
effectivement, comme on le volt dans Ta noix de
galle & autres excroiffances provenant de la piqûre
des infe&es.
Ces petits corps font ôblongs -, ridés ou chagrinés
, terminés d’un côté par une pointe , de
l’autre par deux & quelquefois p'ar une troifième.
En mettant ces petits corps dans l’eau, ils s’y
renflent comme la cochenille, la teignent d’une
aufli belle couleur & en prennent à peu près la
figure, enforte que la feule infpeftion fait juger |
que ce font de petits corps d’infeétes, en quel- i
qu’état qu’ils foient : ce font eux qui donnent à ;
la lacque la teinture rouge qu’elle femble avoir ; i
car quand elle en eft abfolument dépouillée ou
peu fournie, à peine en a-t-elle une légère teinture.
Il paroît donc que la laque n’eft qu’une forte
de cire, qui forme, pour ainfi dire, le corps de
la ruche, & cette cire eft d’une bonne odeur quand
on la brûle.
Mais pour ce qui eft des petits corps qui font
renfermés dans les alvéoles, ils jettent en brûlant
une odeur défagréable, femblable à celle que rendent
les parties des animaux.
Plufieurs de ces petits corps font creux, pourris
ou moifis ; d’autres font pleins d’üne poudre
où l’on découvre, à l’aide du microfcope, quantité
d’infe&es longs , tranfparens , à plufieurs pattes.
On peut comparer la lacque qui eft fur les bâtons
chargés d’alvéoles, à la cire de nos mouches,
& dire que fans les fourmis il n’y auroit point
de lacque ; car ce font elles qui prennent, foin
de la ramaffer, de la préparer , & de la travailler
pendant huit mois de l’année pour leur ufage particulier
, qui eft la produétion & la coiifervation
de leurs petits.
Les hommes ont aufli mis à profit cette lacque,
en l’employant pour la belle teinture des toiles
qui fe fait aux Indes, pour la belle cire à cacheter
dont nous nous fervons, pour les vernis & pour
la peinture.
Oh a établi différentes fortes de lacques. i°. La
lacque en branches, dont on peut diftinguer deux ef-
péces, une de couleur d’ambre jaune qui porte des
alvéoles remplies de chryfalidés, dont la couleur eft
grife; c’eft la lacque de Madagafcar. Flacourt en
a parlé le premier, & elle ne mérite aucune ef-
time.
i° . L’autre efpèce eft d’une couleur plus obf-
cure à l’extérieur, mais entièrement rouge lorf-
qu’on regarde la lumière à travers.
Cette belle couleur lui vient de ce que fes alvéoles
font bien remplies, & que les parties animales
y étant en abondance , ont communiqué leur
teinture à la cire à l’aide de la chaleur du foleil.
On peut dire que c’eft la lacque dans fa maturité;
aufli eft-elle pefante/plus ferrée & plus folide que
la précédente : c’eft la bonne lacque;
Les Indiens , fur-tout les habitans du Bengale ,
qui en connoiffent tout le prix & combien les
Européens l’eftiment, font attentifs à fa préparation:
Pour cet effet, ils enfoncent en terre , dans les
lieux où fe trouvent les infe&es qui la forment,
quantité de petites branches d?arbres ou de rofeaux,
de la manière qu’on rame les pois en France.
Lorfque ces infeftes les ont couvertes de lacque ;
on fait paffer de l’eau par deffus, & on la laiffe
ainfi expofée pendant quelque temps au foleil ou
elle vient dure & sèche, telle qu’on nous l’ap-
porte .en Europe.
Cette lacque bouillie dans l’eau avec quelques
acides , fait une teinture d’un très - beau rouge.
Les Indiens en teignent ces toiles peintes fi fè-
vérement défendues & fl fort à la mode en France,
qui ne perdent point leur couleur à l’eau.
Les Levantins en rougiffent aufli leurs maroquins.
Cette lacque doit être choifle la plus haute ea
couleur , nette , claire , un peu tranfparente, fe
fondant fur le feu, rendant, étant allumée, une
odeur agréable, & quand elle eft mâchée, teignant
la falive en couleur rouge.
Quelques auteurs de Matière Médicale lui attribuent
les vertus d’être inciflve, apéritive , atténuante
; de purifier le fang, d’exciter les mois aux
femmes , la tranfpiration & la fueur ; mais ces
vertus font fi peu confirmées par l’expérience , que
l’ufage de cette drogue eft entièrement réfervé
pour les arts. *
La lacque en grain eft celle que Fon a fait paffer
légèrement entre deux meules, pour en exprimer
la fubftance la plus précieufe.
La lacque plate eft celle qu’on a fondue & ap*
platie fur un marbre : elle reffemble au verre d’antimoine.
Tout le monde fait que la lacque en grain eft
employée pour la cire à cacheter, dont celle des
Indes eft la meilleure de toutes ; c’eft de la bonne
lacque liquéfiée & colorée avec du vermillon.
Les Indiens font encore avec leur lacque colorée,
une pâte très-dure, d’un beau rouge , dont
ils forment des braffèlets appelés manilles.
Pour tirer la teinture rouge de la lacque, au
rapport du pèré Tachard, on la fépare des branches,
on la pilé dans un mortier , on la jette dans
de l’eau bouillante ; & quand l’eau eft bien teinte,
on en remet d’autre, jufqu’à ce qu’elle ne teigne
plus.
On fait évaporer au foleil la plus grande partie
de l’eau ; -on met enfuite cette teinture épaiffie
dans un linge clair, on l’approche du feu, & on
l’exprime au travers du linge.
Celle qui a pâffé la première eft en gouttes
tranfparentes, & c’eft la plus belle lacque.
Celle qui fort enfuite par une plus forte ex-
prefiion , & qu’on eft obligé de racler avec un
couteau, eft plus brune & d’un moindre prix.
Voilà la préparation de la lacque Ta plus fimpk)
qui n’eft qrTun extrait de la couleur rouge que
donnent les parties animales*
C’eft dé cette prem ière préparation d o nt les
autres, qui fe font introduites depuis par le fecours
de l’art ; o n t pris le u r nom .
Delà, toutes les îacques employées dans la peinture
, pour peindre en miniature & en huile , qui
font des pâtes sèches auxquelles on a donné la
couleur de la lacque, félon les degrés néceffaires
pour la gradation des teintes.
Ce mot de lacque s’eft enfuite étendu , comme
on le verra ci-après, à un grand nombre d’autres
pâtes sèches, ou poudres de différentes couleurs ,
& teintes avec des matières bien différentes.
Divers chimiftes , en travaillant la lacque , ont
obfervé qu’elle ne fe fond ni ne fe liquéfie point
dans de l’huile d’olive, quoiqu’on les échauffe en-
femble fur le feu. L’huile n’en prend même aucune
couleur, & la lacque demeure au fond du
vaiffeaù en line fubftance gomeufe, dure, caftante,
grumeleüfe, rouge &-brune; ce qui prouve encore
chimiquement que la lacque n’eft point une ré-
fine.
Les mêmes chimiftes ont cherché curieufement
à tirer la teinture de la lacque , & l’on ne fera
pas fâché d’en trouver ici le meilleur procédé ;
c’eft à Boerhaave qu’on le doit.
Prenez de la lacque pure, réduifez-la comme en
une poudre très-fine, hume&ez-la avec de l’huile
de tartre par défaillance ; faites-en une pâte molle
que vous mettrez dans un matras : expofez ce
vaiffeaù fur un fourneau à une chaleur fuffifante,
pour fécher peu à peu la maffe que vous aurez
formée.
Retirez enfuite votre vaiffeaù, laiffez-le refroidir
en plein a ir , l’huile alkaline fe réfoudra de rechef ;
remettez la maffe fur le feu , retirez une 'fécondé
fois le vaiffeaù, & réitérez la liquéfa&ion.
Continuez de la même manière une troifième
fois, defféchant & liquéfiant alternativement, &
vous parviendrez finalement à détruire la ténacité
de la lacque , & à la réduire en une liqueur d’une
belle couleur purpurine.
Faites fécher derechef, & tirez la maffe sèche
hors du vaiffeaù : cette maffe, ainfi préparée &
pulvèrifée , vous fournira la teinture avec l’al-
» cohol.
Mettez-la dans un grand matras, verfez deffus
de l’alcohol pur ( autrement de l’efprit-de-vin bien
reftifié), autant • qu’il en faut pour qu’il fujnage.
Fermez votre vaiffeaù avec du papier; remet-
i tez-le fur votre fourneau jufqu’à ce que , y ayant
! demeuré deux ou trois heures, l’alcohol commence
I à bouillir. ; vous 'pouvez le faire fans danger, à
| caufe de la longueur & de l’étroiteffe, du col du
i matras.
Laiffez refroidir la liq u e u r, ôtez la teintu re claire
[ en inclinant doucem ent le vaiffeaù que vous tien-
[ drez bien ferm é ; traitez le refte de la m êm e ma-
i nière avec d ’autre a lco h o l, & continuez jufqu’à
ce que la matière foît épuifée & ne teigne plus
l’alcohol.-
C ’eft par ce beau procédé qu’on peut tirer d’excellentes
teintures de la myrrhe, de l’ambre, de-,
la gomme de genièvre & autres, dont l’efficacité
dépendra des vertus réfidentes dans les fubftances
d’où on les tirera, & dans l’efprit qui y fera fe-
crettemént logé.
Ce même procédé nous apprend, i°, qu’un âl-
kali, à l’aide de l’air & d’une chaleur digeftive ,
eft capable d’ouvrir un corps denfe, & de le dif-
pofèr à communiquer fes vertus à l’alcohol.
20. Que l’aâion de la defliccation fur le. feu &
de la liquéfa&ion à l’air , faites alternativement,
agit fur les particules les plus infenfibles du corps
denfé, -fans toutefois qu’en pouffant ce procédé
aufli loin qu’il eft poflible, on parvienne jamais
à les diffoudre toutes. (D . J. Article de l’ancienne
Encyclopédie. j
Lacque artificielle.
La lacque artificielle eft une fubftance colorée
& colorante, qu’on tire de différentes autres fubftances.
“
On tire une lacque artificielle des fleurs, foie
en les faifant cuire à feu lent dans une lejfive convenable
, foit en les faifant diftiller plufieurs fois
avec de l’efprit-de-vin ; c’eft de ces deux manières
que l’on tire les couleurs de toutes fortes de plantes
récentes ; la jaune, de la fleur du genet ; la rouge,
du pavot; la bleue, de l’iris ou de la violette; la
verte, de l'acanthe; la noire, de la latente, félon
Clufius, &c. ; & cette lacque eft d’un grand ufage
dans la peinture, fur-tout aux peintres en fleurs
& aux enlumineurs.
Nous allons parler de ces deux méthodes. Commençons
par celle de la lejfive.
Lejfive pour extraire la couleur des fleurs.
Faites avec de la fonde & de la chaux , une
leffive médiocrement forte ; mettez cuire , par
exemple , des fleurs de genet récentes à un feu
doux, de manière que cette.leffive fe charge de
toute la couleur des fleurs de genet ; ce que vous
reconnoîtrez fi les fleurs , dont on a fait l’extrait,
font devenues blanches & la leffive d’un beau
jaune : vous en retirerez pour lors les fleurs, &
vous mettrez la décoôion dans des pots dè terre
verniffés pour la faire bouillir , vous y joindrez
autant d’alun de roche qu’il s’y en pourra diffoudre.
Retirez enfuite la déco£tion ; verfez-îa dans un
pot plein d’eau claire, la couleur jaune fe précipitera
au fond. Vous bifferez alors repofer l’eau,
vous la décanterez & y en verferez de nouvelle.
Lorfque la couleur fe fera dépofèe, vous décanterez
encore cette eau , & vous continuerez
de même jufqu’à ce que tout le fel de la leffive
& l’alun aient été enlevés; oarce • ue plus la cou