là transparence de sa signature, il était l’auteur, inutilement
cherché, de ces superbes chefs-d’oeuvre.
Voici comment la chose est arrivée. Pendant les
vacances de Noèl de 1904, en faisant visite aux antiquaires
comme je fais d’habitude pour me reposer d’occupations
plus graves, j’eus le bonheur de trouver deux
médailles unifaces, en bronze doré, l’avers et le revers,
évidemment, d’une médaille complète. C’étaient deux
portraits: homme et femme. Celui de la dame me fit immédiatement
songer à la médaille de Marguerite d’Autriche,
tant la ressemblance de style est frappante, identique.
Sans plus attendre, sans marchander, je les achetai et
courus chez moi. Il n ’y avait pas à douter : ces deux
médailles étaient bien l’oeuvre du monogrammiste RVT.
Celle de la dame était même signée sous la tranche :
RVT • G.
Mais l’homme, qui était-il? Un chevalier armé, avec
une grande fraise, et pour légende : RVTILIVS ‘
GACIVS • MDCXI. J ’avoue que je n’imaginais pas, tout
d’abord, qu’il pût s’agir de l ’artiste lui-même. Je consultai
inutilement quelques dictionnaires bibliographiques,
même celui de Cean Bermudez que j’avais sous
la main, Rien à la lettre G. Découragé, et machinalement,
je parcourus le R. Jugez de mon émotion en lisant
(vol. IV, p. 290).
« RUTILIO GAXI (sic) : sculpteur et chevalier
florentin, établi à Madrid vers i 63o (sic) au service de
Philippe IV, Il exécuta en cire à couleurs, et avec intelligence,
des portraits très ressemblants et fit les modèles
pour quelques fontaines publiques de cette ville qui
furent érigées en bronze et en marbre. Mais son oeuvre
capitale fut un cheval, dont il choisit lé modèle parmi
les. meilleurs de la race de Cordoue, en faisant sépàrément
la tête et les autres parties, ainsi que le chevalier,
armé et très gaillard, avec de gentilles gravures sur son
armure. VincencioCarducho etFrancisco Pacheco, qui la
virent, firent de cette statue équestre les plus grands
éloges. »
La découverte était faite; le monogrammiste RVT, si
longtemps cherché, ne pouvait être autre que le chevalier
RUTILIO GACI, dont j ’avais l’élégant buste sous
mes yeux.
J ’en fis part à mes amis Adolfo Herrera, de l’Académie
de l’Histoire, et Narciso Sentenach, du Musée archéologique,
qui m’avait fait l’honneur de me céder les médailles
chez le marchand, où il était entré avant moi.
Tous les deux s’engagèrent à faire des recherches pour
m’aider dans mes investigations.
Quelques mois plus tard, M. Herrera m’écrivit une
lettre, qui parut en avril 1905 dans le Boletin de la
Sociedad espanola de Excursiones, avec cinq planches
illustrant des médailles et des fontaines de notre Rutilio;
des citations de livres dont je parlerai tout à l'heure; de
nombreux détails sur ses travaux; et même, bonheur
inattendu! avec une copie, livrée par le curé de Saint-
André, à Madrid, du certificat de mariage de Rutilio
Gaci avec Dona Beatriz de Rojas, la jolie personne aux
riches bijoux et fraise superbe, portraitée dans l’autre
demi-médaille.
Par excès de précaution, avant la publication de la
lettre, j’écrivis à MM. Babelon, Alvin, de Dompierre de
Chaufepié, Domanig et Ambrosoli, les réputés conservateurs
des cabinets de Paris, Bruxelles, La Haye, Vienne
et Milan, ainsi qu’à d’autres numismates connus, comme
le docteur Simonis, de Liège, de l’amitié desquels je
m’honore. Je leur disais que j'étais sur une bonne