singulières empreintes à l’extérieur des pièces ont été
aites par hasard. Je tâcherai de prouver qu’on avait, au
contraire, une fort bonne raison d ’entailler et de mâcher
les monnaies qui circulaient alors en Pologne.
Pour me faire mieux comprendre, il est nécessaire que
je donne une courte description, fondée sur une base
chronologique, des fouilles provenant du temps en question
et trouvées sur les deux rives de la Vistule, fleuve
principal arrosant l’ancien royaume polonais.
Il est naturel qu’il ne s’agit pas ici d’énumérer tous
les types trouvés. L’essentiel est de savoir quelle espèce
de monnaie avait alors cours dans le pays; quand corn-
mença-t-on à mâcher et à entailler les pièces? Enfin, à
quelle époque cet usage disparut-il ?
Les premières pièces de monnaie, notoirement polonaises,
furent frappées du temps de Miecislas I, régnant
de 96a à 996 et père du roi Boleslas le Grand dit Ch robry.
Ce sont des deniers ayant à l ’avers une couronne et
la legende MILSCO, c’est-à-dire Miesco; au revers une
croix cantonnée de quatre globules. Il ne s’en suit pas que
les predecesseurs de ce prince n’aient pas aussi monnayé
Ils 1 ont fait, sans doute: mais comme les pièces qu’on
pourrait leur attribuer sont anonymes, la preuve positive
manquant, il faut regarder le règne de Miesco I
comme l’époque dans laquelle on commence à frapper
la monnaie en Pologne.
Bien avant ce temps on en connaissait l’usage.
Nous en voyons la preuve dans de nombreux dépôts
de deniers romains, trouvés chez nous par dizaines et
meme par centaines. On a constaté depuis longtemps
qu il existait jadis un commerce florissant entre l ’Italie
et les pays slaves. D’une part, l’ambre et les fourrures
de autre, des objets de bronze et de fer, tels étaient les
articles qu’on échangeait ou qu’on vendait de préférence.
Le denier romain facilitait ce genre de commerce.
Mais avec le temps les trouvailles changent complètement
d aspect. Les pièces romaines disparaissent. Elles
sont remplacées par des dirhems arabes, des morceaux
d ’argent travaillé, accompagnés souvent de débris d’orfèvrerie
arabe.
Pour le moment il ne s’agit pas d’expliquer la cause
de ce changement presque subit. C’est assez de le constater
seulement. La chose qui nous intéresse en premier
lieu, c est que les fouilles de l’époque en question nous
montrent pour la première fois des objets ayant subi
des entaillures.
Nous remarquons ici un fait bien singulier et très
caractéristique en même temps, c'est qu’on ne voit jamais
d’entaillures ni sur les dirhems arabes, ni sur les objets
d orfevrerie pouvant être facilement reconnus comme
des débris d’argent travaillé. Au contraire, tout objet,
tout morceau d’argent dont la destination paraît problématique
est couvert d’entaillures.
J ’ai eu l’occasion de voir et d’éludier un trésor de ce
genre trouvé il y a environ une année à Dzierznica (1),
village situé dans le grand-duché de Posen et contenant
environ sept kilos de dirhems arabes, pour la plupart
coupés en morceaux, une centaine de monnaies bavaroises,
plusieurs kilos de fragments d’orfèvrerie en argent,
enfin 25o grammes environ d ’argent en forme de barres
ou lamelles et toute une poignée de débris qui faisaient
autrefois partie de quelques objets, mais dont on ne peut
maintenant deviner la destination. Or, pas une pièce de
monnaie, soit entière, soit coupée, — et il y en avait des
(1) Prononcez ; Diegeniça.