que de rares occasions d’opposer Yendroit du vêtement à
son envers.
Quand l’objet appelle une attention égale par ses deux
bouts, ou ses deux côtés, la. langue dispose, en général,
de termes couplés, comme le recio et le verso d’une page.
C’est à peu près aussi obligatoire que droite et gauche,
haut et bas.
Il est donc très frappant de voir que non seulement
la langue courante, mais celle des numismates, ne possède
pas de termes, traditionnellement admis, pour
désigner les deux faces de la pièce, simplement dans la
mutuelle opposition qu’elles évoquent.
On peut se représenter, comme explication de la chose,
que les anciens numismates ont donné une importance
sans limite à la face portant une tête, une effigie, de sorte
que l’autre face tombait au rang de chose accessoire, par
là-même de chose demandant seule une désignation, ainsi
qu’on en relevait tout à l’heure l’exemple pour A’envers
de l’habit.
De fait, lorsque nous décrivons une pièce de monnaie,
ou une médaille, nous n’indiquons presqué jamais le
côté par lequel commence notre description, tant il va
de soi que ce côté est celui auquel nous attachons le
plus d’importance et qu’il est, à cause de cela, inutile
de désigner. Nous accentuons cette désignation muette
en mettant soigneusement en vedette le côté opposé que
nous nommons revers.
Cependant, les anciens numismates qui écrivaient en
latin avaient, pour désigner les deux côtés de la pièce,,
des termes fort précis, Le côté décrit en premier lieu
se nommait adversapars, antiça, anlicapars, qui furent
traduits tout d’abord par tête ou p a rpartie droite, tandis
que le côté opposé se nommait aversa pars, aversa, postica
pars, qui furent traduits par revers.
On sait qu’en i 83o, M. Hennin, dans son Manuel de
numismatique ancienne (i), proposa le mot avers pour
remplacer tête. C’était un acte de courage, mais on ne
saurait dire que ce fût celui d’un ignorant. M. Hennin
connaissait fort bien les objections qu on allait lui faire,
et voici comment il s’exprimè dans son plaidoyer du
mot avers : « Quelques-unes des personnes qui s’occu-
» pent de numismatique ont voulu, dans ces derniers
» temps, substituer au mot tête, inexact et tombé en
» désuétude, une appellation rationnelle, et elles ont
» adopté pour nom du premier côté des monnaies et
» médailles le mot avers. Ce mot est à la vérité plutôt
» tiré du mot aversa que du mot adversa ; il signifie
.» précisément partie opposée, d’où il semblerait résulter
» qu’il n’est pas convenable de l’employer pour indiquer
» le premier côté des pièces. Le mot revers, adopté pour
» désigner le second cote, a, dans son etymologie,
» la même, source et dans son acception française le
» même sens. Pour s’entendre, cependant, il faut que
» les choses aient des noms; ils doivent être sans doute
» clairs et précis, surtout quand on les crée. Avers,
m revers ont la même signification, il est vrai, si on
» considère leur étymologie, mais cette étymologie
» même (partie opposée) leur convient, et séparément et
» comparativement. Ils sont d’ailleurs en rapport con-
» venable pour les significations auxquelles on les
» applique dans ce cas. Le mot avers m a donc paru
» devoir être adopté et je m’en suis servi (2). »
Notons en passant que M. Hennin se croyait le créateur
du mot avers, qu’il faisait dériver Üaversa plutôt
(1) Manuel de numismatique ancienne, par M. H e n n in . Paris, i 83o, 2 vol.
in-80 et atl. de pl. Nouv. éd.. Paris, 1872.
(2) H e n n in , op. cit.\ pp. i53- i53.