
 
        
         
		Toute  rondelle  métallique  qu’on  appellé  une  monnaie,  
 qu’elle  soit  d’or,  d’argent,  ou  même  de  bronze,  a  une  
 valeur  en  soi,  et  elle  joue  un  rôle  dans  la  circulation  
 des  richesses  en  servant  d’instrument  déchange  et  
 d’unité des valeurs. Il importe donc d’être fixé sur le sens  
 des termes monétaires qu’on rencontre  dans les textes, si  
 l’on  veut  apprécier les données numérales ou statistiques  
 qu’ils  contiennent.  Que  signifient  les mots  ducat,  ecu,  
 réal.  florin,  patard,  gros,  livre  parisis ou  tournois  je  
 n’en  cite  que  quelques-uns —,  qu’on trouve sans  cesse  
 dans les  oeuvres  des  écrivains  ou  dans les  comptes  des  
 siècles  antérieurs?  Voilà  ce qu’il  faut  savoir avant tout,  
 et  ce  que les numismates ont à  nous  apprendre. 
 Mais ici  se présente  une  difficulté,  difficulté que n ont  
 pas  toujours  aperçue  les érudits  qui  ont voulu  traduire  
 dans  la terminologie  moderne  ou  ramener  a,u  franc les  
 dénominations monétaires d’autrefois. C est  que fort souvent  
 ces  termes  ne  désignent  pas  une  monnaie  réelle,  
 mais  une  monnaie  dite  de  compte,  ou,  si  1 on  veut,  nos  
 ancêtres  établissaient  leurs  comptes  d après  une  autre  
 monnaie  que  les espèces  versées  dans la  circulation.  Tel  
 document du XVIe  siècle t— je  parle  de la  Belgique  
 mentionne  des  florins  de  20  patards,  et Ion  est  surpris  
 de voir que le florin d’or, à  la même époque, était coté 25,  
 3o patards ou  davantage.  Pendant  des  siècles,  les Espagnols  
 comptèrent  en  ducats  de  375  maravédis,  tandis  
 qu’à  un  certain moment le ducat  d’or  national  en  valut  
 plus de  5oo. 
 Cet  écart  entre  la  monnaie  réelle  et  la monnaie  de  
 compte  provient de  ce  que  jadis  on  voyait  avant  tout  
 dans  la  monnaie  une  valeur  métallique  susceptible  de  
 hausse  011  de  baisse,  comme  toutes  les  valeurs.  A  notre  
 époque,  au  contraire,  on  envisage  plutôt  la  monnaie 
 comme,un étalon, une unité des autres valeurs, unité  qui  
 doit rester immuable. C’est pourquoi nous marquonssurla  
 monnaie même  la  valeur qu’elle représente. La monnaie  
 de compte a été incorporée dans la monnaie réelle, comme  
 le demandait Mirabeau (y). « Les  légendes  sont  en  usage  
 chez tous les  peuples  civilises,  disait Daru  au Tribunat. 
 Il est nécessaire qu’elles expriment la valeur des  espèces. »  
 Et  ce même homme d’État ajoutait :  « Il est utile que les  
 monnaies  soient  ramenées  à  leur  double  fonction  de  
 poids  et de  signe  des  valeurs (2).  » 
 Autrefois,  au  contraire,  les monnaies  étaient  tarifées  
 par le souverain, comme certains titres mobiliers  le  sont  
 de  nos  jours  à  la  Bourse. Une  pièce  d’or  ou  d’argent  
 était  émise  à  une équivalence déterminée;  mais  comme  
 cette équivalence n’était pas inscrite dans la monnaieelle-  
 même,  rien  n’empêchait  le  souverain  ou  le  public  de  la  
 modifier.  C’est ainsi  que  le  florin  carolus  d’or  émis  par  
 Charles Quint pour 20 patards en valait 33 au milieu  du  
 XVIIe  siècle.  Mais  on  continuait  de  compter en  florins  
 de  20  patards,  alors que  la valeur en or que représentait  
 le  patard  avait passé  d un  1/20  a un  i/33  du meme poids  
 d ’or. 
 Voilà  pourquoi  il  faudrait  déterminer les  valeurs  de  
 compte en  usage  à une époque ou dans un pays,quelquefois  
 même  dans une ville ou  chez un groupe d’individus.  
 Il  serait  désirable  que  l’on  tentât  pour chacune  de  nos  
 provinces  ce que M.  Georges Cumont  a fait pour le Bra-  
 bant  sous  le  règne  de  Jeanne  et  Wenceslas  (3).  Mais 
 (1)  A r n a u n è .   La   monnaie,  le  crédit  et  le  change,  2“ '  .édition.  Paris,  
 1902,  p.  i 5 i. 
 (2)  Denise.  Là  discussion  de  la  loi  de  germinal  an X t ,   d an s  la   G ale tte   
 numismatique  française,  pp.  i 65  et  198. 
 (3)  Annales  de  la Société d  Archéologie de Bruxelles,  t. XV  et XVI [1901  
 e t  1902].