sûr faire preuve d’une certaine intrépidité. Cependant
je crois que l’opinion de M. le professeur Schrôder peut
se soutenir, et voici l’explication que je propose :
Il faut rappeler, tout d’abord, qu’il y a deux sortes
d’étymologies : l’étymologie historique qui rend compte
de la descendance réelle d’un mot, par étapes, à travers
le temps, puis l’étymologie de convention qui signifie
simplement que la transformation du latin en français
serait juste sous une forme donnée, malgré que ce ne soit
pas la véritable histoire du mot.
Pour moi, le mot avers ne se rattache au latin par aucune
filiation historique. Il ne dérive ni de adversus, ni
de aversus. C’est un mot français qui s’est formé grâce au
voisinage du mot revers et par opposition à ce mot.
Si l’on veut bien y prendre garde, le mot avers est
autrement plus répandu qu’il ne semble parmi les per-
. sonnes cultivées, mais non initiées à la numismatique.
Chacun peut aisément s’en convaincre et j’en ai fait
maintes fois l’expérience.
M. le professeur Théodore Flournoy, le psychologue
bien connu, croit que cette attraction que le public
éprouve pour avers vient simplement de notre tendance
psychologique à retenir les couples des contraires, surtout
s’ils ont quelque ressemblance verbale (engagé,
dégagé). Il arrive souvent, dans l’état de distraction ou
de fatigue qu’on dise hier pour aujourd'hui, ouvrir pour
fermer, ce qui prouve la forte association de ces termes
à sens contraire. Avers-revers forme un couple parfait
qui rappelle un peu aller et 7’elour et dont l’association
comme contraires est extrêmement puissante.
Il me paraît dès lors fort possible que le mot avers se
soit formé au XVIIe siècle par opposition à revers, sans
qu’on ait tout d’abord le moins du monde songé à le
rattacher au latin. Ce mot serait resté dans la langue
parlée et c’est là que les Allemands l’auraient pris. Ils
n’auraient paspu l’empruntera la langue ecrite puisqu il
n’y figurait pas encore.
Un siècle plus tard, les philologues allemands ont
cherché à rattacher ce mot à adversus. Sans doute
n ’avaient-ils plus sous les yeux le couple adversus-
aversus. Ils ont ainsi pu faire une étymologie de convention.
qui ne blesse pas la syntaxe latine, mais qui n a
aucune valeur historique.
Si le mot avers n’a pas d’étymologie historique,on peut
aussi bien le faire dériver A'aversus que d adversus ; des
lors, il peut alternativement signifier revers ou droit.
C’est pour cette raison que ce mot malheureux,créé pour
l’oreille seulement, doit être officiellement prohibé.
Nous avons en français un adjectif droit dérivé de
directus et deux substantifs de même origine, droit au
sens de droit juridique et droit au sens de côté droit.
Aucun de ces mots ne semble correspondre bien
exactement par le sens au mot droit que nous employons
en numismatique. Il semblerait plutôt que nous traduisions
rectui, participe de rego, dont le sens est correct,
bon : recta domus, recta consilia. Nous l’employons en
outre dans sa forme substantive : le droit. L emploi de
ce mot ne fait au reste que répéter l’opposition consacrée
dans maintes locutions, comme Yendroit et l’envers.
Jacques deBie,dans la France métallique (t), publiée
en i 636,paraît êtrelepremier numismate qui ait faitusage
de ce mot, sous forme de la partie droite. Depuis lors,
il n’a guère été employé avant le commencement du
H Op. cit.