Ce procédé de fabrication n ’est pas spécial à un atelier,
ni même aux pièces de poids milésiaque. car on le constate
aussi, par exemple, sur des pièces de poids pho-
caïque de l’Ionie septentrionale. Vous connaissez le
célèbre statère d ’electrum primitif de Phocée au type
parlant du phoque; il en existe deux exemplaires qui
pèsent, tous deux, i6®r.o8, l’un à Munich (Pl.XXIX, 8),
l’autre à Londres (Pl. XXIX, g.) Ils ont, l’un et 1 autre,
pour revers, deux carrés creux d’inégale grandeur et placés
côte à côte (i). Ils ont été frappés avec les mêmes
coins, au droit et au revers, et leurs carrés creux sont
identiques. Mais le plus petit de ces carrés n ’est pas placé
tout à fait à la même place par rapport au plus grand.
Sur l’exemplaire de Londres, il se trouve sensiblement
plus haut que sur l’exemplaire de Munich. Que conclure
d e là ? Sinon, que les poinçons du revers de ces deux
pièces étaient mobiles et ont été apposés indépendamment
l’un de l’autre? Et ainsi nous expliquons-nous que souvent,
sur les pièces primitives d’elect.rum, on voit deux
carrés creux qui, tantôt sont très distinctement séparés
l’un de l’autre, et tantôt chevauchent en partie l’un sur
l’autre.
Ce sont des marques imprimées par des poinçons individuels,
et non point, je le répète, comme F. Lenormant
l’enseignait naguère encore, des aspérités ménagées sur
la pile ou l’enclume monétaire pour empêcher le flan de
glisser sous le choc du marteau au moment de la frappe
de l’autre face (2).
III.
Étudions à présent en lui-même le type du nouveau
(1) B a b e lo n , n 01 i2 t et 122 et pl. IV, fig. 3 et 5 .
(2) E . B ab e lo n . Traité. Première partie, t. 1, p. g î t .
statère de la collection Jameson. Que signifie ce taureau
androcéphale ailé et quelle est sa provenance au point de
vue symbolique?
Les monnaies d’electrum primitives d’Asie Mineure
ont des types très variés. Si les types du lion couché, de
la tête et du mufle de lion de face paraissent les plus
nombreux et s’adaptent plus spécialement à la tradition
de Milet. on trouve aussi, sur les pièces de poids milésiaque;,
le type à la surface striée, le taureau cornupète, les
protomés accolées du lion et du taureau, le cheval, là
chienne, le cerf qui paraît se rapportera l’Artémis éphé-
sienne, la vache allaitant son veau, etc. Ces figures
variées sont celles d’animaux réels et n ’ont rien de fantastique,
tandis que le taureau androcéphale ailé est, au
contraire, un monstre mythique qui ne doit pas sa présence
sur une monnaie à ta simple et directe observation
de la nature. Il prend place à côté du sphinx de Chios,
du griffon et de la Chimère de Phocée etdeTéos, de l’hippocampe
ailé de Lampsaque qui figurent aussi sur des
electrums de la première époque.
Dans la mythologie grecque, le taureau androcéphale,
presque toujours cornupète, est la représentation ordinaire
du dieu-fleuve Achéloüs et aussi, par extension,;
des dieux de tous les fleuves torrentueux, le Gélas, par
exemple ; son attitude symbolise l’impétuosité de leurs
flots dévastateurs. Mais, circonstance à noter, ce taureau
androcéphale et purement grec, dans sa tradition mythique
et son origine géographique, n’est jamais ailé.
Le taureau androcéphale muni d’ailes se rencontre, au
contraire, très fréquemment dans la symbolique orientale,
et j’ai à peine besoin de rappeler les taureaux ailés
androcéphales des colossales sculptures de Ninive et les
cherubim des Livres bibliques, symboles imposants de la