aussi la production de ceux qui né sont pas des maîtres,
et cela c’est un malheur.
Les profanes, désormais, ne peuvent plus être tenus à
distance du sanctuaire où jadis les initiés seuls pénétraient.
Comme le maniement direct du burin mordant
l’acier nécessitait de longs apprentissages, le nombre des
vrais praticiens restait forcément limité: il était aussi
impossible de s’improviser graveur en médailles que
graveur en pierres fines. Maintenant les difficultés
matérielles du métier se trouvent réduites à leur plus
simple expression et quiconque s’est essayé à pétrir de
l’argile se croit bientôt capable d’emboîter le pas aux
vrais élèves des Roty et des Chaplain. Tous veulent être
et se croient médailleurs.
Messieurs, les sexagénaires, dont je suis, bêlas! sont
volontiers laudatores temporis acti et par suite se
défient des innovations. Permettez-moi de vous avouer,
tout bas, que je m’inquiète de cette vulgarisation
possible d’un art naguère si aristocratique. Quand une
corporation s’élargit brusquement, c’est naturellement
par en bas : et le fait est que, depuis quelques années,
nous voyons s’exhiber, au Salon de Paris ou ailleurs, de
soi-disant médailles qui véritablement n’ajoutent pas
grande valeur au métal dont on s’est servi pour les
fabriquer. Ce ne sont pas, malgré l’apparence, de vraies
médailles; car les effets de la perspective changent avec
la dimension des choses et la réduction automatique
d’un bas-relief ne mérite pas plus le nom de médaille
que l’agrandissement mécanique d’une médaille ne
mériterait le nom de bas-relief. Cûique suum. Passe
encore lorsque le morceau qu’on livre au tour à réduire
était fait de main de maître et que la majeure partie de
ses qualités peut suivre l’oeuvre dans son incarnation
nouvelle. Je sais de fort jolis ouvrages dont telle paraît
avoir été l’histoire : les Cerfs de Gardet, les Fauves de
Peter, la Cléopâtre de Frémiet, le Printemps et Y Hiver
de Saint-Marceaux.
Mais la machine se voit aussi confier des essais,
des ébauches où la ligne et le modelé sont d’une égale
indigence. Il est des amateurs, de simples amateurs qui,
voyant qu’ils n ’ont plus besoin d’apprendre à graver, se
persuadent qu’il n’est plus très utile non plus de savoir
dessiner. Or nulle part ce que Ingres appelait la probité
de l’art n’est si indispensable que dans la médaille.
Comme la matière dont elle est faite semble promettre
l’éternité aux images dont elle sera revêtue,Tà-peu-près
y devient un paradoxe et l’impressionisme y fait l’effet
d’un sacrilège.
J ’avouerais même, si j’étais sûr de ne scandaliser personne.
que le réalisme ne me paraît pas fait pour la
médaille, d ’où il exclut trop souvent la noblesse et la
beauté. Je souffre quand je vois des hommes de talent,
parfois de grand talent, s’attarder dans cette voie fâcheuse.
La modeleur est clémente, je le sais; et mes sollicitations
resteront probablement sans écho. Mais je compte, Messieurs,
surla sensationnelle Exposition de Bruxelles pour
faire des conversions, soit dans le monde des artistes, soit
dans le monde des collectionneurs.
Ce n’est pas impunément qu’on y aura vu s’éclairer de
la même lumière les profils illustres gravés par Chaplain,
les séduisantes déesses de Roty et certaines grimaces qui
vraiment ont fait fausse route en se « médaillisant ».
Voici, dans une collection donton pourrait croire l’entrée
sévèrement gardée, à en juger par son titre, un portrait
de singe avec, au revers, quatre autres portraits de
singes. Là, je vois des têtes qui semblentbien se réclamer