quelle puissance, quelle fougue chez les grands maîtres!
quelle bonne humeur, quelle joie de vivre, quelle allure
Chez les petits! Petits, non par leur talent, mais par la
dimension de leurs toiles exquises et savoureuses.
» N’en faut-il pas conclure que l’artiste s’abstrait
mieux du moment que le savant; que l ’individualité
s’imprime plus profondément dans une oeuvre d’a rt que
dans une oeuvre scientifique.
» Si le savant doit s’appuyer sur les résultats acquis
par ses prédécesseurs, n ’avons-nous pas vu souvent l’art
prendre un essor nouveau après avoir rompu avec les
traditions du passé.
» Chez nous, à la fin du XVe siècle, en cinquante ans,
nous voyons les architectes et les peintres renoncer au
style gothique et ne plus ju re r que par l’Italie. Seulement
nos artistes, en s’enrôlant dans le grand mouvement de
l ’humanisme, conservèrent beaucoup des institutions de
leurs ancêtre^ : le régime corporatif, l ’apprentissage chez
le maître. Les artistes sortaient de l’atelier du forgeron,
de l ’orfèvre, du menuisier.
» J e travaille en ce moment à la monographie de
notre forum communal, et je constate que ses architectes
appartenaient presque tous à la corporation des menuisiers.
Aussi quelle originalité chez eux, leur a rt n ’est pas
encore figé dans les formules de Yignole. Aux belles
époques de l’Italie il en fut de même.
» On a reproché, avec raison, à l’ancienne école p rimaire
d’être trop livresque, de s ’appuyer plus sur la
mémoire que sur le raisonnement et l ’observation de la
nature. Nous avons réagi, à Bruxelles, et notre enseignement
primaire a pour base l’intuition et le travail
manuel associé à l’activité intellectuelle.
» La même réforme devrait être introduite à l’Académie
des Beaux-Arts et il faudrait rechercher une association
entre l’atelier, où l’élève s’initierait à la technique de
l ’a rt pour lequel il se sent doué, et l ’Académie, où il se
formerait le goût par l’étude des belles époques de l’a rt ;
mais ce serait cependant avant tout l ’interprétation des
formes vivantes, l ’homme, l ’animal, la plante, qui devrait
constituer le fondement de la culture artistique.
» Mais je m’arrête, confus d’émettre ces vues théoriques
devant l’élite d’artistes qui daignent m’écouter ; ils
auraient le droit de me dire comme le coq du bonhomme
La Fontaine :
I.a moindre grain de mil ferait mieux mon affaire.
» Analyser, critiquer, théoriser, en matière d’a rt ne
sert à rien. La moindre médaille ferait bien mieux l’affaire
; l ’homme vraiment utile à sa patrie est celui qui
produit, et non celui qui pérore.
» Seulement, l’artiste a besoin de mécènes ; sa production
doit être encouragée par ceux qui l ’admirent et désirent
embellir leur demeure.
» Les congrès, comme les sociétés des amis des médailles,
peuvent travailler à former le goût du public, à
enflammer son admiration, à provoquer >son désir de vivre
au milieu de belles oeuvres.
» En accourant à notre appel vous nous avez permis
de reprendre notre tâche avec plus d’énergie et les p récieux
enseignements que nous a apportés votre seienc’e et
votre expérience nous a armés d’arguments nouveaux.
Ils nous permettront, à nous autres, simples esthètes, de
vous témoigner notre reconnaissance pour les moments
heureux que nous avons passés en compagnie d’hommes
éminents dans la science numismatique comme dans l’a rt
de la médaille.