doute qu’il a voit d’autres moyens d’être bien instruit
des a flaires & des réponfes qu’il devoit rendre.
Voici ce que Tacite , liv. II. des annales, rapporte
de cet oracle, qui tomba bien tôt après en décadence
, car Pline qui parle du temple d’Apollon Cla-
rien , ne fait aucune mention de fon oracle. » Ger-
» manicus, dit Ta c ite , alla confulter Apollon de
» Claros. Ce n’eft point une femme qui y rend les
» oracles comme à Delphes , mais un homme qu’on
» choifit dans de certaines familles , & qui eft pref-
» que toujours de Milet. Il fuffit de lui dire le nom-
» bre 6c les noms de ceux qui viennent le conful-
» ter ; enfuite il fe retire dans une grotte , & ayant
•» pris de l’eau d’une fource qui y e ll, il vous ré-
» pond en vers à ce que vous avez dans l’efprit ,
» quoique le plus fouvent il foit très-ignorant. »
( D . J.)
O racle de C lttumne , ( Thêolog. payenne. )
Pline le jeune décrit ainfi l'oracle de Clitumne, dieu
d’un fleuve d’Ombrie. « Le temple eft ancien &c
» fort refpefté : Clitumne eft là habillé à la romai-
» ne. Les forts marquent la préfence & le pouvoir
v de la divinité. Il y a à l’entour plufieurs- petites
» chapelles, dont quelques-unes ont des fontaines
»> & des fources ; car Clitumne eft comme le pere de
» plufieurs autres petits fleuves qui viennent fe
» joindre à lui. Il y a un pont qui fait la lepara-
» tion de la partie facrée de fes eaux d’avec la pro-
» fane : au-deffus de ce pont on ne peut qu’aller en
» bateau ; audeffous il eft permis de fe baigner ».
On ne connoît point d’autre fleuve que celui-là qui
rendît des oracles ; ce n’étoit guere leur coutume.
Oracle de D elphes. Voye{ D el ph e s , Oracle
de.
Oracle de D odone , ( Thêolog. payenne. ) au
rapport d’Hérodote , Xoracle de Dodont le plus ancien
de la Grece, & celui de Jupiter Ammon dans
la Lydie , ont la même origine , & doivent tous les
deux leur établiffement aux Egyptiens, comme toutes
les autres antiquités de la Grece. Voici l’enveloppe
fous laquelle on a caché ce trait d’hiftoire.
Deux colombes, difoit-on , s’étant envolées de
Thèbes en Egypte, il y en eut une qui alla dans la
L yb ie, & l’autre ayant volé jufqu’à la forêt de Do-
done dans la Chaonie , province de l’Epire , s’y
arrêta ; apprit aux habitans du pa ys, que l’intention
de Jupiter étoit, qu’il y eût un oracle en ce lieu
là. Ce prodige étonna ceux qui en furent les témoins
, & Xoracle étant établi, il y eut bien-tôt un
grand nombre de confultans. Servius ajoute que
c ’étoit Jupiter qui avoit donné à fa fille Thébé ces
deux colombes, & qu’elles avoient le don de la parole.
Hérodote qui a bien jugé que cette fi&ion ren-
fermoit l’événement qui donna lieu à l’établiffe-
ment de cet oracle, en a recherché le fondement
hiftorique.
Deux prêtreffes de Thèbes , dit cet auteur , furent
autrefois enlevées par des marchands Phéniciens
: celle qui fut vendue en Gre ce, établit fa
demeure dans la forêt de Dodone , op l’on alloit
alors cueillir le gland qui fervoit de nourriture aux
anciens Grecs, & elle fit conftruire une petite chapelle
au pié d’un chêne en l’honneur de Jupiter,
dont elle avoit été prêtreffe à Thèbes ; & ce fut-là
que s’établit cet ancien oracle, fi fameux dans la
fuite. Ce même auteur ajoute , qu’on nomma cette
femme la colombe, parce qu’on n’entendoit pas fon
langage ; mais comme on vint à; le comprendre
quelque tems après, on publia que la colombe avoit
parlé.
Souvent pour expliquer les anciennes fables, les
Grecs qui n’entendoient pas la langue des peuples
de l’Orient, d’où elle leur étoient venues, en ont
débité de nouvelles. Lefavant Bocharta cru trouver
l’origine de celle dont il s’agit, dans l’équivoque de
deux mots , phéniciens ou arabes , dont l’un lignifie
colombe &c l’autre prêtreffe. Les Grecs toujours portés
au merveilleux , au lieu de dire qu’une prêtreffe
de Jupiter avoit déclaré la volonté de ce dieu , dirent
que c’étoit une colombe qui avoit parlé.
Quelque vraiffemfelablc que foit la conjecture de
ce l'avant homme , M. l’abbé Sallier en a propofé
une qui paroît l ’être davantage ; il prétend que cette
fable eft fondée fur la double fignification du mot
, lequel lignifie des colombes dans l’Attique &
dans plufieurs autres provinces de la G re ce , pendant
que dans la dialeéte de l’Epire , il.vou loit
dire de vieilles femmes. Servius, qui avoit bien compris
le fens de cette fable , ne s’eft trompé en l’expliquant
, que parce qu’il a changé le nom appella-
tif de Peleias en un nom propre. « Il y avoit, dit-
» il , dans la forêt de Dodone, une fontaine qui
» couloit avec un doux murmure au pié d’un chê-
» ne : une vieille femme nommée Pélias, inter pré*
» toit ce bruit, & annonçoit lur ce murmure , l’a-
» venir à ceux qui venoient la confulter.
Si l'oracle de Dodone le manifefta d’abord par le
murmure d’une fontaine , il paroît qu’avec le tems
on y chercha plus de façons ; mais comme perfon-
ne ne péuétroit dans le lanétuaire de Xoracle , on ne
s’accorde point fur la maniéré dont celui-ci fe rendit
dans la fuite. Ariftote , au rapport de Suidas ,
dit qu’à Dodone il y a deux colonnes , fur l’une
defquelles eft un baflin d’airain , & fur l’autre , la
ftatue d’un enfant qui tient un fou et, dont les cordes
étant aufli d’airain , font du bruit contre le baf-
fin , loriqu’ elles y font pouffées par le vent.
Démon , félon le même Suidas, prétend que l’o-
racle de Jupiter Dodonéen eft tout environné de
baflins, qui aufli-tôt que l’un eft pouffe contre l’autre
, fe communiquent ce mouvement en rond , &
font un bruit qui dure affez de tems. D ’autres difent
que c’étoit un chêne raifonnant, qui fecouoit fes
branches & fes feuilles , lorfqu’il étoit confulté , &
qui déclaroit fes volontés par des prêtreffes. II paroît
bien de ce détail qu’il n’y avoit que le bruit de
conftant, parce qu’on l’entendoit de dehors ; mais
comme on ne voyoit point le dedans du lieu où fe
rendoit Xoracle , on ne favoit que par conjeéfures ,
ou par un rapport infidèle , ce qui caufoit le bruit.
On nommoit Dodonides les prêtreffes du temple
de Dodone ; on ignore fi elles rendoient leurs oracles
en vers , comme le témoigne le recueil qui en
a été fa it, ou par les forts, comme femble le croire
Cicéron dans lès livres de la divination.
Strabon nous a confervé une réponfe de cet oracle
, qui fut bien funefte à la prêtreffe de Dodone
qui l’avoit rendue. Pendant la guerre des Thraces
contre les Béotiens, ces derniers allèrent confulter
Xoracle de Dodone, & la prêtreff e leur répondit qu’ils
auroient un heureux fuccès , s’ils en agifloient en
impies. Les envoyés des Béotiens, perfuadés que
la prêtreffe vouloit les tromper, pour favorifer les
Pélafges dont elle defeendoit, & qui étoient alliés
des Thraces, prirent cette femme & la firent brûler
vive , dilant que de quelque maniéré qu’on tournât
cette aélion , elle ne pou voit qu’être trouvée
jufte. En effet, fi la prêtreffe avoit eu deffein de
les tromper, elle étoit punie de fa fourberie : fi elle
avoit parlé fincérement, ils n’avoien* fait qu’exécuter
Xoracle à la lettre. On ne fe paya pas de cette
raifon , on fe faifit des envoyés ; mais comme on
n’ofoit pas les punir fans les avoir jugés auparavant,
on les conduifit devant les deux prêtreffes qui ref-
toient ; car il devoit y en avoir trois alors à cet
oracle, félon le récit de Strabon. Les députés ayant
redamé contre cette conduite, on leur accorda deux
hotrtmes pour juger avec les prêtreffes*- Celles-ci ne
manquèrent pas de condamner les envoyés , mais
les deux juges leur furent plus favorables ; ainfi les
voix étant partagées, ils furent abfous.
Tite-Live, lib. VIII. c. xxjv. cite la réponfe ambiguë
de Xoracle de Dodone , qui fit périr Aléxandre,
roi d’Epire. Ce prince méditant de faire une def-
cente en Italie , fe berça des plus grandes efpéran-
ces de fuccès , lorfque fur fa confultation , l'oracle
lui recommanda feulement d’éviter la ville de Pan-
dofie & le fleuve Achéron. Il crut que Jupiter lui
ordonnoit de quitter fes terres, & qu’il lui*promet-
toit des conquêtes fans bornes , dès qu’il pafferoit
fur des rivages étrangers ; ce fut apparemment dans
cette occafion qu’il nt frapper une médaille, où l’on
.voit d’un côté la tête de Jupiter Dodonéen, au revers
un foudre furmonté d’une étoile, & au-deflous
une efpece de lance, avec ces mots : aae;e anapot
TOT NEoriTOAEMOT. Cependant trois ans après ralliant
fes troupes auprès du fleuve Acheron , il fut
percé d’un javelot par un transfuge, & tomba dans
la riviere, dont le courant l’emporta chez les ennemis
qui traitèrent fon corps avec la derniere barbarie.
Nous favons aufli quelle fut la fin de Votacle de
Dodone. Dorimaque, au#rapport de Polybe, brûla
les portiques du temple, renverfa de fond en comble
le lieu facré deVoracle, & ruina ou plutôt pilla
toutes les offrandes. Voracle de Dodone étoit de l’in-
ftitution des Pélafges, & nous pouvons placer la
véritable époque de fon commencement, environ
3400 ans avant J. C. (D . J.)
ORACLE d’Esculape , ( Théol. payenne. ) outre
Voracle célébré d’jEfculape à Epidaure en A rgie, fur
le golfe Saronique , ce dieu rendoit encore fes oracles
dans fon temple de S e . du Tibre. On a trouvé à
Rome un morceau d’une table de marbre , où font
en grec les hiftoires de trois miracles d’Efculapé : en
voici le plus confidérable traduit mot-à-mot fur l’inf-
cription. « En ce même tems il rendit un oracle à un
»aveugle nommé Caïus; il lui dit qu’il allât au
» faint autel, qu’il s’y mît à genoux, & y adorât ;
»qu’enfuite il allât du côté droit au côté gauche,
» qu’il mît les cinq doigts fur l’autel, & enfin qu’il
» portât fa main fur fes yeux. Après tout cela l’aveu-
» gle v i t , le peuple en fut témoin, & marqua la joie
» qu’il avoit de voir arriver de fi grandes merveilles
, »Jous notre empereur Antonin». Les deux autres
gnérifons font moins furprenantes ; ce n’étoit qu’une
pleuréfie & une perte de fang, defefpérées l’une &
l’autre à la vérité ; maïs le dieu avoit ordonné à fes
malades des pommes de pin avec du miel, & du
vin avec de certaines cendres, qui font des chofes
que les incrédules peuvent prendre pour de vrais
remedes.
Ces inferiptions, pour être grecques, n’en ont
pas moins été faites à Rome : la forme des lettres &
l’ortographe ne paroiffent pas être de la main d’un
fculpteur grec. De plus, quoiqu’il foit vrai que les
Romains faifoient leurs inferiptions en latin., ils
ne laiffoient pas d’en faire quelques-unes en g rec ,
principalement lorfqu’il y avoit pour cela quelque
raifon particulière. Or il eft affez vraiffemblable qu’on
ne le fervit que de la langue grecque dans le
temple d’Efculape, parce que c’étoit un dieu grec,
& qu’on avoit fait venir de Grece pendant cette
grande pefte, dont tout le monde fait l’hiftoire.
Oracle d’Héliopolis , {Théol. payenne.) c’étoit
un oracle d’Apollon dans çette ville d’Egypte;.ce
dieu, au rapport deMacrobe, Satürn,. lib. 1. c. xxiij.
rendoit fes réponfes de même que Jupiter Ammon.
« On porte,,dit cet auteur , la ftatue de ce dieu, de
» la même maniéré qu’on .porte celle des dieux dans
» la.pompe des jeux du cirque. Les prêtres accomw
pagnés des principaux du pa ys, qui affilient à
» cette cérémonie, la tête ralëe, & après une lon-
» gue continence, nlavancent pas félon qu’ils pour-
« roient le vouloir, mais félon le mouvement que
» le dieu qu’ils portent leur donne, par des mouve-
» mens femblables à ceux des forts ou des fortunes
» d’Antium ».
O racle de Mer cu r e , à P h a û s , (T h éologie
p a y e n n e .) un des oracles les plus finguliers éto t celui
de Mercure à Pharès, ville d’Achaïe, duquel parle
Paufanias dans fes Achaïques, liv . V U . c h a p .x x i j .
Après beaucoup de cérémonies, dont le détail n’efl:
pas ici néceffaire, on parloit au dieu à l’oreille &
on lui demandoit ce qu’on avoit envie de favoir :
enfuite on fe bouchoit les oreilles avec les mains
on fortoit du temple, & les premières paroles qu’on
entendoit au fortir de là , c’étoit la. réponfe de Mercure.
( D. J .)
O racle de Mopsus , ( Théo l.p a y en n e . ) on connoît
par la fable ce fils d’Apollon & de Manto, fille
de Tiréfias, & qui devint aufli fameux devin que
fon grand - pere : aufli fut-il après fa mort honoré
comme un demi-dieu, & eut un oracle célébré à
Malle, ville de Cilicie; cet oracle fe rendoit fur des
billets cachetés, que les prêtres des dieux favoient
décacheter fans qu’il y parût : affurément ils ouvrirent
celui que le gouverneur de Cilic ie, dont
parle Plutarque, avoit envoyé en confultation à
leur oracle.
Ce gouverneur ne favoit que croire du dieu,
il étoit obfédé d’épicuriens qui lui avoient jette
beaucoup de doute dans l’efprit; il fe réfolut, comme
dit agréablement Plutarque, d’envoyer un efpion
chez les dieux pour apprendre ce qui en étoit. Il
lui donna un billet bien cacheté pour le porter à
Voracle de M opfus. Cet envoyé dormit dans le temple
, & vit en fonge un homme fort bien fait qui lui
dit noir. Il porta cette réponfe au gouverneur. Elle
parut très-ridicule à tous les épicuriens de fa cour ,
mais il en fut frappé d’étonnement & d’admiration ,
& en leur ouvrant fon billet il leur montra cesf mots
qu’il y avoit écrit : « t’immolerai - je un boeuf blanc
» ou noir » ? Après ce miracle il fut toute fa vie fort
dévot an dieu Mopfus.
O racle de Sér a p is , {T h é o l.p a y e n n e .) ce dieu
des Egyptiens avoit deux oracles célébrés, l’un à
Canope, qui étoit le plus fameux de toute l’Egypte,
& l’autre à Babylone.
Selon Strabon, il n’y avoit rien de plus gai dans
toute la religion payenne que les pèlerinages qui fe
faifoient en l’honneur de Sérapis. « Vers le tems de
» certaines fêtes, dit-il, on ne fauroit croire la mul-
» titude de gens qui defeendent fur un canal d’Ale-
» xandrie à Canope où eft ce temple; jour & nuit
» ce ne font que bateaux pleins d’hommes & de
» femmes, qui chantent & qui danfent avec toute la
» liberté imaginable ». À Canope il y a fur le canal
une infinité d’hôtelleries qui fervent à retirer ces
voyageurs, & à favorifer leurs divertiffemens : ce
temple de Sérapis fut détruit par l’ordre de l’empereur
Théodofe.
Le fophifte Eunapius, payen, paroît avoir grand
regret à la démolition qui fut faite de ce temple, &
nous en décrit la fin malheureufe avec affez de bile. Il
dit que des gens qui n’avoient jamais entendu parler
de la guerre, fe trouvèrent pourtant fort vaillans
contre les pierres de ce temple, & principalement
contre les riches offrandes dont il étoit plein; que
dans ces lieux faints on y plaça des moines, gens
infâmes: & inutiles, qui pourvû qu’ils euffent un
habit noir & malpropre , prenoient une autorité tyrannique
fur l’efprit des peuples, & que ces moines,
au-lieu des* dieux que l’on voyoit par les dümieres
de la raifon, donnoient à adorer des têtes de bri^