé : Principes mathématiques de là philofophie naturelle
, où ce grand géomètre détermine par des principes
mathématiques, les lois des forces centrales ,
de l’attra&ion des corps, de la réfiftance des fluides,"
du mouvement des planètes dans leurs orbites, &c.
Voye^ Central , Planète, Résistance, &c.
voyei auffi NEWTONIANISME , ATTRACTION ,
Gravitation , &c. Chambers. (O)
Naturel , (Métaph.) nous avons à confiderer ici
ce mot fous deux regards, i °. En-tant que les chofes
exiftent, 6c qu’elles agiffent conformément aux lois
ordinaires que Dieu a établies pour elles ; 6c par-là
ce que nous appelions naturel, eft oppofé au furna-
turel ou miraculeux. 2°. En-tant qu’elles exiftent ou
qu’elles agiffent, fans qu’il furvienne aucun exercice
de l’induftrie humaine ou de l’attention de notre
efprit, par rapport à une fin particulière: dans ce
fens, ce que nous appelions naturel, eft oppofé à ce
que nous appelions artificiel, qui n'eft autre chofe que
l’induftrie humaine.
II paroît difficile quelquefois de démêler le naturel
en-tant qu’oppofé au furnaturel ; dans ce dernier
fens, le naturelfuppofe des lois générales 6c ordinaires
: mais fommes-nous capables de les connoître Jurement?
On diftingue aflez un effet qui n’eft point
furnaturel ou miraculeux ; on ne diftingue pas fi dé-
terminementee qui l’eft. Tout ce que nous voyons
arriver régulièrement ou fréquemment, eft naturel ;
mais tout ce qui arrive d’extraordinaire dans le monde
eft-il miraculeux? C’eft ce qu’on nepeutaffurer.Un
événement très-rare pourroit venir du principe ordinaire
, qui dans la fuite des révolutions &des chan-
gemens auroit formé une forte de prodige , fans
quitter la réglé de fon cours, & l’étendue de fa fphe-
re, Ainû y oit-on quelquefois des jnonftres du çarac-
N A T
tere le plus inoui, fans qu’on y trouve rien de miraculeux
& de furnaturel. Comment donc nous affu-
rer , demandera-t-on, que les événemens regardés
comme furnaturels & miraculeux le font réellement,
ou comment favoir jul'qu’où s’étend la vertu de ce
principe ordinaire, qui par une longue fuite de tems
6c de combinaifons particulières, peut faire les chofes
les plus extraordinaires ?
J’avoue qu’en beaucoup d’événemens qui paroif-
fentdes merveilles au peuple , un homme fage doit
avec prudence fufpendre fon jugement. II faut
avouer auffi qu’il eft des événemens d’un tel caractère
, qu’il ne peut venir à l’efprit des perfonnes fen-
fées,de juger qu’ils font l’effet de ce principe commun
des chofes, 6c que nous appelions Yordre de la
nature : tel eft, par exemple, la réfurreâion d’un homme
mort.
On aura beau dire qu’on ne fait pas jufqu’où s’étendent
les forces de la nature, & qu’elle a peut-être
des fecrets pour opérer les plus furprenans effets ,
fans que nous en connoiflïons les reflorts. La paflion
de contrarier, ou quelqu’autre intérêt, peut faire
venir cette penfée à l’efprit. de certaines gens ; mais
cela ne fait nulle impreffion fur les perfonnes judi-
cieufes, qui font une férieufe réflexion, 6c qui veulent
agir de bonne foi avec eux-mêmes comme avec
les autres. L’imprefïïon de vérité commune qui fe
trouve manifeftement dans le plus grand nombre
des hommes fenfés & habiles, eft la réglé infaillible
pour difeerner le furnaturel d’avec le naturel : c’eft
la réglé même que l’Auteur de la nature a mife dans
tous les hommes ; 6c il fe feroit démenti lui-même
Le naturel eft oppofé à Y artificiel auffi-bien qu’au
miraculeux ; mais non de la même maniéré. Jamais
ce qui eft furnaturel 6c miraculeux ne fauroit être
dit naturel ; m.ais ce qui eft artificiel peut s’apDeller
naturel, 6c il l’eft effe&ivement en-tant qu’il n’eft
point miraculeux.
L’artificiel n’eft donc que ce qui part du principe
ordinaire des chofes, mais auquel eft furvenu le foin
& l’induftrie de l’efprit humain, pour atteindre à
quelque fin particulière que l’homme fe propofe.
La pratique d’élever avec des pompes une maffe
d’eau immenfe, eft quelque chofe de naturel; cependant
elle eft dite artificielle 6c non pas naturelle ,
en-tant qu’elle n’a été introduite dans Ie-mbnde que
moyennant le foin & l’induftrie des hommes.
En ce fens l à , il n’eft prefque rien dans l’ufage
des chofes, qui foit totalement naturel, que ce
qui n’a point été à la difpofition des hommes. Un
arbre , par exemple, un prunier eft naturel lorfqu’il
a cru dans les forets, fans qu’il ait été ni planté ni
greffé ; aufli-tôt qu’il l’a é té, il perd en ce fens là ,
autant de naturel qu’il a reçu d’impreffions par le foin
des hommes. Eft-ce donc que fur un arbre greffé, il
n y croit pas naturellement des prunes ou des ceri-
fe s? Oui en-tant quelles n’y croiffent pas furnatu-
rellemènt ; mais non pas en-tant qu’elles y viennent
par le fecours de l’induftrie humaine,, ni entant
qu’elles deviennent telle prune ou telle cerife, d’un
goût 6c d une douceur qu’elles n’auroient point eu
lans le fecours de l’induftrie humaine ; par cet endroit
la prûne 6c la cerife font venues artificiellement
6c non pas naturellement.
On demande ic i, en quel fens on dit, pailant d’une
forte d e v in , qui! jftnamrei, tout vin de foi étant
artificiel ; car fans lïnduftrie & le foin dS?hommes
9 y * P0;0.1 ■ forte qu’en H H là le vin
eft auffi véritablement artificiel que l’eau-de-vie &
L/fpr' t ftC‘ Vin' <2 llan4 donc on appelle du vin H
confti,m;Un7 me-qU‘ — # e D eft dans la
conftmuion du vin ordinaire; St&us qu’on y ait
N A T 45
rien fait que ce qu’on a coutume de faire à tous les
vins qui font en ufage dans le pays & dans le tems
ou I on fe trouve.
Il eft aifé après les notions précédentes, de voir
en quel fens on applique aux diverfes fortes d’efprit
H Ü ^ de non-naturel. Un efprit eft
cenfe & dit naturel, quand la difpofition où il fe trouve
ne vient ni du foin des autres hommes, dans fon
éducation, m des réflexions qu’il auroit fait lui-même
en particulier pour fe former.
Au terme de naturel, pris en ce dernier fens, on
oppofé les termes de cultivé ou d'affecté, dont l’un fe
prend en bonne 6c l’autre en mauvaife part : l’un qui
lignifie ce qu’un foin 6c un art judicieux a fçn ajouter
a 1 efprit naturel-, l’autre ce qu’un foin vain & malentendu
y ajouté quelquefois.
„ P ” en Peut c*‘re à proportion autant des talens de
1 efprit. Un homme eft dit avoir une logique ou une
éloquence naturelle, lorfque fans les connoiffances
acquifes par I induftrie 6c la réflexion des autres
hommes , ni parla fienne propre, il raifonne cependant
aufli jufte qu’on puiffe raifonner ; ou quand il
fait fentir aux autres , comme il lui plait, avec force
6c vivacité fes penfées 6c fes fentimens. '
Naturel , le , f. m. (Morale.') le tempérament^
le caraûere, l’humeur, les inclinations que l’homme
tient de la naiffance, eft ce qu’on appelle fon
naturel. Il peut être vicieux ou vertueux, cruel Sc
farouche comme dans Néron, doux & humain corn-
merlans Socrate, beau comme dans Montefquieu ,
infâme comme dans C . . . . F . . . ou P
&c.
L éducation , 1 exemple, l’habitude peuvent à la
vérité reôifier le naturel dont le penchant eft rapide
au mal, ou gâter celui qui tend le plus heureufe-
ment vers le bien ; mais quelque grande que foit leur
puiffance, un naturel contraint, fe trahit dans les oc-
cafions imprevues : on vient à bout de le vaincre
quelquefois, jamais on ne l’étouffe. La violence
qu’on lin fait, le rend plus impétueux dans fes retours
ou dans fes emportemens. Il eft cependant un
art de former l’ame comme de façonner le corps ,
c’eft de proportionner les exercices aux forces , 6c
de donner du relâche aux efforts'. Il y a deux tems à
obferver : le moment de la bonne volonté pour fe
fortifier, 6c le moment de la répugnance pour fe
roidir. De ces deux extrémités, ré fui te une certaine
aifance propre à maintenir le naturel dans un jufte
tempérament. Nos fentimens ne tiennent pas moins
au naturel, que nos avions à l’habitude. La fuperfti-
tion feule furmonte le penchant de la nature, 6c
l’afcendant de i’habitude, témoin le moine Clément.'
Le bon naturel femble naître avec nous ; c’ eft un
des fruits d’un heureux tempérament que l’éducation
peut cultiver.avec gloire, mais qu’elle ne donne
pas. Il met la vertu dans fon plus grand jour, &
diminue en quelque maniéré la laideur du vice ; fans
ce bon naturel, du moins fans quelque chofe qui en
revêt l’apparence, on ne fauroit avoir aucune fo-
ciete durable dans le monde. De-là vient que pour
en tenir lieu , on s’eft vu réduit à forger une humanité
artificielle, qu’on exprime par le mot de bonne
éducation ; car fi l’on examine de près l’idée attachée
à ce terme, on verra que ce n’eft autre chofe que le
linge du bon naturel, ou fi l’on v eu t, l’affabilité, la
complaifance 6c la douceur du tempérament ré-*
duiteen^rt. Ces dehors d’humanité rendentun homme
les délices de la foc iété, lorfqu’ils fe trouvent
fondés fur la bonté réelle du coeur; mais fans elle
ils reffemblent à une fauffe montre de fainteté, qui
n’eft pas plutôt décou verte, qu’elle rend ceux qui s’en
parent, l’objet de l’indignation de tous les gens de
bien.
Enfin , comme c’eft du naturel que notre fort