de la France, comme on le voit par un grand rçorn-
bred’aéles anciens, par plufieurs difpofitions de coutumes
, de par ce qui nous relie des ouvrages de nos
anciens praticiens.
Ce qui efl confiant , c’efl qu’originairement les
fiefs étant confédérés comme indivifibles de leur nature
, ils ne tombaient point en partage dans les fuc-
ceffions; l’aîné mâle les recueilloit en entier, & l’aînée
des femelles, à défaut des mâles, pouvoit auffi
y fuccéder, lorfque la loi de l’invefliture le permet-
toit. Feud. liv. I I . tit. 11 & iy.
Cet ancien droit féodal changea dans la fuite ; le
partage des fiefs fut admis dans les fuccefîions, comme
celui des aïeux ; 6c alors , pour conferver l’indi-
vifibilité des fiefs à l’égard du feigneur •dominant,
on imagina les frerages & les parages.
Le frerage étoit le partage entre freres fous cette
■ condition que les puînés tiendroient en frerage de
leur aîné, c’efl-à-dire, qu’ils feroient à l’aîné la foi
6c hommage pour leur portion du fief.
Par l’ancien ufage de la France, dit M. de Lauriere
on fonglofT. au mot frarefeheux, quand un fief étoit
échu à plufieurs enfans, il étoit prefque toujours démembré
6c diminué, parce que les puînés tenoient
ordinairement de leur aîné par frerage leur part &:
portion, foi 6c hommage.
Le parage étoit, comme l’on v o it , fynonyme du
frerage , n’ayant d’abord eu lieu qu’entre freres, en-
fans d’un pere commun ; il n’avoit auffi lieu d’abord
qu’entre les nobles feulement, avant que les roturiers
euffent obtenu difpènfe de tenir des fiefs ; enfin
il n’avoit lieu en collatérale que dans les coutumes
qui donnent le droit d’aîneffe tant en direéte qu’en
collatérale.
Tel étoit l’ancien droit de prefque toute la France
; les aînés ne faifoient la foi 6c hommage aux fei-
gneurs dominans que pour leur part feulement, 6c
les puînés tenoient la leur en foi hommage de leur
aîné comme fes vafTaux ; de forte que ces portions
•des puînés formoient à l’égard du feigneur dominant
des arriere-fiefs : c’ efl ce que nous apprenons
des paroles fuivantes d’Othon, de Frifinger, de gef-
tis Fredericis, lib. II. cap. x xix. Mo s in illâqui penè
in omnibus gallice provinciis , quod femper ferviori fra-
tr i, ejufque liberis maribus feu foeminis paterna heredi-
tatis cédât autoritas , cteteris ad ilium tanquam domi-
num refpicientibus.
Mais comme ces frerages, par les démembremens
réels qu’ils opéroient, tendoient évidemment à la
deftruûion des fiefs, fous le'regne de Philippe-Augu-
fle , Eudes duc de Bourgogne , Hervé, comte de Ne-
vers ; R enault, comte de Boulogne ; le comte de S.
P a l, Guy de Dampierre , 6c plufieurs autres grands
feigneurs, tâchèrent d’abolir cet ufage dans leurslter-
res par un accord qu’ils firent entr’eux, qui fut rédigé
en 1209 ou 1210, & auquel Philippe-Augufle voulut
bien donner le caraûere de loi. Cette ordonnance efl
rapportée par Pithou, fur Y article i a. de la coutume
de Troyes , 6c dans le recueil des ordonnances du
Louvre : elle portoit qu’à l’avenir les puînés ne re-
leveroient plus de leur aîné par les partages des fiefs;
qu’ils releveroient directement des feigneurs , dont
les fiefs relevoient avant le partage, 6c que le cas
•échéant, où le fervice feroit dû au feigneur dominant,
chacun des co-partageans feroit tenu de l’acquitter
à proportion de ce qu’il atiroit dans le fief.
Cette ordonnance n’abolit pas le frerage, comme
quelques-uns l’ont cru , mais elle en changea l’ effet,
en réglant qu’à l’avenir les puînés relevoient du feigneur
dominant, au lieu qu’auparavant ils relevoient
xle leur aîné.
D ’ailleurs ce réglement, quoique fort fage, & plus
conforme à la nature des fiefs, ne fut pas pleinement
exécuté. L’ancien ufage prévalut en beaucoup d’endroits
, notamment dans les domaines du r o i , ainfi
qu’i l efl prouvé par ces établiffemens de S. Louis,
chap. xliij. hcx. & Ixxiv. qui font mention du paragey
comme d’une chofe qui étoit d’un ufage commun.
C’efl ainfi qu’en voulant éviter le démembrement
imaginaire qu’opéroit le partage du f ie f , on en in-
troduifit un autre très-réel, en admettant le parage
légal, lequel opéré en eifet le démembrement le plus
formel 6c le puis cara&érifé , puifque d’un fief il en
fait réellement plufieurs très-diflinCls , au détriment
du feigneur dominant qui y perd la mouvance immédiate
; 6c ce fut par la voie du parage que les arriere
fiefs fe multiplièrent beaucoup.
Le parage continue donc d’être d’un ufage commun
en France, nonobflant l’accord ou ordonnance
de 1209, 6c il eut cours ainfi jufqu’à la rédaction 6c
réformation des coutumes , dont le plus grand nombre
a rejetté le parage.
Celles qui l’ont confervé font Normandie, Anjou,’
Maine, Lodunois, Blois, Tours, Poitou, Angou-
mois , S. Jean d’Angely, l’Ufance de Saintes , Bretagne
, 6c quelques autres en petit nombre.
Le chemier ou aîné garantit, comme on l’a déjà
d i t , les puînés fous fon hommage. Ils font feulement
tenus de lui fournir l’aveu 6c dénombremens de leurs
portions , afin qu’il puiffe fournir un aveu général
du fief au feigneur dominant.
Tandis que le parage dure, les puînés contribuent
aux charges 6c devoirs du f ie f , tels que les frais de
l’hommage, le relie f, le chambellage, 6c autres devoirs
qui peuvent être dûs.
Le parage n’a lieu que pour la jouiffance indivife
d’un même fief ; lorfque les puînés ont un fief dif-
tinCl en partage, il n’y a pas lieu au parage ; la coutume
de Poitou l’admet pourtant pour plufieurs fiefs
diflin&s , mais il ne dure que pendant que la fucceffion
efl indivife.
On divife le parage en légal & conventionnel.
Le parage légal efl celui qui efl introduit' par la
lo i, 6c qui a lieu de plein droit, fans qu’il foit be-
foin de convention ; il n’efl admis qu’entre co-héritiers
, dont l’aîné devient le chemier, 6c les puînés
les parageurs ou parageaux ; & à la fin de ce parage
légal, les portions des puînés dans le fief relevent
immédiatement de la portion de l’aîné.
Le parage conventionnel efl celui qui fe forme par
convention entre plufieurs co-héritiers où co-propriétaires
: il ne finit que par une convention contraire,
fans jamais altérer ni changer la mouvance du
fief à la fin du parage , enforte que cette efpece de
parage n’intérefîè nullement le feigneur dominant
auquel il ne fait jamais aucun préjudice. Cette efpece
de parage efl plus connu dans les coutumes de
Poitou, Saintonge 6c Angoumois, que dans les autres
coutumes de parage.
Tout l’effet du parage conventionnel fe réduit à
! charger .un des co-héritiers ou co-propriétaires de
faire la foi 6c hommage en l’acquit des autres pour
la totalité du fief, 6c tant que ce parage dure , les
mutations n’arrivent, 6c les droits ne font dûs au
feigneur que du chef du chemier conventionnel,
c’efl-à-dire, de celui qui par la convention a été
chargé de fervir le fief ; lorfque ce parage fe réfout
par une convention contraire, tous les portionnai-
res du fief font la foi au feigneur dominant , chacun
pour la portion qu’il a dans le fief.
Le parage, foit légal ou conventionnel, efl une
efpece de jeu de fief., l’un procédant de la lo i, 1 autre
de la convention ; mais ce dernier ne regardant
que le port de fief, ne forme pas un véritable jeu de
nef.
Suivant le droit commun de cette matière, il ne,
peut jamais y avoir de parage légal où conventionnel
, que dans le partage ou acquisition d’un feul 6c
même fief, en quoi l’un 6c l’autre parage conviennent
entr’eux ; mais ils différent en deux points ef-
fentiels.
L’un efl que le parage conventionnel ne finit jamais
, fi ce n’efl par une convention contraire , au
lieu que le partage légal a une fin déterminée ; Lavoir
, lorfque les co-feigneurs du fief font fi éloignés
, qu’ils ne peuvent plus montrer ni prouver le
lignage : dans quelques coutumes, il finit au fixieme
degre inclufivement ; dans d’autres du quatrième au
cinquième : il finit auffi quand \ine portion du fief
fort de la ligne à laquelle il a commencé.
L’aiitre différence efl, que dans le parage conventionnel
le jeu de fief ne concerne que le port de foi,
au lieu que le parage légal tend à une fous-inféoda-"
tion des portions des puînés ; fous-inféodation qui
a lieu , lorfque le parage efl fini fans que le feigneur
dominant puiffe l’en empêcher : la coutume de Poitou
veut même qu’on l’appelle pour voir le puîné
faire la foi à l’aîné ; autrement, lors de l’ouverture
de la portion chemiere, le feigneur dominant pour-'
roit exercer tous les droits, tant fur la portion che-
miere que fur les portions cadettes.
Dans toutes les coutumes qui n’admettent point
exprefïement le parage , on ne peut l’y introduire
foit dans les acquifitions en commun , foit dans les
partages de fuccefîions dire&es ou collatérales, il n’a
point lieu au préjudice du roi ni de tout autre feigneur
dominant;car en ce cas ce feroit un parage conventionnel
, lequel efl encore plus exorbitant du
droit commun que le parage légal ; de forte qu’il ne
peut avoir lieu s’il n’efl expreffément admis par la
coutume ; ainfi dans ce cas le feigneur feroit en droit
de faire faifir le fief entier, & de refufer l’hommage
qui lui feroit offert par l’aîné ou autres, dont les copropriétaires
feroient convenus.
Il y a néanmoins deux exceptions à eette réglé.
L’une efl que fi lès puînés étoiènt mineurs , le feigneur
feroit tenu de. leur accorder fouffrance.
L’autre efl que dans certaines coutumes, l’aîné efl
autorifé à porter la foi pour la première fois que le
fief efl ouvert par le décès du pere commun ; mais
cela ne tire pas à conféquence pour la fuite, 6c n’o-
pere point un parage.
Le parage conventionnel, fuivant Fart. ioy de la
coutume de Poitou, fe forme par convention , foit
par le contrat d’acquifition d’un fief par plufieurs per-
îbnnes , foit lors de la diffolutiori de la communauté,
fuivant l'article 243 , où la femme pendant qu'elle
s’unit, tient la moitié des acquêts en part prenant des
héritiers du mari, qui font les hommages pendant
l’indivifion, foit quand on aliéné une partie de fon
fief à la charge d’un devoir, & de le garantir fous fon
hommage. Le parage fe forme auffi par longue ufan-
c e , dit l'art. 1 o y , c’efl-à-dire, quand un des ayans-
part au fief a fait 6c été reçu en hommage pour tous
pendant un long-tems.
Il y a deux fortes de parage conventionnel, fuivant
les coutumes de Poitou, Angoumois & Saint
Jean d’Angely : l’une s’appelle tenir en part prenant,
ou part mettant : l’autre fe dit tenir en gariment.
Tenir en part prenant, par mettant, ou en gariment
, c’efl tenir par plufieurs propriétaires du même
fief à autre titre que fucceflîf fous la convention
que l’un d’eux fèra la foi pour tous lès autres, 6c
qu’il les garantira fous fon hommage ; 6c que par ce
moyen il couvrira la portion des autres : ils font
part prenons , parce qu’ils prennent part au fief ; ils
font part mettans , parçe qû’ils contribuent au devoir
; ils font en gariment, parce qu’ils font fous
fa foi.
Tous ceux'qui tiennent en part prenant & part
mettant tiennent auffi en gariment. Mais il y a une
tenure particulière en gariment qui n’efl point en
part prenant ni en part mettant, c’efl lorfque quelqu’un
aliéné une partie de fon fief à certain devoir, à
la charge de la garantir fous fon hommage. Celui qui
tient cette portion de fief moyennant un devoir efl
en gariment ; mais il n’efl pas en parage : il n’efl pas
•fégal à celui dont il tient fa portion ; il efl fous lui
6c dépendant dé lu i, au lieu que dans le parage légal
ou conventionnel tous ceux qui ont part au fief Junt
pares in feudo, fi ce n’efl qu’un feul fait la foi pour
tous , tandis que le parage dure.
Les coutumes de parage n’admettent pas à ce genre
de tènure toutes fortes de perfonnes indiftin&e-
ment.
Suivant l’ufage de Saintes , le parage légal n’a lieu
qu’entre nobles , parce que le droit d’aînefle , dont
le parage n’efl qu’une fuite 6c une conféquence, n’y
a.lieu qu’entre nobles, 6c par une fuite du même
principe, l’ufance accordant le droit d’aînefle à la
fille aînée à défaut de mâles , le parage y a lieu entre
filles.
Les coutumes d’Anjou 6c Maine n’admettent auffi
le parage , légal qu’entre nobles, 6c il n’y a lieu principalement
qu’à l’égard des filles , parce que les puînés
n’y ont ordinairement leur portion qu’en bien
faire , c’efl-à-dire, par ufufruit, au lieu que les filles
l’ont par héritage , c’efl-à-dire en propriété.
Mais comme le pere ou le frere nobles peuvent
donner au puîné fa portion dans le fief par héritage ,
ils peuvent auffi la lui donner en parage , de maniéré
que le puîné foit garanti fous l’hommage de fon
aîné.
Dans l’ancienne coutume de Normandie, le parage
avoit lieu entre mâles, auffi-bien qu’entre les femelles
; mais dans la nouvelle , il n’a plus lieu qu’ entre
filles 6c leurs repréfentans, parce que cette coutume
n’admet plus le partage des fiefs qu’entre filles.
Cette coutume ne diflingue point entre le noble 6c
le roturier ; il en efl de même en Poitou , 6c dans
quelques autres coutumes de parage.
Quoiqu’en parage ce foit à l’aîné feul à faire la foi
néanmoins les puinés ne doivent pas fouffrir de fa négligence
; de forte que pour couvrir leurs portions
ils pourroient offrir la foi, 6c dans ce cas il feroit juflé
que le feigneur les reçût à la fo i, ou qu’il leur accordât
fouffrance.
Le parage légal n’a lieu.communément qu’en fuc-
ceffion direéle ; mais dans les coutumes de Poitou ,
Tours 6c quelques autres où le droit d’aîneffe a lieu
en collatérale, le parage a également lieu en collatérale.
La donation faite au fils en avancement d’hoirie ,
foit en faveur de mariage ou autrement,. donne lieu
au parage , de même que la fucceffion direCte.
Il en faut dire autant du don fait à l’héritier pré-
fomptif en collatérale dans les coutumes où le parage
a lieu en collatérale.
Le parage légal a lieu , comme on le dit, dans le
partage d’un même fief, lorfque l’ainé donne partie
de fon fief à fon puîné, 6c non lorfqu’il donne à chacun
des puînés un fief entier , ou lorfqu’il leur donne
pour eux tous un fief autre que le nen.
Néanmoins dans les coutumes de Poitou & Blois
il y a une efpece de parage pendant que la fucceffion
efl indivife , l’aîné fait la foi pour tous , 6c couvre
tous les fiefs tant qu’il n’y a point de partage. A Blois,
quand la fucceffion fe divife , il n’y a plus de parage,
au lieu qu’en Poitou , il y a encore parage quand
l’aîné donne part aux puînés dans fon fief.
Ce n’efl que dans les fimples fiefs que U parage lé*