gnés «, on diftingue les noms en fubftantîfs & abftrac-
tifs. Les noms fubfiantifs font ceux qui défignent des
êtres qui ont ou qui peuvent avoir une exigence
propre & indépendante de tout fujet, & que les Phi-
lofophes appellent des fubftances, commeDiea, ange
, amt y animal, homme, Céfar , plante , arbre, ccri-
fier, maifon , ville , eau , riviere, mer, fable, pierre ,
montagne , terre, &c. Voyc{ SUBSTANCE.
Les noms abfiraclifs font ceux qui défignent des
êtres dont l’exiftence eft dépendante de celle d’un
fujet en qui ils exi fient, & que I’efprit n’envifage en
fo i, & comme jouiffant d’une exiftence propre,qu’au
moyen de l’abftraftion ; ce qui fait que les Philofo-
phes les appellent des êtres abftraits ; comme terns,
éternité, mort, vertu y prudence , courage, combat, victoire
, couleur, figure, penfée , & c . Voye^ ABSTRACTION.
La première & la plus ordinaire divifion des noms
eft celle des fubfiantifs & des adjeftifs. Mais j’ai déjà
dit un mot {art. G e n r e ) fur la méprife des Grammairiens
à cet égard ; & j’avois promis de difeuter
ici plus profondément cette queftion. II me femble
cependant que ce feroit ici une véritable difgreflion,
& qu’il eft plus convenable de renvoyer cet examen
au mot S u b s t a n t i f , o ù il fera placé naturellement.
II. Par rapport à la maniéré dont l’efprit envifa-
ge la nature des êtres, on diftingue les noms en appellatifs'
& en propres.
Les noms appelladfs font ceux qui préfentent à l’efprit
des êtres déterminés par l’idée d’une nature commune
à plufieurs: tels font homme,briuey animal,dont
le premier convient à chacun des individus de'jl’efpe-
ce humaine ; le fécond, à chacun des individus de
l’efpece des brutes ; & Je troifieme, à chacun des individus
de ces deux efpeces.
Les noms propres font ceux qui préfentent à l’efprit
des êtres déterminés par l’idée d’une nature ■ individuelle
: tels font Louis, Paris, Meufe, dont le premier
défigne la nature individuelle d’un feul homme
; le fécond, celle d’une feule ville ; Si le troifieme
, celle d’une feule riviere.
§ . i. Il eft effentiel de. remarquer deux chofes
dans les noms appellatifs ; je veux dire la compré-
henfion de l’idée, & l’étendue de la lignification.
Par la comprèhenfion de l’idée, il faut entendre la
totalité des idées partielles, qui conftituent l ’idée
entière de la nature commune indiquée parles noms
appellatifs : par exemple, l’idée entière de la nature
humaine , qui eft indiquée par le nom appellatif
homme, comprend les idées partielles de corps vivant
& d'ariu ràifonnable ; celles-ci en renferment d’autres
qui leur font fubordonnées, par exemple, l ’idée
à’aine raifonnable fuppofe les idées de fubfiance , d’unité
, d'intelligence, de volonté , &c. La totalité de
ces idées partielles, parallèles ou fubordonnées les
unes aux autres, eft la comprèhenfion de l’idée de
la naturexommune exprimée par le nom appellatif
homme.
Par l’étendue de la fignification , on entend la totalité
des individus en qui fe trouve la nature commune
indiquée par les noms appellatifs : par exemple
, l ’étendue de la fignification du nom appellatif
homme , comprend tous & chacun des individus de
l’efpece humaine, poflibles ou réels, nés ou à naître;
Adam , Eve, AJfuérus , Eflher, Cèfar , Calpur-
nie y Louis , Therefe, DaphniSy Chloè, &c.
Sur quoi il faut obferver qu’il n’exifte réellement
.dans l’univers que des individus ; que chaque individu
a fa nature propre .& incommunicable ; & con-
féquemment qu’il n’exifte point en effet de nature
commune , telle qu’on l’envifage dans les noms appellatifs.
C eft une idee faéhce que l’efprit humain
compofe en quelque forte de toutes les, idées des attributs
femblables qu’il diftingue par abftraâion dans
les individus. Moins il entre d’idées partielles dans
celle de cette nature fadice & abftraite , plus il y
a d’individus auxquels elle peut convenir ; & plus
au contraire il y entre d-’idées partielles, moins il y
a d’individus auxquels la totalité puiffe convenir.
Par exemple , l’idée de fig u r e convient à un plus
grand nombre d’individus que celle de tr ia n g le y de
q u a d r ila tè r e , de p e n ta g o n e , à ’e x a g o n e , O c . parce que
cette idée ne renferme que les idées partielles d’ef-
pace, de,bornes, de côtés, & d’angles , qui fe retrouvent
dans toutes les efpeces que l’on vient de
nommer ; au lieu que celle de t r ia n g le , qui renferme
les mêmes idées partielles , comprend encore l’idée
précife de trois côtés & de trois angles« fid é e de
q u a d r ila tè r e , outre les mêmes idées partielles, renferme
de plus celle de quatre côtés & de quatre angles,
& c . d’où il fuit d’une maniéré très-évidente
que l’étendue & la comprèhenfion des n o m s appellatifs
fon t, fi je puis le dire , en raifon inverfe l’une
de l’autre, & que tout changement dans l’une fuppofe
dans l ’autre un chagement contraire. D ’où il
fuit encore que les n o m s propres, déterminant les
êtres par une nature individuelle , & ne pouvant
convenir qu’à un feul individu, ont l’étendue la plus
reftrainte qu’il foit poflible de concevoir, & confé-
quemment« la comprèhenfion la plus complexe & la
plus grande.
Ici fe préfente bien naturellement une objeâion,
dont la folution peut répandre un grand jour fur la
matière dont il s’agit. Comme il n’exifte que des
êtres individuels & finguliers, & que les n om s doivent
préfenter à l’efprit des êtres déterminés par l ’idée
de leur nature ; il femble qu’il ne devroit y avoir
dans les langues que des n om s propres, pour déterminer
les êtres par l’idée de leur nature individuelle
: St nous voyons cependant qu’il y a au contraire
plus de n o m s appellatifs que de propres. D ’où vient
cette contradiction ? Eft-elle réeile ? N’eft-elle qu’apparente
?
i°. S’il falloit un n o m propre à chacun des individus
réels ou abftraits qui compofent l’univers phyfi-
que ou intellectuel ;. aucune intelligence créée ne
feroit capable, je ne dirai pas d’imaginer, mais feulement
de retenir la totalité des n om s qui entreroient
dans cette nomenclature. Il ne faut qu’ouvrir les
yeux pour concevoir qu’il s’agit d’une infinité réelle
, qui ne peut être connue en détail que par celui
q u i n u m e r a t m u ltitu d in em jl e l la r u m , O o m n ib u s e is
d o m i n a v o c a t. P f c x l v j . 4. D ’ailleurs la voix humaine
ne peut fournir qu’un nombre affez borné de
fons & d’articulations fimples ; & elle ne pourroit
fournir à l’infinie nomenclature des individus qu’en
multipliant à l’infini les combinaifons de ces éle-
mens fimples : or, fans entrer fort avant dans les profondeurs
de l’infini, imaginons feulement quelques
milliers de n o m s compôfés de cent mille fyllabes, &
voyons ce qu’il faut penfer d’un langage qui de quatorze
ou quinze de ces n om s rempliroit un volume
femblable à celui que le leûeur a actuellement fous
les yeux.
20. L’ufage des n om s propres fuppofe déjà une
connoiflance des individus, finon détaillée & approfondie
, du moins très-pofitive , très-précife, &
à la portée de ceux qui parlent, & de ceux à qui l’on
parle. C ’eft pour cela que les individus que la fociété
a intérêt de connoître , &c qu’elle connoît plus particulièrement
, y lônt communément défignés par des
n o tu s propres , comme les empires , les royaumes *
les provinces, les régions , certaines montagnes ,
les rivières , les hommes, & c . Si la diftinétion précife
des individus eft indifférente, on fe contente de
les défigner par des n om s appellatifs ; ainfi chaque
grain de fable eft un grain <de fable , chaque perdrix^
eft un perdrifr , chaque étoilé eft une etoiîé, chaqtiè
1cheval eft un ch eval, &c. voilà I’ufage de la fociété
nationale, parce que fon intérêt ne va pas plus loin.
Mais chaque fociété particulière comprife dans la
nationale a fes intérêts plus marqués & plus détaillés
; la connoiflance des individus d’une certaine ef-
pece y eft plus néceffaire ; ils ont leurs noms propres
dans le langage de cette fociété particulière :
montez à l ’obfervatoire ; chaque étoile n’y eft plus
une étoile tout Amplement , c ’eft l’étoile /3 du capricorne
, c’eft le y du centaure, c’eft le Ç de la
grande ourfe, &c. entrez dans un manege , chaque
cheval y a fon nom propre, le brillant, le lutin le
fougueux y Oc. chaque particulier établit de même
dans fon écurie une nomenclature propre ; mais il
ne s’en fert que dans fon domeftique, parce que l’intérêt
& le moyen de connoître individuellement n’e-
xiftent plus hors de cette fphere. Si l’on ne vouloit
donc admettre dans les langues que des noms propres
, il faudrait admettre autant de langues différentes
que de fociétés particulières ; chaque langue feroit
bien pauvre , parce que la fomme des connoiffances
individuelles de chaque petite fociété n’eft
qu’un infiniment petit de la fomme des connoiffances
individuelles poflibles ; & une langue n’auroit avec
une autre aucun moyen de communication, parce
que les individus connus d’une part ne feroient pas
connus de l ’autre.
30. Quoique nos véritables connoiffances foient
effentiellement fondées fur des idées particulières
& individuelles, elles fuppofent pourtant effentiellement
des vues générales. Qu’eft-ee que générali-
fer une idee ? C eft la feparer par la penfée de toutes
les autres avec lefquelles elle le trouve affociée
dans tel & tel individu, pour la confidérer à part &
l’approfondir mieux ( voye{ A b s t r a c t i o n ) ; & ce
font des idées ainfi abftraites que nous marquons
par les mots appellatifs. Voyt^ A p p e l l a t i f . Ces
jüees abftraites étant l’ouvrage de l’entendement
humain font aifément faifies par tous les efprits •
& en les rapprochant les unes des autres, nous parvenons,
parla voie de la fynfnèfe, à compofer en
quelque fortfe les idées moins générales ou même
individuelles qui font l ’objet de nos connoiffances
& à les tranfinettre aux autres au moyen des fi»nes
generaux & appellatifs combinés entre eux comme
les idees fimples dont ils font les fignes. Voye?
G é n é r i q u e . Ainfi l’abftraâion analyfe en quelque
maniéré nos idées individuelles en les rédui-
fant à des idées élémentaires que l’on peut appel-
ler Jimples par rapport à nous ; le nombre n’en eft
pas à beaucoup près fi prodigieux que celui des
diverfes combinaifons qui en réfultent & qui carac-
terifent les individus ,& par-là elles peuvent devenir
i objet d’une nomenclature qui foit à la portée
de tous les hommes. S’agit-il enfuite de communiquer
les penfées, le langage a recours à la fynthèfe,
& combine les fignes des idées élémentaires comme
tes içlees mêmes doivent être combinées ; le difeours
devjent ainfi l’image exafte des idées complexes &
t f ^ï1'tj\e eS*. ^ l’étendue vague des noms appella-
B n détermine plus ou moins, même jufqu’à l’in-
îvi ua ite , félon les moyens de détermination que
1 on juge à propos ou que l’on a befoin d’employer.
i B H P I deux moyens généraux de déterminer
ainfi etendue de la fignification des noms appellatifs.
i r a m de ces moyens porte fur ce qui a été'
Ibnfen raT o ^ qUe J a comPréhenfion & l’étendue
due î I K « ! ! ! ! l’une de l’autre, & que l’éten-
due .„d.yrfuejle la plus reftrainte £ J mes>{
complexe' n Priî A0f,0Jn:la P‘us Srande & 1* V u s
nérale ri. COn^ e donc à joindre avec l’idée gé-
S Ü W — ou plufieurs > autres
5e! d veuanr avec celle7là parties élémentaires
d’utie nouvelle idée pltts complexe, préientérdnt i
lelpnt un concept d’uné comprèhenfion plus grande
& confequemment d’une etendue plus petite.
Cette addition peut fe faire, 1». par un adieflif
phyfique, comme; un homme favanty des hommes
W B B i on voit un fens plns reftraint que I g §
difoit Amplement un Homme, ^ Homme?: x». pai:
une propofinon incidente qui énonce un attribut
fociable ayec la nature commune énoncée par lë
nom appellatif ; par exemple, un homme 5 « vambi-
uon,dévoré, ou devori pur l'ambition, de* kommis
que la patrie doit chérir.
U fécond moyen ne regarde aucunement la cotn-
prebenfion delhdee générale, il confifie feulement
à refcamdre etendue de la fignification du nom au.
Pédant, par 1 indication de quelque point de vûe
qui ne peut convenir qu’à une partie dès individus
Cette indication peut fe faire, 11». par un adjeftif
mefapnylique partitif qui défigneroit une partie indéterminée
des individus, quelqueshommes, certains
hoVmes,plufieurs hmmes-u i».! par un adjeéiif mimé-
nque qui defigneroit une quotité précife d’individus
un heHrime. deux hoihmes praille hotmics ■ par up
adje&if poffeffif qui caraàérifefoit les 'ifidividns pât
un rapport de dépendance:, w«/j enjis , tues enfis ■
Evandrins enfis : 4” par un adjeftif démonftratif qui
fixç rçt . les 'individus par un rapport d’indication
preene, ce livre, cette femme, cesihommesi 50 par un
adjeaifordjüal qui fpécifierbif les individus par un
rapport d'ordre , le fécondsiÿiic,, chaque troifiemé an*
née: 6". par l’addition d’un autre nom on d’t::i pronom
qui ferait le terme de quelque rapport, &rqui
feroit annoncé' comme tel par les figuéf autorités
dans la fyntaxe de chaque langue, la loi de Maife en
françôiïy en latin, ihorath Mofchéen'hii
breu, comme fi l’on difoit én latin légis Motfes'■
chaque langue a fes idiotifmes : 70. par une prdpo'
fition incidente, qili fous une forme plus développ
a rendrait quelqu’un de ces points de vûe j l ’hom:
me ou IcS ^ fa sÿ p n û je vous ai parlé-,lUptéeigievoiiS
avc{ reçue du roi, le volume qui m'appartient Sic.
‘ On peut même, pour déterminer entièrement un
nom appellatif, réunir pluîieui's des nïoyenSque l ’on
vient d’indiquer. Que l’oHdife, par exempte, 'f'ai
lu deux excellent ouvrages de Grammaire compotes par
M. du Mar fais ;\c nom appellatif ouvrages.cA deter-
miné par l’adjeaif numérique deux -, par J’adjeaif
pbyfiqire’fx c iaù s , parla reUtiôn'bEiI^rMmeidé.
ligncii! ces deux mois, dtürammairt, S: -mr la relation
canlative iiu'.iir.ieê jiar ccsdiurcs mots, compc-
pofes par M. dit Mdrfaisf j^eB: qu’il' èïï poflible qu’-
une premiere idée déterminante, en réftraignant la
fignification du nom appeliatif, la iaiflfe encore dans
un état de généràlitéy quoique l’étendue n*cn foit
plus fi grande. Ainfi excellent ouvrages, cette expref-
fion préfente une idée ipoîpégén.éralëlquWriÿM,
puifque les médiocres & les 'maiivais font exclus ;
mais cette idée eft encore dans* un état de-généralité
fufceptible de reftriaib'n : excéllens ouvragés de
Grammaire, voilà une idée plus reftrainte,, puifijue
I exchifion eft donnée aux Ouvrages de ïncoiogie,
de Jurifprùdencèy fte’Morâlé, de Mathématique ,
&c, deux excellent ouvrages iU Grammaire ; cette idée
totale èft eneOrë plus* déterminée, niais elle eft encore
générale , malgré la précifion numérique, qui
ne fixe que la qcar.tiic des individus fans en fixer le
choix ; deux excellent ouvrages de Grammaire cômpofcs
par M. du Marfals, voici M e plus grande détermination
, qui exclut ceux rie Lancelot, dé Sancftiis, de
■ Scioppius, de Vollius, dé l’abbé Girard, de l’abbé
d'Olivet, &e. La détermination pourroit devenir
P^ê .gtande, & mêhiè individuelle, en ajoutant
quelque autre idée'à la comprèhenfion:, ou en ref-
traignant l’idée à quelque autre point de vue.