avoir le moindre doute que la monnaie artésienne est
bien la monnaie du comté de Flandre au X IIIe siècle, la
question desavoir quel pouvoir émit ce numéraire et
dans quelles conditions il fut frappé attend encore une
solution.
Deux explications contradictoires ont, en effet, été
données à propos de l’apparition du nom et des armoiries
de villes sur les deniers flamands :
« Ce n ’est pas à dire que ces monnaies soient communales,
en ce sens que le comte aurait abandonné aux
communes le droit régalien du monnayage, écrivait Gaillard
en i 85a ( i) ;nous croyons qu’il leur a eédéseulement
l’exercice de ce droit, c’est-à-dire qu’il leur avait permis
de contrôler la fabrication des monnaies, d’en vérifier le
poids et l’aloi, de les certifier bonnes, soit en y inscrivant
leur nom, soit en y plaçant leur marque distinctive : peut-
être même les profits du monnayage se partageaient-ils
entrela communeetleeomte ou son représentant féodal. »
Par contre, R. Serrure (2) c’était en i 883 —. considérait
ce monnayage comme nettement communal :
« Guillaume Cliton (1127-1128) donne aux habitants
de Saint-Omer le droit monétaire que l’abbaye avait lentement
accaparé. La charte de ce prince ouvre l’ère du
monnayage communal... Le vaste système des mailles
communales embrasse le monnayage de vingt-sept localités.
»
Il est intéressant d’examiner les arguments que ces
deux érudits ont invoqué à l’appui de leurs thèses
respectives.
Gaillard trouve une preuve de l’existance de ce droit
(1 ) V. G a il l a r d , Recherches sur les monnaies des comtes de Flandre.
Gand, i-852, p b'j
(2 ) R. S e r r u r e . La Monnaie en Belgique. Verv i e r s , [ i883] , p . 2 6 .
de surveillance dans le fait qu’en i 3o4, Jean de Namur
ayant fait'frapper des monnaies trop légères de l’avis des
cinq grandes villes de Flandre, donna aux bourgeois des
Gand des lettres de non-préjudice, reconnaissant par là
virtuellement qu’il enfreignait les clauses d’une convention
antérieure.
Il serait téméraire de tirer la moindre conclusion de
ce fait : en i 3o3, la monnaie avait subi en Flandre une
transformation radicale : au système dénarial avait succédé
celui de la grosse monnaie; les conditions politiques
et économiques s’étaient modifiées du tout au tout; d’ailleurs
l’existence des lettres de non-préjudice prouverait
uniquement que les Gantois avaient adressé à leur comte
des protestations soulevées par la frappe de monnaies
trop légères; mais, de l’existence d’une protestation, on
ne peut conclure à celle d’un droit de contrôle. On peut
donc dire que Gaillard n’a fourni aucune raison plausible
à l’appui de sa thèse.
Plus fondée paraît à première vue celle de R. Serrure.
En effet, le paragraphe 14 de la Keure octroyée à Saint-
Omer par Guillaume de Normandie accorde formellement
aux bourgeois le droit de battre monnaie : « Que
les bourgeois eux-mêmes, pendant loute la durée de ma
vie établissent une monnaie bonne et stable dont leur
ville tire profit (r) », dit le document. Toutefois, si 011
examine ce fait d’une manière approfondie, on constate
qu’il se retourne contre la thèse qu’il est appelé à
étayer.
D’abord, la Keure de Saint-Omer est du i4 avril 1127,
tandis que le monnayage dénarial au nom ou aux armoi-
(1) Ipsi vero burgenses mônetam per totam vitam stabilem et bonam,
unde villa sua melioratur, stabiliant. W a r n k ô n ig G h e l d o l f , Histoire de
la Flandre. Bruxelles, i 836, II, p. 411.