Tel ils s’en fervent pour peindre ; en le mêlant avec
de l’indigo, ils en font du verd.
Vorpiment étoit le feul arfenic que connuffent les
-anciens, il ne paroît point qu’ils enflent connoijf-
fance de l'arfenic que nous connoiffons dans diffé-
rens états. Comme a l'article Arseni'c dans le premier
volume de cet ouvrage on n’a donné qu’une
defeription très-incomplete de cette fubftançe ? nous
allons' tâcher d’y fuppléer & d’entrer dans quelques
détails fur une des fubftances les plus impprtantes
du régné minéral.
L’arfenic eft un demi-métal d’un gris luifant, à-
•peu près comme le f e r , mais compofé d’un amas
de lames ou de feuillets. Il perd fon éclat & fe noircit
à l’a ir , il fe diffout dans tous les diffolvans &
les liqueurs , il entre en fufion dans le feu , & il s’y
diffipe fous la forme d’une fumée blanche , épaiffe,
accompagrtée d’une pdeur d’ail très-forte ? c?eft fur-
tout à cette odeur que l’on peut reconnoître fa pré-
fence : c?eft un poifon très-violent.
On voit par ces propriétés de l’arfenic qu’il eft
Un vrai protée , qui à de certains égards , approche
de la nature des fels , tandis que par d’autres il a
des cara&eres qui conviennent aux métaux & aux
demi-niétàux, c?eft ce qu’on verra encore plus clairement
par les détails que nous donnerons de fes
effets. M. Brandt , favant chimifte fuédois , eft le
premier qui a fait voir que l’arfenic étoit un demi-
métal ; avant lui on ne favoit point dans quel rang
on devoit le placer. Voyez A ci a litteraria Upfalienjia
anni
L’arfènic fe trouve fous différentes formes dans
le fein de la'terre. Ie*. I l fe trouve tout pur, c’eft
ce qu’on nomme arfenic natif ; alors il n’eft combine
avec aucune autre fubftançe du genre minéral; on le
reconnoît à fa couleur grife, à la fumée blanche qu’il
répand dans le feu , & à fon odeur d’ail : cet arfenic
expofé au feu fe fublime entièrement fansjaiffer
aucun réfidu. On le trouve auffi tout pur fous la
forme d’pn cryftal blanc & tranfparént* femblable
à du verre blanc ; enfin on le trouve encore, tout
pur fous la forme d’une poudre blanche ou d’une
farine. ' *
2°. L ’arfenic fe trouve combiné avec du foufre,
& alors il eft ou jaune citron , ou d’un jaune orangé
, ou d’un rouge quelquefois aufîi v if que celui
d ’un rubis ; alors on le nomme arfenic ja u n e o r p i ment
, lifigallum ; fa couleur plus ou moins rouge
vient du plus ou du moins de foufre avec lequel il
eft combiné.' On a trouvé que l’arfenic d’un jaune
de citron pouvoit contenir un dixième de foufre *
& que l’arfenic rouge en contenoit un cinquième.
Wallerius donne le nom à’,orpiment à de l’arfenic
jaune , renfermé dans une pierre talqueufe ou par
feuillets comme le mica ; il paroît que cela ne change
point la pâture de, cette mine.
3°. L’arfenic fe trouve dans une pierre noire,
mêlée de bitume , que l ’on nomme pierre arfenicale,
il paroît qu’il y eft tout p u r , puifque cette pierre
cafleê eft luifante compte du plomb fraîchement
coupé. Les Allemands l ’appellentj&ege/zfte in , pierre
aux mouches, parce qu’on la pulvérife, on la mêle
avec de l’eau & du fucre , & on la met fur une af-
ïiette, & ces infe&es vont en manger , ce qui les
fait périr. C ’eft à cette mine d’arfenic que l’on
donne quelquefois le nom de cobalt écaille.ux, ou cobalt
teftad, parce qu’elle a la forme d’éçailles. En
général il faut obferver que les mineurs d’Allemagne
, peu exa&s dans leurs dénominations, donnent
le nom de cobalt à prefque toutes les mines d’arfenic.
4° . L’arfenic fe trouve dans la pyrite blanche,
que les Saxons nomment mifpikktL ou pyrite (trfeni-
ta le . Cette mine eft compofée d’un affemblage de
lames ou de feuillets blancs comme de l’étain,ou de
l ’argent. L’arfenic y eft combiné avec le fer & le
foufre.
5°. L’arfenic fe trouve dans une mine que les
Allemands appellent kupfernikkel, qui eft d’un rouge
femblable à celui du cuivre , & qpe l’on doit nommer
mine d'arfenic d'un rouge cuivreux.,
6°. Il fe trouve mêlé ou combiné avec de la terre
que l’on nomme terre arfenicale ; on peut la reconnoître
à la fumée qu’elle répand dans le feu ôc à fon
odeur d’ail.
Voilà les principales mines de I’arfenic mais
outre cela , il fe trouve dans un nombre infini de
mipes des autres métaux, & fur-tout dans les mines
d’argent, dans les mines de cuivre , dans les
mines de plomb , de fer 8t d’étain ; il joué aufîi-
bien que le foufre le principal rôle dans la minéra»
lifation des métaux, c’eft-à-dire qu’il leur fait prendre
des formes tout-à-fait étrangères.. C ’eft ainfi que
l’arfenic combiné avec de l’argent le change en
cryftaux rouges & tranfparens , que l’on nomme
ruine d'argent rouge. Il fait prendre à Tétain; l!ne
forme cryftallifée, voye^ Etain ; il change le plomb
en cryftaux blancs & verds , voyei Plqmb , d’oi*
l’on v.oit que l’arfeniç a la propriété de s’unir très-
intimement avec les fubftances métalliques ,,d e f-
qpelles on a beaucoup de peine de le dégager par
le grillage & par les travaux de la Métallurgie. Voye{
Mine , Minéralisation , Métallurgie.
L’arfenie eft très-yplatil, & il s’élève très-facilement
fous la forme de vapeurs dans les foijterreins
des mines ; ç ’eft à lui que font dues en partie les
effets funeftes des exhalaifons minérales. Voyt^ cet
article. Toutes ces propriétés de Tarfenic l’ont fait
regarder comme un générateur des métaux & comme
.un mercure coagulé. Le célébré Henckel dit
avoir obtenu de l’argent en traitant un mélange de
craie & d’arfenic. Les Alchimiftgs ont cherché la
pierre phüofophale dans cette fubftançe,. & lui ont
attribué des vertus tout-à-fait extraordinaires.
Pour féparer l’arfenic des fubftances auxquelles
il eft joint dans le fein de la terre , on calcine ces
fubftances dans unfourneau de réverbère, que Kun-
ckel a décrit le premier, & la fumée qui s’en éleve
eft reçue dans une cheminée horifontale , qui eft
faite de planches & foutenue par des piliers : cette
cheminée a quelquefois plufieurs centaines de piés
de longueur, on en peut voir la repréfentation dans
çelle des Planches de Minéralogie & de Métallurgie ,
qui repréfente le grillage du cobalt ; A B reprélente
la peripeélive du fourneau, Q montre fa coupe.
Par la calcination , l’arfenic fe dégage fous la
forme d’une fumée blanche épaiffe ; cette fumée eft
reçue dans la cheminée C D , ou dans le boyau ho-
rifonta}, aux parois duquel elle s’attache & fe con-
denfe fous la forme d’une farine légère» que des ouvriers
yont balayer & ramaffer lorfqu’il s’y en eft
accumulé une certaine quantité. Ces ouvriers entrent
dans la cheminée par des portes marquées
p. E E y que l’on tient fermées dans le teins que la
fumée arfenicale eft reçue : H montre la coupe de
cette cheminée ; les ouvriers ont la précaution de
fe mettre un linge devant le nez & la bouche lorf?
qu’ils vont balayer cette poudre, arfenicale, qui eft
une poifon très-fubtile.
Quand on a recueilli l’arfenic qui s’étoit amafle
dans la cheminée qui vient d’être décrite, on porte
cette poudre dans un autre attelier repréfenté au
bas de la même Planche. Là on a un fourneau , que
l ’on verra dans cette Planche aux lettres A & B ;
C C C font des capfules de tôle ou de fe r , dans lesquelles
on met l’arfenic en poudre , on place au-
deffus de ces capfules ou écuelles des tuyaux de
tôle ou de fer mince battu, marqués D D D j on
t'ouvie ceS tuyaux avec des calottes de fer Ê t qui
les ferment bien exàêlement, alors on fait aller le
feu , & l’arfenic fe fublime & s’attache dans, l’intérieur
de la calote foiis la fç>rme d’une maffe de
verre blanc & tranfparént, c’eft-là Ce qu’ôn appelle
arfenic cryjiallin,
Quand on veut faire de l’arfenic jaune où de
Y orpiment faélice * on joint à l’àrfenic en poudre environ
un dixième de foufre , que l’on mêle bien
exaélemerit avec lui, 6t l’on fublime ce mélangé qui
forme une maffe opaque & jaüne , qui n’eft jamais
d’une combinaifon auflï parfaite que celle de l’orpiment
naturel. Si on veut avoir de l’arfénic roiige,
on augmente la dofe de foufre, & l’on en mêle°un
cinquième avec l’arfenic en poudre pour le faire fu-
blimer. Mais pour que la combinaifon du foufre &
de l’arfenic fe faffe plus intimement, il fera bon de
faire fondre de nouveau ce qui fe fera fublime, alors
l’arfenic rouge deviendra tranfparént comme lin
rubis.
On voit par-là que i’arfenic a la propriété de fe
combiner avec le foufre ; il a auffi celle dé fe combiner
avec les métaux. Si on le joint avec du cuiv
r e , il formera un alliage blanc comme dé l’argent,
mais il rend le cuivre aigfe & caftant, & cet alliage
noircit à l’air ; l’arfenic rend l’or Si l’argent très-
caffant, mais il a fur- tout beaucoup de difpofition
à s’unir avec le fer ; il s’unit auffi avec le plomb,
mais il ne s’unit poinr avec le mercure. L ’arfenic
fondu avec le foufre &c le régule d’antimoine fait
une maffe vitrifiée , que l’on nomme aimant d.'arfenic
ou magnes arfenicalis , on lui donne auffi le nom
de lapis pyrmiefon ou lapis de tribus. Pour le faire,
on fond enfemble parties égales d’arfenic jaune ou
cl’orpiment, & d’antimoine crudqui contiennent l’un
& l’autre du foufre. On prétend que la maffe vitreufe
qui réfulte de cette opération, eft propre à décôm-
poferou à détruire les métaux. Cet aimant d’arfenic
eft un puiffant efearotique , il fait entrer en fuppu-
ration les bubons peftilentiels &c empêche leur propagation
, il entre dans l’emplâtre magnétique.
M. Meuder, médecin de Drefde , a fait un py-
fophore en fublimant enfemble parties égales d’arfenic
& de limaille de fe r , & en mêlant dix parties
de ce fublimé avec douze parties de vitriol de lune,
c ’eft-à-dire avec le fel qui réfulte de la combinaifon
de l’argent avec l’acide nitreux ; on triture ce
mélange fur un porphyre , &: on l’échauffe fur un
poêle ou de quelqu’autre maniéré , & il s’enflamme
lur le champ. Foye^ la Pyritologie de Henckel, chapitre
x.
Pour effayer fi une fubftançe contient de l’arfenic
, il n’y aura qu*à la mettre dans une cornue de
terre au fourneau de réverbere; on donnera le feu
par degrés, & il paffera dans le récipient des fleurs
ou une poudre blanche qui n’eft autre chofe qu’une
chaux d’arfenic ; on trouvera dans le cul de la cornue
une poudré grife, qui eft une chaux d ’arfenic
qui n’eft point encore entièrement privée de fon
phlogiftique ; enfin on y trouve auffi du régule
d’arfenic en forme de cryftaux prifmatiques , dont
les angles font arrondis.
La chaux d’arfenic eft extrêmement volatile, ellé
fe fublime à une chaleur médiocre , & forme des
cryftaux qui font folubles dans l’eau. Pour réduire
la chaux d’arfenic & lui rendre l’état de régule, on
n aura qu’à mêler enfemble parties égales de chaux
d arfenic & de favon noir, & la moitié d’alkali fixe,
.On mettra le fout dans un creufet fermé d’un Couvercle,
au milieu duquel il y aura un petit troü , on
lutera bien ce couvercle avec de la terre glaife, lé
régulé d arfenic fe fublimera fur le couvercle du
creufet.
Quand on veut effayer une mine d’arfeiiic dans
Tome X f
uh vaiffeâu ouvert, on liii joint de la îiniaiilé dfe fer
pour fervir d’intermedé ; alors l’arfenic S’unit ait
^ ^ réfifte au feu le plus violent fans fe volà-
tihfer.
Pour feparer le foufre de l’àrfenic dans Vorpiment'.
Dn n a que le triturer avec du mercure , & enfuité
on met ce mélangé en fublimation, l’arfenic fé leve
tout fe u l, &c le foufre uni avec lé mercure fe fu-i
blime enfuite , & forme du eihnabre au-deffôus dé
1 arfenic qui s’étoit fublimé.
Le régule d’arfenic détone avec le ni'tre , il s’unit
avec la bafe de ce fe l, & forme ce qu’on appelle
l arfenic fxé.^ Dans cette détonation , le nitre fë
gonfle , Sc il en part une flamme claire ôc très-
blanche , mais la chaux d’arfenic ne détone & né
s embrafe point avec le nitre. Si l’on broie enfemble
deux parties de chaux d’arfenic & une partie
de nitre dans un mortier de verre ou de marbre 5c
qu on mette ce mélange en diftillation dans une cor-»
nue de terre ou de grais, à laquelle on adaptera
un ballon, on aura un acide nitreux de couleur
bleue, dont les vapeurs briferoient les vaiffeauxavec
explofion, fi les jointures étoient bien bouchées;
Çette couleur bleue difparoît très promptement à
la ir . Le célébré Sthal croit qu’elle eft due à une
portion de cobalt, qui étoit uni à l ’arfenic. Il s’agi-
roit d obferver fi la meme chofe arriverôit avec de-
1 arfenic qui n’auroit été Uni avec aucune portion
de cobalt, comme il y en beaucoup; & M. Rouelle,
à qui ces obfervations font dues , remarque avec
raifon que la couleur bleue peut aufîi venir du fer
& du cuivre.
L’arfenic combiné avec l’acide du fei marin forme
ce qu’on appelle le beurre d'arfenic ; c ’eft uné
liqueur extrêmement volatile , & qui fe diflipe à
1 air fous la forme d’une fumée : il faut pour cela
que l’acide du fel marin foit très-concentré.
En mêlant enfemble deux parties de chaux vive *
& une partie d’orpiment., 6c en verfant par-deffus
cinq ou fix parties d’eau bouillante, il fe fait une
effervefcCnce ; lorfqu’elle fera finie , on remuera le
mélange, on le laiffera repofer, on décantera en-
fuite la liqueur claire quiiurnagera, & l’on aura ce
qu on appelle le foie de foufre arfénical, ou l’encre dé
fympathie. La vapeur feule de cette liqueur fait pa-
roître en.noir les cara&eres qui ont été tracés avec
une diffolution de fel de Saturne. Cette liqueur s’appelle
auffi liquor vint probatorius, parce qu’elle peut
fervir à découvrir fi du vin a été frelaté ou adouci
avec de la litharge ou avec du^plomb ; car en y verfant
de cette encre de fympathie, le vin noircira;
fur le champ pour peu qu’il contienne de plomb;.
\Yorpiment mêlé avec delà chaux viveeftun dé-*
pilatoire, c’eft-à-dire, que ce mélange fait tomber
les poils du corps ; mais il faut avoijr foin de ne pas
le laiffer féjourner trop long tems, de peur qu’il
n’endommage la peau*
Nous avons déjà fuffifamment averti que l’arfenic,
fous quelque forme qu’il fe trouve, eft un poifon
tres-vif; fa grande volatilité fait que l’on ne doit
jamais le traiter qu’avec la plus grande précaution ;
& l’on doit toujours fe défier même dé fon ufage extérieur.
Les Peintres qui employeur l’ôrpimerit en font
fouvent très-incommodés. Quelques gens avoient
propofé une préparation d’arfenic comme un rème-
de extérieur pour la guérifon du cancer ; mais M.
Rouelle rejette cet ufage comme dangereux. Rien
n’eft donc plus téméraire que de donner fous quelque
prétexte que ce foit, l’arfénic intérieurement j
la moindre quantité eft infiniment dangereufe* En
effet, c’eft un violent corrofif d’un goût acerbe 8é
aiiftére ; ceüx qui ont été enipoifonnés par de l’arfé^
nie , éprouvent d’abofd de grandés envies de ve-»
1 1 8 p 1