On comprend donc l’extrême intérêt avec lequel les
professionnels de la médaille apprirent, un beau matin,
qu'il leur suffirait désormais de modeler à grande échelle
une maquette de terre glaise ou de cire et qu’avec ce
modèle reproduit successivement en plâtre et en fonte de
fer, un instrument automatique, récemment imaginé, se
chargerait de leur fournir un poinçon qui en serait, à
l’échelle voulue, l’exacte image. Le tour à réduire se
compose, essentiellement, de deux disques ou plateaux
circulaires, un grand et un petit, qu’un moteur ad hoc
fait tourner côte à côte et simultanément, dans le même
plan vertical. On fixe sur le grand plateau le modèle qu’il
s’agit de copier et sur le petit le morceau d’acier doux
qu’il s’agit de graver. Puis, avec les précautions voulues,
on met la machine en train et les deux plateaux, rendus
solidaires comme le sont les roues d’une locomotive, vont
tourner simultanément autour de leurs axes parallèles
avec une égale vitesse de rotation. Or, sur chacun d’eux,
s’appuie perpendiculairement une aiguille à ressort. La
grande aiguille, dont le bout touche le modèle en mouvement,
va tour à tour avancer ou reculer, selon que
l’y obligeront les variations du relief; et l’autre aiguille,
condamnée par d’ingénieuses corrélations à répéter en
les amoindrissant les mêmes oscillations, va promener sa
pointe endiamantée à la surface de l’acier doux, avançant
ou reculant aussi selon qu’il faut plus ou moins creuser.
Elle a d’abord devant elle le centre même du modèle,
puis la pointe de diamant s’en éloigne graduellement et
se voit soumettre, l’une après l’autre, toutes les circonférences
concentriques que peut contenir la surface à
graver, de sorte qu’en réitérant un certain nombre de fois
la même opération, elle arrivera, lentement mais sûrement,
à reproduire en petit sur l’acier, tous les détails du
modèle. Il y aura, sauf les dimensions, identité géométrique.
Nous exagérions un peu tout à l’heure en donnant à
entendre que le problèmes’étaittrouvé pleinement résolu,
du jour au lendemain. Il a fallu bien des perfectionnements,
une fois l’idée venue, pour que l’exécution ne laissât
rien à désirer. Mais le procédé a fini par entrer victorieusement
dans la pratique et je ne connais pas aujourd’hui
un seul graveur français qui dédaigne d’y
recourir. On peut -même soutenir, de ce chef, que l’expression
« graveur en médailles » est devenue une
expression impropre, puisque, en fait, les médailleurs
ne gravent plus. Ils ne font que retoucher, et encore
c’est surtout le plâtre qu’ils retouchent.
Voilà donc un travail complètement transformé et
un tel changement de méthode ne pouvait s’accomplir
sans que l’art même de la médaille risquât d’en être
sérieusement affecté. De l’emploi du tour à réduire
résultaient tout à la fois, pour cet art délicat, des
ressources inespérées et un réel péril.
La fabrication mécanique des coins a eu l’avantage
d ’accroître, dans des proportions considérables, la fécondité
des grands maîtres contemporains; et pour quiconque
pense, avec le poète anglais, que :
A thing o fb ea u tj is a joy f o r ever (K e a t s ) ,
ce n’est pas chose indifférente que Roty, par exemple,
nous ait donné deux ou trois fois plus d’oeuvres et consé-
quemment de chefs-d’oeuvre qu’il n’eût pu le faire avec
les anciens moyens d’action. A ee point de vue, le tour à
réduire mérite tous nos remerciements.
Mais, s’il favorise la production des maîtres, il favorise