
1.0 I N S
Von fait fuccéder à fon gré des fons foibles ou forts,
tendres ou éclatans; ce qui produit la furprife la
plus flatteufe.
Depuis les tailles jufqu’à l’extrémité des baffes,
les clavecins en peau de buffle imitent parfaitement
le fon des baffes du preftant de l’orgue, &
depuis les tailles jufqu’à l’extrémité des deffus ,
ceux de la flûte traverfière.
Quant à leur durée , ce qu’on en peut dire de
plus précis, c’eft que le premier clavecin en buffles
ayant été fait en 1768 pour M. Hébert, tréforier
générai de la M a r in e ; il a confervé, pendant cinq
ans au moins & probalement beaucoup davantage,
la même égalité de force & d’élafticité propres à
la peau de buffle : avantage très-intéreffant pour
les amateurs qui étoient dégoûtés du clavecin ,
par le prompt dépériffement des plumes.
J’ofe ajouter , avec confiance , que le clavecin
à buffles eft très-fupérieur aux piano-forte.
Quelqu’ingénieux que foient ces derniers , ils ne
laiffent pas d’avoir des défauts effentiels. Placés
chez le vendeur, ils ont de quoi plaire & féduire ;
mais fi l’on porte un coup-d’oeil attentif fur l’intérieur
de leur conftruâion, leur complication effraye
à l’inftant.
Si les deffus en font charmans, les baffes dures,
fourdes & fauffes, femblent donner la confomp-
tion à nos oreilles françoifes : défaut jufqu’à présent
irrémédiable, fi l’on ne pratique à ces fortes
de clavecins un jeu de flûtes , tels qu’on en a vus
quelques-uns à Paris, pour améliorer les baffes &
renforcer les deffus; conféquemment, double mé-
canifme, double dépenfe, double fervitude pour
entretenir l’accord de l’un & de l’autre.
. De plus , & c’eft ce qui efl le plus effentiel,
on ne peut adapter le mécanifme des pianô-forté
de Londres à nos clavecins françois, la forme &
la difpofition de ces derniers n’ayant jamais pu
s’y prêter , quelqu’intelligens que puffent être les
faâeurs. Ces clavecins enfin , quelque peu qu’ils
fe dérangent, foit par le tranfport, foit par l’intempérie
de l’air, font bientôt condamnés à un
éternel oubli dans les provinces où perfonne n’efl
en état de les entretenir comme il faut. On paffe
fous filence leur extrême cherté.
Dans le clavecin à buffles de M. Pafchal, les
baffes au contraire répondent avec toute la pré-
cifion poflible aux deffus ; toutes les notes du clavier
font également fonores & moëlleufes, &
toujours fufceptibles de toutes les gradations que
' l’artifte peut defirer. Son mécanifme s’adapte, à
très-peu de frais, à tous les anciens clavecins françois
, flamans , italiens. Le mécanifme appliqué ,
on tire encore partie des regiftr.es emplumés, on
peut en lutter les fons, & avoir par-là toujours
du nouveau, toujours de l’agréable.
Cette découverte devient fans doute l’époque
de la réfurreétion des Ruckers, de Geronimi, des
Marius , Sec. De plus , lés clavecins de M. Pafchal
, lerfqu’ils parviennent en province, n’ont rien
I N S
à redouter de la maladreffe de ceujt qui fe chargent
de les maintenir en bon état.
Pour peu qu’on examine le fautereau, fa mor-
mortaife, le bufle; qu’on veuille comparer les touches
qui vont mal avec celles qui vont bien , rien
n’eft plus facile & plus amufant que d’y porter
un fecours aufii prompt qu’efficace. Un canif, des
cifeaux-, un morceau de buffle, voilà tout l’attirail
qui convient.
La modicité du prix que M. Pafchal attache à
fon mécanifme , prouve bien qu’il ambitionne plus
l’avantage d’être utile, que celui de s’enrichir. Il
faut encore remarquer que les buffles, placés aux
fautereaux de l’épinette , offrent autant d’agrément
qu’au clavecin, à cela près qu’il eft impoffible de
produire autant de variété avec un feul regiftre.
La découverte de M. Pafchal lui a mérité les
fuffrages unanimes des connoiffeurs. Les premiers
artiftes de Paris, tels que- M. Couperin, M. Bal-
bâtre, n’ont pas tardé à vouloir jouir du bienfait
de cette invention; & les grands de la - cour & de
la capitale s’empreffent tellement de fuivre leur
exemple, que M. Pafchal n’a d’autre regret que
d’être occupé fans ceffe à appliquer fon mécanifme
à d’anciens clavecins , & de n’avoir pas un moment
pour achever les fie ns , qu’il regardoit ,
avec raifon, comme les plus propres à affùrer fa
réputation. «
Clavecins Jînguliers.
A Catane en Sicile, un prêtre Napolitain a inventé
plufieurs clavecins, finguliers. Dans l’un, les
fautereaux viennent marteler la corde avec tant
de vivacité, qu’ils lui font rendre un fon auffi fort,
auffi brillant que le pincement de la plume, fans
en avoir le glapiffment, & laiffent au mufleien la
facilité du forte-piano, par le plus ou moins de
force à battre fur la touche.
Ce clavecin eft fufceptible de plufieurs jeux ;
il y en a pareillement un de harpe qui eft parfait.
Il a encore l’avantage en fatiguant moins la corde,
de ne lui faire prefque jamais perdre fon accord.
Dans un autre, une invention non moins heu-
reufe, c’eft de pouvoir, par l’augmentation ou la
fouftraâion d’une hauffe , de baiffer , hauffer ou
changer le ton de tout le diapazon à la fois , &
ôter ainfi tout lë défavantage de cet inftrument,
qui eft de contraindre les voix de chanter à fon
ton. L’auteur a déjà pouffé la perfeâion de cette
invention jufqu’à quatre demfitons ; & cet habile
prêtré. iroit encore plus loin , s’il étoit aidé de
quelques faâeurs auffi adroits qu’il eft ingénieux
& inventif.
C O N S O N N A N T E .
La confonnante eft un grand inftrument de mu-
fique , inventé par l’abbé du Mont. La confonnante
participe du clavecin & de la harpe. Son
S U
corps eft comme un grand clavecin', pofé à-plomb
fur un piédeftal qui a des ;cordes des deux côtés
de fa table., lefquelles on .touche à la manière de
la harpe.
E p 1 n E T T E.
L’êpinette eft une forte de petit clavecin. Il y
en a de forme parallélogramme : & d’autres, qu’on'
appelle à Vitalienne , ont à peu près la figure du
clavecin : il y en a qui fonnent l’oâave , d’autres,
la quarte ou la quinte au deffus du Clavecin ; du
refte , c’eft la même faâure & la même mécanique:
Les épinettes n’ont qu’une feule corde fur chaque
touche., & qu’un feul rang de fautereaux.
L’on ignore le nom de l’inventeur de l’épinette
ou clavecin .ordinaire; l’on ne fait, ni le temps,
ni le lieu, où l’on a imaginé cet inftrument. Il y
a_ deux cens ans que l’épinette n’avoit que cinq
pieds de long fur vingt pouces de large, elle con-
tenoit environ trente touches ; il çommençoit au
fa quarte du preftant , & finiffoit à l'ut , odtave
de la clé de fol.
La mécanique des touches étoit, à peu près fem-
blable à celle d’aujourd’h ui, excepté qu’au lieu de
plume, le fautereau étoit armé d’un morceau de
cuir à peu près de la même manière que le pratique
aujourd’hui M. de Laine, maître de vielle, Si
M. Pafchal, faéleur de clavecin, tous deux réfi-
dens à Paris. Les fautereaux des anciens clavecins
n etoient point étoffés , de forte que les fons fe
confondoient : les cercles étoient de boyaux , par
confeqûent les fons étoient doux, mous ; l’hu-
mi.dite & la féchereffe défaccordoient chaque jour 1 inftrument. On trouve encore quelques -uns de
ces vieux clavecins dans Paris dans les grandes
villes des Pays-Bas Si de l’Allemagne.
Les épinettes ordinaires ont fix pieds de long Si
deux pieds & demi de large; elles font compofées
de deux claviers : je. fupérieur a un fautereau fur
chaque touche , le clavier inférieur porte deux
fautereaux à chaque touche l’un fait mouvoir une
corde à l’uniffon, & l’autre fait mouvoir une corde
à l’oââye.
On pourrait y ajouter, fans' beaucoup de dépenfe,
un quatrième fautereau rapproché du chevalet;
ce fautereau procurerait à la corde le fon
de la harpe.
On pourrait encore , fans frais , y appliquer
une petite règle qui glifferoit dans une couliffe ;
cette règle ferait .armée de peau de buffle, pour
empêcher en partie la vibration de la corde & lui
faire rendre un fon de luth.
Les meilleurs faâeurs d’épinettes ordinaires , ont
été les Rukers , réfidans à Anvers , qui vivoient
fur la fin du fièclfe dernier, & Jean Denis, de
Paris : mais depuis la mort des; Rukers, on . a-fait
quelques changemens avantageux à leurs épinettes.
1 • B on a donné plus d’étendue à fes claviers qui
INS n
’ n-avoieni que troiSfoâavës & demie-; ils commençaient
à: fa , oâavé au deffous de la clef de fa ,
& fin-iffoient à Yut-, douzième au deffus de la clé
de fo l ; l’on a ajouté une oâave aux baffes , Si
une quarte aux tons fupérieurs , en confervant le
même diapazon & la même forme : on y a ajouté
outre cela les machines fuffifantes pour imiter le
luth & la harpe : quelques perfonnes y ont joint
un petite orgue ; ce qui centuple l’agrémertt.
Il y a environ cent ans qu’au lieu de- cordes de,
boyaux,,1 l’on mit dans-l’épinette. des cordes de fer
& de cuivre ; l ’on arma les fautereaux dé plumes'
& d’étoffe, pour arrêter la vibration de la corde :
cette heureufe découverte a été depuis pratiquée
dans toutes les épinettes.
Épinette perpendiculaire. I
Dans le livre intitulé M Harmonie univerfélle 9
contenant la théorie , la pratique de la mufique , &
la compofition de toutes fortes d'injlrumens, par F.
Marin Merfenne de l’ordre des Minimes, à Paris,
chez Cramoify 1636, gras in-folio avec figures,
l’auteur donne le plan d’une épinette , dont le
Corps fonore & les cordes font perpendiculaires;
Cet inftrument étoit pour lors en ufage en Italie.
Cette épinette çommençoit au fol au deffus de la
clé de fa , & finiffoit à fol à l’oâave de la clé de
fo l ; par confeqûent elle n’avoit que deux octaves:
Le père Merfenne dit que cet inftrument avoit
le fon très-doux ; les fautereaux étoient emplumés
, & coûtaient horizontalement poiîr heurter
la corde. Le vice de cet inftrument étoit, que Fon
n’avoit pas encore pour lors inventé l’art d’arrêter
les vibrations de la corde par un morceau d?étoffe ;
les fons fe confondoient : mais aujourd’hui cette
épinette ou ce petit clavecin, n’auroit plus le même
inconvénient; & il aurait l’avantage de n’occuper
prefque point de place dans les appartemens ,
parce que le corps fonore ferait plaqué contre le
.mur.. :
J’obferve en paffant, que le plan de cet inftrument
engagea M. Berger, muficien de Grenoble ,
à ajouter un.clavier à une harpe drefinaire : mais le
nommé Frique, ouvrier allemand , qui travailloit
pour le' fieur Berger à Paris, en 1765 , vola &
emporta toute la mécanique & les plans de cet
inftrument qui étoit deftiné pour M. de la Reinière ,
fermier-général.
M A’ N I C- O R D E.
Le manicorde ou manicordion, eft un inftrument
de mufique en forme d’épinette.
Le manicorde eft plus ancien que le clavecin
:& l’épinette, comme le témoigne Scaliger , qui ne
lui donne au refte que 3 5 cordes.
On .préfume que les Allemands en font les in-;
venteurs.
B ij