760 P A I
l ü
|>hommage que le comte de Flandre rendoit au roi ;
ce prince s’afloyoit dans fa chaife ro ya le, il étoit
autrefois accompagné des pairs de France, 6>C depuis
<le tels que bon lui fembloit; le comte marchoit
vers lui la tête nue & déceint, & fe mettoit un ge-
*nou enterre fi le, roi le permettoit ; le roi aflis mettoit
fes mains en celles du comte, & le chancelier,
ou autre que le roi, à ces fins ordonnoit, s’adreflant
au comte lui parloit de cette forte ; « Vous devenez
» homme lige du roi votre fouverain feigneur, pour
» raifon de la pairie & comté de Flandre , & de tout
» ce que vous levez & tenez de la couronne de Fran-
» c e , & lu i promettez foi & hommage, 6c fervice
■ » contre tous jufqu’à la mort inclufivement, fauf au
» roi fes droits en autre chofe, & l’autrui en toutes »i
Le comte répondoit, oui jire,je le promets. Ainfi cela
dit il fe le voit 6c baifoit le roi en la joue ; le comte
ne donnoit rien pour relief, mais les hérauts & fer-
cens à marche du roi butinoient la robe du comte,
ion chapeau 6c bonet, fa ceinture, fa bourfe , fon
ép é e, &c.
On doit fur-tout voir le procès-verbal de l’hommage
fait à Louis XII. en 1 4 9 9 par Philippe , archiduc
d’Autriche , pour fon comté de Flandre ; l’archiduc
vint jufqu’à Arras, oh le chancelier de France
vint pour recevoir fon hommage. Le chancelier
étant aflis dans une chaife à bras, l’archiduc nue tête
fe préfente à lui difant : «Monfeigneur, je fuis venu
»deversvous pour faire l’hommage que tenu fuis
» faire à monfeigneur le roi touchant mes pairies de
» Flandre, comtés d’Artois 6c de Charolois, lefquel-
» les tiens de monfeigneur le roi à caufe de fa couronne ».
M. le chancelier aflis 6c couvert lui demanda, s’il
avoit ceinture , bague ou autre bague ; l’archiduc
en levant fa robe qui étoit fans ceinture, dit que
non. Cela fait, M. le chancelier mit les deux mains
entre les fiennes , 6c les tenant ainfi jointes, l’archiduc
voulut s’incliner, le chancelier ne le voulant
fouffrir, 6c le foulevant par fes mains qu’il tenoit, lui
dit ces mots : il faffit de votre bon vouloir ; puis M. le
chancelier lui tenant toujours les mains jointes, 6c
l’archiduc ayant la tête nue,&s’efforçant toujours de
fe mettre à genoux, le chancelier lui dit: « Vous de-
» venez homme du roi votre fouverain feigneur, &
» lui faites foi & hommage lige pour raifon des pai-
» rie & comté de Flandre & aufli des comtés d’Artois
» & de Charolois, 6c de toutes autres terres que te-
» nez 6c qui font mouvans 6c tenus du roi à caufe de
»> fa couronne, lui promettez de le fervir jufqu’à la
» mort inclufivement, envers & contre tous ceux
» qui peuvent vivre 6c mourir fans nul réferver, de
» procurer fon bien & éviter fon dommage, & vous
» conduire 6c acquitter envers lui comme envers
» votre fouverain feigneur ». A quoi fut par l’archiduc
répondu : « Par ma foi ainfi le promets & ainfi
» le ferai». Enfuite M. le chancelier lui dit: « Je vous
>» y reçois, fauf le droit du roi en autre chofe 6c l’au-
» trui en toutes » ; puis l’archiduc tendit la joue en
laquelle M. le chancelier le baifa, 6c il demanda à M.
le chancelier lettres de cet hommage.
Réception des Pairs. Depuis l’arrêt du 30 A vril
1643 , qui fut rendu les chambres aflemblées , pour
être reçu en l’office de pair, il faut être âgé au-mo.ins
dë25ans.
Il faut aufli faire profeflion de la foi 6c religion catholique,
apoftolique & romaine.
Un eccléfiaftique peut pofleder une pairie laïque,
mais un religieux ne peut être pair.
On voit dans les regiftres du parlement, fous la
date du 1 x Septembre 1557, que les grand-chambre
& tournelle aflemblées firent difficulté de recevoir
l’évêque de Laon pair de France, parce qu’il avoit
fait profeflion monaftique en l’ordre de faint Benoît',
j i fut néanmoins reçu luivant que le roi le defiroit.
P A I
Le nouveau pair n’eft reçu qu’après information-
de fes vie 6c moeurs.
Il eft reçu par la grand-chambre feule ; mais lorfqu’il
s’agit d’enregiltrer des lettres d’éreftion d’une
nouvelle pairie, elles doivent être vérifiées toutes
les chambres aflemblées.
Le récipiendaire eft obligé de quitter fon épée
pour prêter ferment ; il la remet entre les mains du
premier huiflier, lequel la lui remet après la prêta-
tion de ferment.
Serment des Pairs. Il paroit qu’anciennement le
ferment des pairs n’étoit que conditionnel, & relatif
aux engagemens réciproques du feigneur & du vaf-
fal. En effet dans un traite fait au mois d’Avril 1225,
entre le roi faint Louis & Ferrand, comte de Flandre
, cë comte promet au roi de lui être fidelé tant
que le roi lui fera droit en fa cour par jugement de
fes pairs , quandiu dominus rex velit facere nobis jus in
curia fuâ per judicium parium noflrorum ; mais il y a
apparence qu’à mefure qu’on eft venu plus éclairé,
on a fenti qu’il ne convenoit pas à un fujet d’appofer
une telle reftriftion vis-à-vis de fon fouverain. On
trouve des exemples du ferment des pairs dès l’an
1407, dans les regiftres du parlement, oh il eft d i t ,
que le 9 Septembre de ladite année, Jean duc de
Bourgogne, prêta ferment comme pair. La forme du
ferment qu’ils prêtoient autrefois au parlement, eft
exprimée dans celui qu’y fit Charles‘de Genlis, évêque
6c comte de N oyon, le 16 Janvier 1502 ; il eft
dit qu’il a fait avec la cour de céans le ferment qu’il
eft tenu de faire à caufe de fa dignité de pair, à fa-
voir de s’acquitter en fa confcience ès jugemens des
procès oh il fe trouvera en ladite cour fans exception
de perfonne, ni révéler les fecrets de ladite
cou r, obéir 6c porter honneur à icelle.
Pierre de Gondy, évêque 6c duc de Langres,
prêta ferment le 13 Août 1566 ; mais les regiftres
du parlement difent feulement, que la main mife au
pis ( id ejl adpeclus comme eccléfiaftique), il a fait 6c
prêté le ferment accoutumé de pair de France.
Pendant long-tems la plupart des pairs ont prêté
ferment comme confeillers de la cour. François de
Bourbon, roi de N avare, dit qu’il étoit confeiller ni
au parlement.
Ce ne fut que du tems de M. le premier préfident
de Harlay que l’on établit une formule particulière
pour le ferment des pairs".
Jufqu’au tems de M. de Harlay, premier préfident,
il y a la moitié des fermens des pairs qui font conçus
dans les mêmes termes que ceux des confeillers.
Préfentement ils jurent de fe comporter comme
un fage 6c magnanime duc 6c pair, d’être fidele au
ro i, oc de le fervir dans fes très-hautes & très-puif*
fantes affaires.
11$ prêtent ferment derrière le premier barreau
après avoir ôté leur épée , qui refte pendant cette
cérémonie entre les mains du premier huiflier.
Préfentaiion des rofes. Anciennement les pairs pré-
fentoient chacun en leur rang des rofes 6c chapeaux
àMrs du parlement; cette préfentation fe faifoit
dans les mois de Mai 6c de Juin ; chaque pair avoit
fon jour pour cette cérémonie fuivant fon ancienneté.
Il eft fait mention de cespréfentations de rofes
dans les regiftres du parlement jufqu’en 1586. Vnye^
aufli le Recueil du pere Anfelme, tom. I I I .p . âxS. &
m û
Fonctions des pairs. Les pairs de France ont ete
créés pour foutenir la couronne , comme les électeurs
furent établis pour le foutien de l’empire ; c’eft
ainfi que le procureur général-s’en expliqua les 19
6c 26 Février 1410, en la caufe des archevêque 6c
archidiacre de Reims.
Aufli dans une caufe plaidée au parlement contre
l’évêque de Châlons le 3 Février-1364, le procu~„
P A I
reur général dit que , « plus les pairs dr France font
» près du roi ,&plus ils font grands deffous lui de tant
» ils font tenus & plus aftraint.ç de garder les droits 6c
?> l’honneur de leur roi 6c de la couronne de France,
» 6c de ce ils font ferment de fidélité plus efpéciale
» que les autres fujets du roi ; & s’ils font ou.attentent
» à.faire au contraire, de tant font-ils plus à punir ».
Au facre du roi les pairs font une fonttion royale,
ils y repréfentent la monarchie , 6c y paroiflenf
avec l’habit royal 6c fa couronne en tê te , ils fou-
tiennent tous enfemble la couronne du roi 6c ce-
font eux qui reçoivent le ferment qu’il fait d’être le
protetteur de l’Eglife 6c de fes droits , 6c de tout
Ion peqple. Boulainv. tome I. en a même confervé
dans cetfte-eéréinonie, fuivant l’ancien ufage la
forme 6c les termes d’une élettion, ainfi qu’on le
peut voir dans du T illet ; mais aufli;tôt après cette
a£rion 1 es pairs rentrent dans le devoir de véritables
fujets ; enforte que leur fon&ion au facre eft plus
élevée que celle des électeurs , lefquels font Amplement
la fonûion de fujets au couronnement de l’empereur.
Boulainv.
Outre ces fondions qui font communes à tous les
pairs, ils en ont encore chacun de particulières au
facre.
L’archevêque de Reims a la prérogative d’oindre,
facrer, & couronner le roi ; ce privilège a été .confirmé
aux archevêques de Reims par le pape Sylve-
ftre II. 6c par Alexandre III. l’evèque de Laon &
celui de Beauvais accompagnent l’archevêque de
Reims lorfqu’il va recevoir la majefté à la porte de
l’églife la veille de la cérémonie ; & le lendemain
ces deux évêques font toujours députés, l’un comme
duc, 6c l’autre comme premier comte eccléfiaftique,
pour aller quérir le roi au palais archiépifcopal, fe
lever de defiïis fon lit & l’amener à l’églife, enfin
d’accompagner fa majefté dans toute la .cérémonie
de l’onfrion facrée ; 6c dans la cérémonie l’évêque
de Laon porte la fainte ampoule, celui de Langres
le feeptre, & il a la prérogative de facrer le roi en
l ’abfence de l’archeveque de Reims ; celui de Beauvais
porte & préfente le manteau royal; l’évêque de
Châlons porte l’anneau royal ; l’évêque de Noyon
la ceinture ou baudrier. Les fix anciens pairs laïcs
font repréfentés dans cette cérémonies par d’autres
pairs que le roi commet à cet effet; le duc de Bourgogne
porte la couronne royale & ceint l’épée au
ro i; le duc de Guyenne porte la première bannière
quarrée; le duc de Normandie porte la fécondé ; le
comte de Touloufe les éperons ; le comte de Champagne
la bannière royale oh eft l’étendart de la
guerre ; le comte de Flandres l’épée du roi.
Anciennement les pairs étoient appellés aux a£les
publics de leur feigneur pour les rendre plus authentiques
par leur foufeription, 6c c’étoit comme pairs
de fief, & comme gardiens du droit des fiefs que
leur préfence y étoit requife, afin que le feigneur ne
le diflipât point ; tellement que pour rendre valable
une aliénation, un feigneur empruntoit quelquefois
des pairs d’un autre feigneur pour l’aflifter en cette
occafion.
Le roi faifoit de même figner des chartes & ordonnances
par fes pairs, foit pour les rendre plus authent
iq u e s , foit pour avoir leur confentement aux dif-
pofitions qu’il faifoit de fon domaine, &auxrégle-
mens qu’il faifoit, lprfque fon intention étoit que
ces réglemens euflent aufli leur exécution dans les
terres de fes barons ou pairs.
Ce fiit fans doute par une fuite de cet ancien
ufage, qu’au traité d’Arras en 1482, l’empereur Maximilien
demanda à Louis XI. pour garantie de ce
traité l’engagement des princes du fang, fubrogés,
eft-il d it, au lieu des pairs..
Les pairs font aufli près du roi lorfqu’il tient fes
états généraux.
P A I 761
Mais là principale caufe pour laquelle les pairs de
France ont été. inftitués, a été pour aflïfter le roi de
leurs confeils dans fes affaires les plus difficiles, &
pour lui aider à rendre la juftice dans fa cou r, de
meme que les autres/>*/>* de fiefs y étoient obligés
envers leur feigneur : les pairs de France étoient juges
naturels des nobles du royaume en toutes leurs
caules reelles oc perfonnelles.
.Charles V.daps.des lettres de 13 59 portant ére-
ftion du comte de Maçon en pairie, adconfiUum &
juramentum rapublioe dabiuim pares qui ngni Fmn. *
a am ardu,s confins& judidis affifirint 6 flatuerint.
-, en general étoient obligés déjuger
dans la cou# du feigneur, fous peine de faifie dé
leurs fiefs, & d etabliffement de garde, f i ainfi n’étoit
(difent les alfifes de Jérufalem ) Ufiigneur ntpourroit
tour tenir etlU comme il. doit, ne les,gens avoir leur
raifon, &c.
Ces pairs de fiefetoient les juges du feigneur ; il
en lalloit au.!® ns deux avec lui pour juger, Henaut.
C eft peut-être de-là que quand le parlement eut été
rendu fedeiita!re.à. Paris ,v& quefe roi eut commis
dssgensdeloipourtemrordinairementleparlement,
il fut neanmoins ordonné qu’il y auroit toujours au
moins deux barons ou pairs au parlement.
I A Perfonne, dit Beaumanoir, pour tel fervice qu’il
n excufe de faire jugement en la cour ; mais
s il avoit loyale exoine, il pouvôit envoyer un homme
qui, félon fon état, pût le repréfenter.
? Mais ce que dit ici Beaumanoir des pairs de fief,
n a jamais eu lieu pour les pairs de France , lefquels
ne peuvent envoyer perfonne pour les repréfenter ,
ni pour fiéger & opiner en leur p lace, ainfi qu’il fût
déclaré dans un arrêt du parlement du 20 Avril
1 4 5 8 .
i Séance au parlement. Les pairs étant les plus anciens
6c les principaux membres de la cour , ont entree
, feance & voix deliberative enlagrand’chambre
du parlement 6c aux chambres aflemblées, toutes les
fois qu ils jugent à propos d’y venir, n’ayant pas be-
foin pour cela de convocation ni d’invitation.
La place des pairs aux audiences de la grand’cham-
bre eft fur les hauts fieges,*à la droite du premier préfident;
les princes occupent les premieres places;
après eux font les eccléfiaftiques, enfuite les pairs
laïcs, fuivant l’ordre de l’éreftion de leurs pairies.
Lorfque le premier banc ne fuffit pas pour contenir
tous les pairs, on forme pour eux un fécond rang
avec des banquettes couvertes de fleurs-de-lis.
^ Le doyen des coqfeillers laïcs, ou autre plus ancien,
en fon abfence, doit être aflis fur le premier banc
Aes pairs , pour marquer l’égalité de leurs fondrions ;
le fiirplus des confeillers laïcs fe place après le dernier
des pairs laïcs.
Lorfque la cour eft au confeil, ou que les chambres
font aflemblées, les pairs font fur Les bas fiéges.
Aux Ihs de juftice, les pairs laïcs précédent les
évêques pairs ; les laïcs ont la droite : les eccléfiaftiques
furent obligés au lit de juftice de 1610 , de la
laiffer aux laïcs. M. de Boulainv. croit que cela vient
de ce^ que les laïcs avoient entrée aux grandes af-
fembleës avant que les évêques y fiiffent admis.
Aux féances ordinaires du parlement, les pairs n’opinent
qu’après les préfidens & les confeillers clercs,
mais aux lits de juftice ils opinent les premiers.
Autrefois les pairs quittoient leur épée pour entrer
au parlement ; ce ne fut qu’en 1551 qu’ils commencèrent
à en ufer autrement malgré les remontrances
du parlement, qui repréfenta au roi que de
toute antiquité cela étoit refervé au roi feul, en ligne
de fpéciale prérogative de fa,dignité royale, & que
le feu roi François I. étant dauphin, 6c meflire Charles
de Bourbon y étoient venus laiffant leur épée à la
porte. Poyt{ le préfident Henaut, à l'an iSJi* [ .