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cialement en Ton domaine , les barons ne laiffoient
pas d’en ufer en leurs terres , félon les anciennes
coutumes ; mais que quand l’établiffement étoit général,
ildevoit avoir cours par-tout le royaume ;
& nous devons croire , dit-il, que tel etabiiflement
étoit fait par très-grand confeil, & pour le commun
profit. RH , ( •
Les feigneurs barons s’ingeroient alors de taire
aufli des établiffemens où ordonnantsAans\.m<si*ï -
maines , ce qui étoit un attentat à l'autorité royale,
lequel fut depuis réprimé. . .
La première ordonnance que l’on trouve, intitulée
ètablijj'ement, eft celle de Philippe Augufte,du premier
Mai 12.09. Il n’y a cependant pas dans le corps de a
piece la qualification de fiabilimentum , comme elle
fe trouve dans plufieurs autres femblables etabliüe-
mens : il eft dit en tête de celui-ci, qqe lé duc de
Bourgogne, lés comtes de Nevers , de Boulogne &
de S . Pol , le feigneur de Dampierre, & plufieurs
autres grands du royaume de France , font convenus
unanimement, & ont confirmé par un confentement
public, qu’à l’avenir on en uferoit pour les
fiefs, fuivant ce qui eft porté enfuite ; ce qui feroit
croire que les établiffemens étoient des ordonnances
conteftées avec les barons, & pour avoir lieu dans
leurs terres y aufli bien que dans celle du domaine. ^
Cependant le roi faifoit aufli des ordonnances qui
n’avôient lieu que dans fon domaine, & qu’il ne
laiffôif pas de qualifier d’établiflément,ce qui fe trouve
conforme à la diftinélion de Beaumanoir.
C ’eft ainfi que Philippe-Augufte fit, en Mars 12 14,
une ordonnance touchant les Groifes , qui eft intitulée
fiabilimentum cruce (ignatorum, dans le fécond re-
giftre de Philippe* Augufte , qui eft^ au tréfor des
Chartres ; &|néanmoins dans le premier regiftre il y
a d’autres lettres touchant les Croifés, qui font intitulées
carta. ,
On remarque feulement dans cet etabiiflement ;
que le roi y annonce,que du confentement du lég
a t, il s’eft fait informer par les évêques de Paris &
de Soifl’ons de quelle manière la fainte Eglife avoit
coutume de défendre les libertés des Croifés, &
qu’information faite pour le bien de la paix entre le
facerdoce & l’empire, jufqu’au concile qui devoit
fe tenir inceffamment, ils avoient arrête que l’on
obferveroit les articles qui font enfuite détaillés à la
fin de cet article ; le roi ordonne qu’ils feront obfer-
vés dans tout fon domainé jùfqu’au concile ; mais il
a foin de mettre , que c’eft fans préjudice des coutumes
de la fainte Eglife, du droit & des coutumes du
royaume de France, & de l ’autorité^ de la fainte
Eglife romaine : on voit par-là qu’il n’avôit pas fait
tout feul ce réglement ; qu’il n’avoit fait qu’adopter
ce qui avoit éfé réglé par le légat & par deux évêques
, & c’eft apparemment pour cela qu’il le nomme
établiffement.
Son ordonnance du mois de Février 1118 touchant
les Juifs , eft qualifiée par lui de conftitutiôn : elle
commence par cès mots hoec ejl confiitutio ; ainfi,
foute ordonnance n’étoit pas qualifiée d'étàblijfe-
ment. g #
On a encore de ce prince deux etabhflemens fans
date * l’un intitulé fiabilimentum, qui eft rédigé dans
le goût des capitulaires : en effet, il commence par
ces mots prirnum cdpitüliim efi, & enfuite fecündum
capitulum , & ainfi dès autres : chaque capitule con-
fient une demande faite au ro i, laquelle eft fuivie
de la réponfe ; celle qui eft faite au premier article,
eft conçue en cette forme : refponfio; in hoc concordait
Juht rex & barones. Les autres réponfes contiennent
les accofds faits avec le clergé : cé concbrdat ne
doit pourtant pas être confidéré comme une fimple
convention, parce que le ro i, en fe prêtant à ce
concordat, lui donnoit force de loi;
ORD
L’autre établiffement, qui eft la derniere otden.
nance que l ’on rapporte de Philippe-Augufte, commence
par ces mots, hoc efi fiabilimentum quod rexfacit
judoeis. Celui-ci eft fait par le ro i, du confentement
de la comteffe de Troyes & de Guy de Dampierre;
& il eft dit à la fin, qu’il ne durera que jufqu’à ce
que le roi,.ces deux feigneurs , & les autres barons
, dont le roi prendra l’avis , le jugeront à-
propos.
Ce que l’on vient de remarquer fur ces deux derniers
établiffemens, confirme bien que l’on ne donnoit
ce nom qu’aux réglemens qui étoient faits de
concert avec quelques autres perfonnes, & principalement
lorfque c’étoit avec d’autres feigneurs, &
pour que l'ordonnance eût lieu dans leurs domaines.
Les hiftoriens font mention de plufieurs autres
ordonnances de Philippe-Augufte ; mais que l’on n’a
pu recouvrer ; 6c il eft probable que dans ces tems
tumultueux, où l’on étoit peu verfé dans les lettres,
& où l’on n’avoit point encore penfé à mettre les ordonnances
dans un dépôt ftable , il s’en eft perdu un
grand nombre.
Ce fait eft d’autant plus probable , cpie l’on fait
qu’en 1 19 4 , Philippe-Augufte ayant été furpris près
de Blois par Richard IV. roi d’Angleterre & duc de
Normandie, avec lequel il étoit en guerre, il y perdit
tout fon équipage, les feels, Chartres, & beaucoup
de titres & papiers de la couronne.
Quelques auteurs néanmoins du nombre defquels
eft M. Bruffel (ufage des fiefs) , tiennent que les An-
glois n’emporterent point de regiftres, ni de titres
confidérables ; qu’on ne perdit que quelques pièces
détachées.
Mais il eft toujours certain, fuivant Guillaume
Brito , que cette perte fut très-grande , & que dans
le grand nombre de Chartres qui furent perdues, il y
avoit fans doute plufieurs ordonnances, ou comme
on difoit alors, établiffemens. Le roi donna ordre de
réparer cette perte, & chargea de ce foin frere Gautier
ou Guérin , religieux de l’ordre de faint Jean de
Jerufalem, évêque de Senlis, lequel étoit aufli garde
des fceaux fous Philippe-Augufte,& fut enfuite chancelier
fous LouisVIII. & faint Louis. Guérin recueillit
tout ce qu’il put trouver de copies des Chartres ,
& rétablit le furplus de mémoire le mieux qu’il put :
il fut féfolu de mettre ce qui reftoit, & ce qui feroit
recueilli à l’avenir en un lieu où ils ne fuffent point
expofés \ tant de hafards ; & Paris fut choifi, comme
la ville capitale du royaume pour la conferva-
tion de ces titres ; & il eft à croire que les plus anciens
furent enlevés par les Anglois , puifqu’il ne fe
trouve rien au tréfor des Chartres, que depuis le roi
Louis le Jeune, dont la première ordonnance eft de
l’an 1145. '
Tellè fut l’origine du tréfor des Chartres, dans lequel
une partie des ordonnances de la troifieme race
le trouve confervée tant dans les deux regiftres du
tems de Philippe-Augufte, que dans d’autres pièces
qui font dans ce dépôt.
Il y en à néanmoins cinq ou fix qui font antérieures
à ces regiftres , qui ont été tirées de divers autres
dépôts , comme de quelques monafteres, &une
de 1137 tirée de la chambre des comptes.
Nous n’avons de Louis VIII. que deux ordonnances.
' <"*-»• _•
L’une de l’an 1113 , touchant les Juifs , dans le
préambule de laquelle il dit * fecimus fiabilimentiirii
fuper Judcèos; & Un peu plus loin, fiabilimentum au-
tem talé èfi, c’eft encore un concordat fait avec divers
feighéurS, qui font dénommés dans le préambule
, tant archevêques qu’évêques , comtes, barons
& chevaliers militum , lefquels > eft-il d it, ont
juré d’obferver cet établiffement»
ORD
L’autre,. qui eft de l’année fuivante , concernant
des mauvaifes coutumes de la ville de Bourges, qui
âvoiént été abolies, fait mention d’une ordonnance
de Philippe-Augufte, qu’il qualifie in litteris fuis.
Louis VIII. ne défigne point celle-ci par le terme de
fiabilimentum ; mais il met à la fin la claufe ordinaire
ut autem hoec omnia ftabUitatis robur obtineant, proe-
fatarn paginant figilli nofiri autoritate , &c. C ’eft le
prince qui ordonne feul de l’avis toutefois de fon
confeil , magno noftrorurn & prudentium confilio.
5 . Louis , dans fon ordonnance de 1228 , fe fert
tantôt du terme ordinamus, & tantôt de ceux de fia-
tuimus ou mandamus.
Dans celle de 1230 , il dit flatuimus, & plus loin,
hoec fiatutà faciamus fervari ; 6c vers la fin il ajoute
hoec voluimus & juravimus. Cette ordonnancée^. faite
par le roi , de fincerâ voluntate nofirâ & de commuai
confilio baronum : le roi ordonne tant pour fes domaines
que pour les barons ; cette ordonnance n’eft
pourtant pas qualifiée à'ètablijfement : les réglemens
qu’elle contient ne font qualifiés que de fiatuts; mais
le roi déclare qu’il veut qu’elle toit gardée par fes
héritiers , & par fës barons & leurs héritiers, & l'ordonnance
eft lignée par fept barons différens, lefquels
mettent chacun ego.. T. . . eadem volui , conj'u-
lui & juravi.
Son ordonnance de 1230 commence par anno domine
infiitutum efi à Ludovico, &c. Le premier article
porte" feiendum efi , & les fuivans commencent par
proeceptum efi.
Celle qu’il fit en 1235 commence par ordinatum
fuit : il y a lieu de croire qu’elle fut faite dans un
parlement, attendu que cette forme annonce un
procès-verbal plutôt que des lettres du prince.
Mais ce qui mérite plus d’être remarqué, c’eft
que les lettres ou ordonnances de ce prince du mois
de Juin 1248, par lefquelles il laiffe la régence à la
reine fa mere pendant fon abfence , font émanées de
lui feul.
On en rapporte une autre faite par ce prince en
1245 > avec traduâion françoife à côté ; le tout
eft tiré d’une ordonnance du roi Jean, où celle-ci eft
rapportée, & la traduâion paroît être du tems de
S. Louis, tant l’ouvrage en eft barbare.
Ses lettres du mois d’Avril 1250, contenant plufieurs
réglemens pour le Languedoc , font proprement
un referit : en effet, il s’y exprime en ces termes,
cônfultationibusvefiris duximusrefpondendum tali-
ter, & ailleurs on trouve encore le terme de refpon-
dimus.
U ordonnance qu’il fit en 1254 pour la réforma-
tion des moeurs dans le Languedoc, & dans le Lan-
guedoil, eft intitulée dans les conciles de la Gaule
narbonôife de M. Baluze , hoecfiabilimenta per domi-
num regèm Francioe , &c. Au commencement de la
piece faint Louis dit fubfcripta duximus ordinanda ;
& plilS loin , en parlant d’une ordonnance qui avoit
été faite pour lès Juifs , il la qualifie à'ordinationem.
Dans une autre, du mois de Février de la même
année , il dit ordinavimus, & ailleurs ordinamus &
priécipimus ; & à la fin , enjoint de mettre cette ordonnance
avec les autres, inter alias ordinationesproe-
diclas confcribi volumus , ce qui fait connoître qu’il
y avoit dès-lors un livre où l’on tranferivoit toutes
les ordonnances.
Il en fit une françoife en 1256 pour l’utilité du
royaume $ laquelle commence par ces mots : Nous
etablijjbns qut, &c. Ces termes font encore répétés
dans un autre endroit ; & ailleurs il dit : nous voulons
, nous commandons, nous défendons ; celle-ci
ne paroît qu’une traduâion de celle de 1254, avec
neanmoins quelques changemens & modifications ;
mais ce qui eft certain, c’eft que le texte de cette ordonnance
françoife n’a point été oompofé tel qu’il
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eft rapporté, le langage françois que l’on parloit du
tems de faint Louis étant prefque inintelligible aujourd’hui
fans le fecours d’un gloffaire.
} Quoique faint Louis fe fervît volontiers du terme
d etabliJfemcnt, ce ftyle'n’étoit pourtant pas uniforme
pour toutes les ordonnances ; car celle qu’il fit dans
la meme annee touchant les maines, commence
par nous ordonnons , & ce terme y eft répété à chaque
article.
De même, dans celle qu’il fit touchant l’éleaion
des maires de Normandie, il commence par ces
mots , nos ordinavimus, & à chaque article il dit
n'os ordinamus.
On s’exprimoit fouvent encore autrement, par
exemple * l’ordonnance que faint Louis fit en 1262
pour les monnoies, commence ainfi, il eft égardé,
comme qui diroit on aura egard ou attention de ne
pas faire telle chofe : ce réglement avoit pourtant
bien le carattere d’ordonnance, car il eft dit à la fin
facla fuit hoec ordinatio, &c.
Un autre réglement qu’il fit en 1265, auAi touchant
les monnoies, commence par l'attirement que
le roi a fait des monnoies efi tiex (tel) ; on entendoit
par attirement une ordonnance par laquelle le roi
attiroit à fes hôtels les monnoies à refondre ou à
réformer, ou plûtôt par laquelle il remettoit ou
attiroit les monnoies affoiblies à leur jufte valeur:
peut-être attirement fe difoic-il par corruption pour
attitrement, comme qui diroit un réglement qui met-
toit les monnoies à leur jufte titre ; & ce qui jufti-
fie bien que cet attirement étoit une ordonnance,
c’eft que le roi l’a qualifié lui-même ainfi. Il veut
& commande que cet ordennement foit tenu dans
toute fa terre & es terres de ceux qui n’ont point
de propre monnoie, &c même dans les terres de
ceux qui ont propre monnoie, fauf l’exception qui
eft marquée, &c il veut que cet attirement foit
ainfi tenu par tout fon royaume.
Il fit encore dans la même année une ordonnance
pour la cour des efterlins, laquelle commence
par ces mots, il eft ordonne, & à la fin il eft d i t ,
facla fuit hoec ordinatio in parlamento, &c.
Quand le roi donnoit un fimple mandement, on
ne le qualifioit que de lettres, quoiqu’il contînt quel-
qu’injonélion qui dût fervir de réglé. C’eft ainfi
qu’à la fin des lettres de faint Louis du mois de
Janvier 1268 il y a , iftoe litteroe mijfoe fuerunt claufoe
omnibus baillivis.
Quelquefois les nouvelles lois étoient qualifiées
d'édits; on en a déjà fait mention d’un de Louis-le-
Gros en 1118. Saint-Louis en fit aufli un au mois
de Mars 1268, qu’il qualifie d'edicto confultijfimq ;
cet édit ou ordonnance eft ce qu’on appelle communément
la pragmatique de faint Louis.
On voit par les obfervations précédentes que les
ordonnances recevoient différens noms , félon leur
objet, & aufli félon la maniéré dont elles étoient
formées. Quand nos rois fâifoient des ordonnances
pour les pays de leur domaine, ils n’employoient
que leur feule autorité ; quand ils en fâifoient qui
regardoient le pays des barons ou de leurs vaf-
faux, elles étoient ordinairement faites de concert
avec e u x , ou fcellées ou fouferites d’eux ;
autrement les barons ne recevoient ces ordonnances
qu’antant qu’ils y trouvoient .leur avantage. Les
arriere-vaffaux en ufoient de même avec les grands
vaffaux; & il paroît que l’on appelloit établiffement
les ordonnances les plus confidérables & qui étoient
concertées avec les barons dans des affemblées de
notables perfonnages.
La derniere ordonnance connue fous le nom à'éta-
bliffement, eft celle de faint Louis en 1270. Elle
eft intitulée les établiffemens félon l’ufage de Paris
& de cour de baronnie : dans quelques manuferits