déesse de la stèle de Dorylée (i). Sur une petite pièce
d ’eleclrum de poids milésiaque (4 gr. 66) qui appartient
à l'Ionie méridionale et qui est d ’un style plus avancé
(Pl. XXIX, n ) , on touche du doigt, pour ainsi dire,
l ’influence orientale sur l’art ionien; nous y voyons, en
effet; une tête d’Héraclès, dont la physionomie étrange,,
avec sa barbe frisée, son nez énorme, son oeil à fleur de
tête, ses nattes de cheveux épaisses et traînantes, son large
cou, rappellent de très près les images sculpturales du
Melqart chypriote et phénicien (a). Il y a aussi une très
curieuse tête humaine, de profil à gauche sur une hemi-
hecté VP 1. XXIX, 12), décrite par M. Head, parmi les
pièces d ’electrum recueillies dans les fouilles de l’Arté-
mision d’Ephèse (3); l’oeil, démesuré et entouré d’une
énorme paupière ovoïde est celui-là même que nous rencontrons
sur le statère Jameson ; mais, détail bien plus
caractéristique encore, l’oreille qui affecte presque la
forme d’un B retourné (8) et qu’on dirait plaquée et
surajoutée derrière la joue, est identique à celle de la
figure de femme que nous venons de signaler sur le statère
d ’argent classé à Cnide, mais qui, décidément, me semble
plutôt ionien.
C’est donc, comme vous le constatez, à côté de ces plus
anciennes figures humaines que vient plastiquement se
ranger la tête du taureau androcéphale du statère
Jameson, dont j’ai fait ressortir tout à l’heure la barbarie
comparativement au corps même de l’animal. On pourrait
aussi utilement comparer celte tête avec des figures
empruntées à la numismatique d’autres parties du monde
(1) P e r r o t et Chipiez, Histoire de l’art, t. V III , p. 343 ; G. R a d e t, Cybébé,
P- 5, fig. 2 .
( 2 ) B a b e l o n , op. cit., p . 7 5 et p l . I I I , 9 ; Rev. numism., i.go3, p, 4 0 9 .
(3) B. H e a d , op. cit., p. i 3, n° i 5.
grec, par exemple, la tête, plus récente, d’Athéna sur
les premières monnaies d’Athènes, et démontrer que
l’art ionien était beaucoup plus avancé que l’art attique;
mais cette excursion nous entraînerait trop loin. Je me
bornerai donc à remarquer que le statère Jameson nous
apporte un type monétaire nouveau qui prend place
au milieu des rares échantillons que nous possédions, des
produits de l’art ionien à la fin du VII® ou au début du
VIe siecle : statues,bas-reliefs, pierres gravées, monnaies.
Bientôt, dans le cours du VIe siècle, les figures
humaines représentant des divinités deviennent plus
nombreuses parmi les types monétaires; le graveur
s’enhardit, son expérience s’affermit comme celle du
statuaire; son style se perfectionne^ s’individualise^ se
dégage en quelque sorte de la gangue orientale.
C'est l’époque des statues de la voie sacrée des Bran-
chides auprès de Milet, de la Niké ailée d’Arcliermos et
des sculptures du temple d’Assos où se trouvent d ’admirables
taureaux affrontes^ des sphinx, des centaures,
des monstres marins, Héraclès (i). Sur les monnaies des
villes de l’Ionie, voici venir, dans le cours du VI0 siècle,
la tête de sphinx de Chios; sur des hectés d’electrum de
Phocée, une tête de Satyre de face, au nez épaté et aux
oreilles pointues, qu’on retrouve identique sur des
gemmes gravées que j’ai autrefois publiées comparativement
(2) ; le masque grimaçant de Gorgone et quelques
autres, parmi lesquels nous distinguons une tête de taureau
anthropomorphe, barbu (Pl.XXlX, i 3), d’un style
beaucoup plus avancé que celui du statère Jameson (3).
(1 ) G. P e r r o t . Hist. de lart, t . VIII, p . 25g e t s u i v . ; v o y e z l e s t a u r e a u x ,
p . 203.
( 2 ) Rev. numism., i g o 3, p . 418.
(3) B a b e l o n , p l . IV, fig. 1 9 ; Revue numism., igo3, p . 413.