stérile. On ne savait plus inculquer au métal ni la grâce
ni la force dont les écoles antérieures avaient eu le secret.
Chacun peut en juger par les Républiques d’Oudiné ou
de Merley et par les Napoléon I I I de Ba rre, froides
effigies qui, dans toute 1 Union latine, circulent encore •
par millions, sans qu’aucun de ceux qui les manient
trouve grand plaisir à les considérer.
Même parmi les médailles qui datent, chez nous, de la
Monarchie constitutionnelle ou du second Empire, celles
dont on peut faire l ’éloge sont des exceptions. Mais le
réveil de la sculpture était proche et allait préparer celui
de la glyptique appliquée au bronze, à l’argent, à l’or...
Avec les Carpeaux, les Chapu, les Paul Dubois-, les
Mercié et d’autres encore, la statuaire française reprenait
une vitalité singulière et la floraison des chefs-
d’oeuvre recommençait, ailleurs même que sur les
piédestaux de nos jardins, de nos monuments et de nos
musées. Chapu, à l’imitation de David d ’Angers, se
reposait volontiers d’un groupe de marbre par un
médaillon fondu, et son Sacré-Coeur, par exemple,
s’inspirait déjà de conceptions nouvelles. Ponscarme,
dans son Naudet, allait à son tour, en débarrassant
la médaille du « listel » traditionnel, lui prouver que,
tout en restant soumise aux essentielles disciplines,
elle peut se soustraire à certaines servitudes. La forme
circulaire elle-même cessa de paraître obligatoire et la
«plaquette», avec toutes les variantes qu’autorise son
cadre polygonal, reprit vite faveur.
C’est à cette heure de rajeunissement et d ’émancipa-
tion que nous furent donnés, pour l’illustrer à jamais,
quelques artistes vraiment supérieurs, dont on n ’exagère
pas la maîtrise quand on parle de leur génie. Les quatre
plus grands, à mon sens, sont Degeorge, Daniel Dupuis,
Gbaplain et Roty. C'est dans cet ordre que la mort
devait les classer : c’est dans cet ordre aussi que les
rangent leurs mérites respectifs.
Le lyonnais Degeorge, enlevé trop tôt, n’a pas eu le
temps de donner toute sa mesure ; mais les rares
morceaux qui portent son nom l’honorent singulièrement,
La médaille qu’il donna en 1884 à la Société musicale
La T r o m p e t t e est assez banale comme sujet; mais la
facture en est déjà remarquable. Ses plus fortes créations
ont été provoquées par des commandes de l’État : Communications
aériennes (1870-71)'; A la mémoire des
Elèves d e l Ecole des B ea u x -Arts morts pour la défense
de la Patrie... Dans la première, la Ville de Paris, assise
sur un canon de siège, tend les bras, de loin, au pigeon
voyageur qui, du fond de la province, apporte peut-être
un rayon d’espéi-ance. Dans la seconde, le cadavre d’un
jeune héros gît sur les marches de l’autel, tenant encore
d’une main une épée brisée, de l’autre le drapeau tricolore;
et la France, drapée dans ses voiles de deuil, s’approche
avec la couronne et la palme dues au courage
malheureux. C’est également dans sa classique sobriété,
un modèle d’équilibre et de goût que la Médaille commémorative
de la construction de l’église Saint-Pierre de
Montrouge.
Daniel Dupuis, lui aussi, nous a quittés prématurément;
et ceux à qui il a été cher — ils sont nombreux —
ne peuvent évoquer sans un grand serrement de coeur,
l’affreux drame où il a péri (i). Mais comme il avait à la
(î) Voir la notice que nous lui avons consacrée, au lendemain de sa mort
tragique, dans la Revue de l ’a r t ancien et moderne du 10 février 1900.