j’ai hâte de le dire, cette détermination offre de grandes
difficultés, comme je l’ai montré dà'ns une étude récente
sur les ducats et les écus espagnols (i). Ces difficultés
sont de nature diverse. La fixation de la monnaie nécessite
de nombreux calculs de réduction, calculs qui n’ont
de valeur certaine que s’ils ont une base, ce qui n’est pas
toujours le cas. Ensuite les documents eux-mêmes font
souvent défaut. Fort souvent aussi les documents ne
donnent qu’une lumière incomplète. Ils n’indiquent pas
la valeur numérale ou de convention des monnaies, soit
que cette valeur ait été déterminée d’avance par les intéressés,
soit qu’elle ait été sous-entendue. Que de fois les
correspondances officielles, notamment les dépêches de la
cour de Madrid à nos gouverneurs généraux, ne mentionnent
elles pas des envois d’argent en écus ou en
ducats, sans que nous puissions dire de quels ducats ou
de quels écus il s’agit ! On peut ainsi chercher longtemps
le sens d ’une expression monétaire. Quelquefois le hasard
met seul sur la voie de la découverte. J ’avais déjà remarqué
que certaines dépenses nécessitées par le passage du
cardinal infant dans le Milanais, en i 6 34, étaient évaluées
en écus de Caméra (2). J ’avais fréquemment aussi
relevé dans les actes émanant de la cour pontificale la
dénomination de florins ou de ducats de caméra. Un
grand nombre des documents, publiés par le savant bénédictin
Dom Ursmère Berlière d après les archives du
Vatican mentionnent des florins de cette catégorie (3).
(1) Recherches sur Vorigine e t la valeur des ducats et des écus espagnols.
— Les rnonnaies réelles e t les monnaies de compte, dans les Bulletins
de VAcadémie royale de Belgique (classe des lettres), n° 11 (novembre
1906), 102 pages.
(2) Archives du royaume à Bruxelles. Secrétairerie d’Etat et de guerre.
Registre 28, passim.
(3) Par exemple, les documents qui font suite à son Inventaire analytique
Je consultai Dom Ursmère Berlière lui-même, et il me
répondit que le florin de Caméra, à la fin du moyen
âge, et, au XVe siècle, le ducat de Caméra, étaient des
monnaies réelles qui formaient la base du système monétaire
de la Chambre apostolique (i)v II ajoutait, cependant,
qu’il n était pas aussi affirmatif pour le ducat de
Caméra, qui pourrait n’être qu’un ducat idéal, reconnu
comme type par la Cour de Rome.
Or récemment, en dépouillant une liasse du fonds de
V Audience, aux Archives du Royaume à Bruxelles, alors
que je ne songeais plus à mes écus, je découvris un fragment.
d’une lettre de Philippe Maes. ambassadeur des
archiducs Albert et Isabelle près la cour de Rome. Cette
lettré (2) m’apprenait qu’en i 6 i 5 l’archevêque de Cambrai
avait à payer à Rome, du chef des annales et
d’autres droits, 6,000 ducats. C’est ainsi qu’il était taxé
in libris Cameroe. Le même texte m’apprenait encore
que ces ducats étaient comptés à i 3 julii et quelques
baïoques, soit, avec le change ou perte de la monnaie
quatre florins des Pays-Bas. Or, à cette époque, les
ducats d or espagnols frappés du temps de Ferdinand
et d’Isabelle, de même que ceux de la forge des archides
libri obligationum è t solutionum des Archives vaticanes. Rome, 1904,
et à celui des Diversa cameralia des mêmes archives. Rome, 1906.
(1) Dans les documents précités, il est souvent question du flonnus auri
de caméra. L’expression florinus auri ne signifie pas nécessairement un
florin, d’or, comme nous l’entendrions de nos jours, c’est-à-dire une pièce
réelle. Comme je l’ai montré dans mon étude sur les ducats et les écus
espagnols, une monnaie dite d’or, au XVIe et au XVIIe siècle, peut n’être
qu’une monnaie de compte. Aussi à cette époque, quand on voulait être
payé en pièces d’or réelles, on stipulait qu’elles seraient d’or eu or, ducado
ou escudo d’oro in o r o , par exemple. Cf. P a p a d o p o l i . Sul valore délia mo-
neta Veneqiana. Venise, i 885, pp. 22-23.
(2) Elle est du 3 janvier, et le fragment que nous avons conservé est joint
à une lettre en latin, écrite de Namur,v le 21 du même mois par François,
archevêque élu de Cambrai, à l’archiduc Albert. Audience, liasse, 480.