Si maintenant on examine le texte qui vient d’être
commenté, on constate que la comtesse Marguerite se
réserve formellement le droit de continuer à frapper les
deniers et les demi-deniers au nom des villes et à leurs
armoiries; on peut donc conclure de là avec certitude
que ces pièces étaient frappees non par les villes mais par
les comtes.
Un second document postérieur de quelques années,
vient confirmer le premier.
Guy de Dampierre, le 29 mars 1279, ordonna que la
monnaie artésienne qu’// avait fa i t battre aurait cours
pendant toute sa vie (1 ).
Après ces deux textes aussi clairs qu’affirmatifs, on pè'ut
considérer comme établi d’une manière incontestable que
le monnayage dénarial au nom et aux armoiries des villes
a été pratiqué par les comtes.
Cependant, cette conclusion paraît se trouver en contradiction
avec deux documents : en 1297 et 1298, Guy
de Dampierre frappa monnaie a Ypres. A cette occasion,
par deux fois, il donna à la ville d’Ypres des lettres de
non-préjudice. Le fait d’avoir monnayé dans leur ville,
dit-il, « ne peut porter nul préjudice à eaux ne a leur
loy » (2).
' Or, il existe une série de deniers frappés à Ypres sous
les règnes de Jeanne de Constantinople, Marguerite, et
Guy de Dampierre. Puisque les lettres de 1297 et 1298
montrent que le comte 11e pouvait battre monnaie dans
la ville, ne peut-on pas en conclure que la ville monnayait
elle-même P
pp. n 3 et 114) au sujet des noms des monnaies désignées dans ce texte, est
erroné.
(1) Archives de Lille. IV* cartrelaire de Flandre, pièce 18. Voy. revue
française de Numismatique, 1837, p. 124.
(2) G a i l l a r d , o . c . pièces justificatives, p. u t
Lorsqu’on recherchequelles furent les pièces fabriquées
à Ypres par Guy de Dampierre en 1297-1298, on constate
que ce furent des petits gros-à-l’aigle (1), et probablement
des deniers noirs (2).
Il s’agit donc encore une fois de la grosse monnaie qui
constitue un système nettement en opposition avec le
système dénarial au nom et aux armoiries des villes. Ce
qui vaut pour l’un, ne peut etre affirme de 1 autre. Par
conséquent, les lettres de non-prejudice dont il vient
d’être question,ne peuvent être données comme argument
en faveur d’un monnayage communal.
A
* *
Si le système dénarial flamand du XIIIe siecle est
comtal, il importe d’expliquer pourquoi les comtes n’ont
pas rpis leur nom sur ces monnaies, et pourquoi on y
trouve ceux des villes ainsi que les armoiries de celles-ci.
La première raison que l’on pourrait songer à invoquer,
est celle que M. A. de Witte a donnée pour expliquer
le monnayage analogue qui s’est développé en Brabanl.
Les monnaies portant les noms et emblèmes locaux
n’auraient eu cours que dans les villes dont elles présentaient
le nom ou les armoiries; les comtes auraient perçu
le bénéfice du change d’une ville à l’autre, ce qui aurait
constitué pour eux une source importante de revenus.
Si la chose est vraisemblable en Brabant parce que
celui-ci ressorlissait à l'empire où une charte impériale
donnée à Worms le 3o avril 1235 avait autorisé cet impôt
indirect, il n ’en est pas de même en Flandre: presque
toutes les villes au nom desquelles il existe des monnaies
( i \ G a il l a r d , o. c. pp- 123-124, e t pl. XVI.
(2 ) V te B. d e J o n g h e , Revue belge deNuwhmatique, 1 9 0 5 , p. 36