M . C h . B ü l s . p r é s id e n t , prononce ensuite le discours
suivant
M esdames et Mes s ieu r s ,
« Nous voici arrivés au terme de nos travaux, l'heure
de la séparation va sonner ; et s’il se mêle quelque mélancolie
à la pensée que tant de collègues, avec lesquels nous
avons vécu dans une ra re communion d’idées, vont se disperser
aux quatre points cardinaux, i l en restera néanmoins
la satisfaction d’avoir échangé nos vues sur la
science et l’a rt qui font l ’objet de nos études et de nos
travaux.
» La science numismatique, comme l ’a rt du médailleur,
soht intimement liés à l’histoire de la vie des peuples,.
Ces petits monuments, les monnaies et les médailles, se
sont souvent mieux conservés que de colossaux édifices
de pierre.
» Que de problèmes chronologiques, économiques et
artistiques ont été élucidés par la trouvaille du trésor
d’un avare, ou par l’étude attentive de médailles cachées
au fond des tiroirs d’un obscur antiquaire.
» Si différentes que soient les destinées des monnaies et
des médailles, ainsi que la technique de leur fabrication,
elles sont cependant intimement liées au point de vue
esthétique, et l’on peut dire qu’aux époques où les unes
furent belles, les autres le, furent aussi. .
» Cependant si la production mécanique a toujours été
en se perfectionnant (car la science, sans cesse enrichie
par l’expérience, peut additionner constamment les résultats
qu’elle obtient et ne conçoit pas de limite à sa puissance
de progrès), il n’en est pas de même de l’a rt. Ici
intervient un facteur dont ni l’historien, ni le critique
d’a rt n ’ont encore pu déterminer ni l’origine, ni la nature.
» Qui pourra dire les causes de l’admirable floraison
de l ’a rt dans cette Hellade mystérieuse,, où s’alimentent
encore les racines les plus profondes de notre culture
intellectuelle et dont chaque jour les archéologues reculent
la chronologie aux plus extrêmes limites des siècles?
# Ne serait-on pas tenté de dire comme Carmen de
l’amour : l’a rt est enfant de Bohême; il ne connaît ni
règle, ni loi !
4» Si l’édifice d e là science s’élève de. siècle en siècle
par l’apport des savants et monte comme une spirale que
rien, sinon les limites de notre univers, ne semble devoir
arrêter dans sa \plendide ascension, il n ’en est pas de
même pour l’a rt. ¿Pour lui l’évolution semble plutôt basculer
entre une asjeension superbe et une décadence profonde.
:» Si ingénieusê et si documentée qu’ait paru l’hyppthèse
de Taine, qui voyait dans la race, le milieu et le moment
historique lès facteurs primordiaux de la production
artistique, elle a peine à expliquer les fluctuations de sa
valeur.
» Nous en avons un exemple frappant sous nos yeux
dans l’exposition destinée à glorifier la splendide efflorescence
de l ’a rt depuis la fin du XVIe siècle jusqu’aux
trois quarts du XVII?.
» Peut-on imaginer un moment historique plus défavorable
: quatre-vingt années de guerre en un siècle, nos
souverains violant leurs serments de joyeuse-entree, la
pensée persécutée, les heretiques ecarteles, brûles ou
enterrés vifs, le père même de notre grand Rubens obligé
d ’aller chercher en Allemagne le droit .de prier Dieu à sa
guise; notre puissant Jordaens contraint de se réfugier
en Hollande ; notre a rt soumis à l’influence de la Renaissance
italienne si Opposée au genie flamand; et cependant