
lorsqu’elles trouvent des parties dures ; & lorsqu’elles
font trop courtes, il eft très-difficile de les
faire entrer.
. Quand le terrain dans lequel on les enfonce ne
réfifte pas beaucoup, on Se contente feulement, félon
Palladio, de brûler la pointe pour la durcir, 8c
quelquefois auffi la tête, afin que les coups du
mouton ne l’éclatent point ; mais s’il fe trouve dans
le terrain des pierres, cailloux ou autres chofes qui
réfiftent & qui en èmouffent la pointe, on la garnit
alors d’un fabot ou lardoir, efpèce d’arnaature
de fer faifant la pointe , retenue 8c attachée au
pilot par trois ou quatre branches.
L’on peut encore en armer la tête d’une virole
de fer qu’on appelle frette , pour l’empêcher de
s’éclater, & l'on proportionne la diftance des pilots
a la quantité dont on croit avoir befoin pour rendre
les fondemens Solides. Mais il ne faut pas les approcher
l’un de l’autre, ajoute encore Palladio, de
plus d’un diamètre, afin qu’il puiffe relier allez de
terre pour les entretenir.
Lorfque l’on veut placer des pilots de bordage
ou de garde, entrelacés de palplanches le long des
fondemens, on fait à chacun d’eux, après les avoir
écarris, deux rainures oppofées l’une à l’autre de
deux pouces de profondeur fur toute leur longueur,
pour y enfoncer entre deux des palplanches qui
s y introduisent à couliffe, & dont l’épaiffeur diffère
félon la longueur : par exemple , fi elles ont
fix pieds, elles doivent avoir trois pouces d’épaif-
feur; fi elles -en ont douze, qui eft la plus grande
longueur qu’elles puiffent avoir , on leur donne
quatre pouces d’épaiffeur, & cette épaifTeur doit
déterminer la largeur des rainures fur les pilots ,
en obfervant de leur donner jufqu’aux environs
d’un pouce de jeu, afin qu’elles y puiffent entrer
plus facilement.
Pour joindre les palplanches avec les pilots, on
enfonce d abord deux pilots perpendiculairement
dans la terre, diftans l’un de l’autre de la largueur
des palplanches, qui eft ordinairement de douze à
quinze pouces, en les plaçant de manière que deux
rainures fe trouvent l’une vis-à-vis de l’autre.
Après cela, on enfonce, au refus du mouton, une
palplanche entre les deux, & on la fait entrer à
force entre les deux rainures ; enfuite on pofe à la
même diftance un pilot, & on enfonce comme auparavant
une autre palplanche, & on continue ainfi
de fuite à battre alternativement un pilot & une
palplanche.
Si le terrain réfiftoit à leur pointe, on pourroit
les armer, comme les pilots , d’un fabot de fer par
un bout, & d’une frette par l’autre.
On peut encore fonder fur pilotis, en commençant
d’abord par enfoncer le long des fondemens ,
au refus du mouton , des rangées de pilots éloignés
les uns des autres d’environ un pied ou deux, plus
ou moins, difpofés en échiquier ; en obfervant
toujours de placer les plus forts 8c les plus longs
dans les angles, ayant beaucoup plus befoin de
foliditê qu’ailleurs pour retenir la maçonnerie : en;
fuite on récépera tous les pilots au même niveau
fur lefquels on pofera un grillage de charpente ’
de manière qu’il fe trouve un pilot fous chaque
croifée, pour l’arrêter deffus avec une cheville à
tête perdue, après quoi on pourra enfoncer des
pilots de remplage, & élever enfuite les fondemens
à l’ordinaire : cette manière eft très-bonne &
très-folide.
Quoiqu’il arrive très-fouvent que l’on emploie
les pilots pour affermir un mauvais terrain, cependant
il fe.trouve des circonftances où l’on ne peut
les employer, fans courir un rifque évident.
Si l’on fondoit, par exemple, dans lin terrain aquatique
, fur un fable mouvant, 8cc. alors les pilots
feroient non-feulement très-nuifibles , mais encore
éventeroient les fources, & fourniroient une quantité
prodigieufe d’eau qui rendroit alors le terrain
beaucoup plus mauvais qu’auparavant : d’ailleurs,
on voit tous les jours que ces pilots ayant été enfoncés
au refus du mouton avec autant de difficulté
que dans un bon terrain, fortent de terre
quelques heures après, ou le lendemain, l’eau des
fources les ayant repouffés, en faifant effort pour
fortir ; de manière que l’on a renoncé à les employer
à cet ufage.
Si l’on entreprenoit de rapporter toutes les manières
de fonder, toutes les différentes qualités de
terrains, 8c toutes les différentes circonftances où
l’on fe trouve, on ne finiroit jamais.
Ce que l’on vient de voir eft prefque füffifant
pour que l’on puiffe de foi-même , avec un peu
d’intelligence 8c dé pratique, faire un choix judicieux
des différens moyens dont on peut fe fer*
v ir , & fuppléer aux inconvéniens qui furviennent
ordinairement dans le cours des ouvrages.
Des Fondemens dans Veau.
Ces fondemens fe font ou par épuifemens, ou
fans épuifemens.
Dans le premier cas on environne le terrain où
l’on veut fonder, de deux doubles rangs de pieux
garnis de madriers, retenus de liens.
On remplit l’intervalle de glaife ou autre terre
graffe, que l’on foule de manière à bien fermer les
interftices, après quoi on fait l’épuifement avec le
fecours des machines hydrauliques , & on l’entretient
pendant les çonftru&ions, que l’on faitàfec,
comme ailleurs.
Cette manière de conftruire pendant les épuifemens
, quoique facile , n’eft pas toujours fans in*
convéniens, fur-tout lorfque l’on fouille profondément
, comme on va le voir.
En 1750 , lors de l’établiffement d’une Ecole
royale Militaire , on forma le projet d’un puits
capable de fournir de l’eau en abondance, à H®1*
tatjon de celui de l’Hôtel des Invalides, dont le*
fources, venant du fond , font regardées com®e
intariffables.
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Ces deux puits, peu éloignés l’un de l’autre ,
fembloient auffi devoir différer bien peu dans leur
conftruétion. Oh fe trompa ; car aux Invalides, la
fource du fond fe trouva à foixante pieds de profondeur
, 8c à l’Ecole royale Militaire à cent quarante
piedsv
. Pour la conftruélion de ce dernier , on employa
trois années entières , fans aucune interruption de
jour ni de nuit.
On commença par une excavation A , pi. V i l ,
fig. 1, art de la Maçonnerie, tome 3 des gravures, de
trente-fix pieds de diamètre, dans laquelle on plaça
une efpèce de cuve B B en charpente, avec des
madriers C C , bien affembiés & ferrés , à deffein
de la faire defcendre, 8c de la remplacer par de
femblables , à mefure qu’on avançoit la fouille.
Mais tandis qu’on fouilloit, les terres extérieures
s’ébouloient, 8c preffant inégalement la cuve , en
retenoient une partie , tandis que l’autre defcen-
doit. On établit alors un fort mouton , pour faire
defcendre la partie retenue ; mais inutilement.
On continua la fouille jufqu’à trente - quatre
pieds, & l’on plaça dans l’intérieur une femblable
cuve D D , mais plus petite.
Peu après parut la nape d’eau , qu’on épuifa,
& enfuite un banc de'glaife : mais plus on fouil-
loit, plus les eaux 8c les éboulis arrivoient en
abondance.
Les cuves demeuroient & fe rompoient par la
preffion des terres , au point qu’on prit le parti de
pofer le rouet, d’élever deffus la maçonnerie E E ,
bien cramponnée, & de faire defcendre le tout en
fouillant deffous.
Les premières affifes firent d’abord pencher le
niveau ; mais un peu d’art le redreffa, & l’on continua
de charger avec de nouvelles affifes, & de
fouiller, jufqu’à ce qu’enfin à quatre-vingt pieds
de profondeur, fept ou huit de ces affifes F F fe
détachèrent & defcendirent, tandis que les autres,
faifant environ foixante pieds de hauteur, demeu-
roient en l’air : évènement qui étonna.
Cependant on rejoignit les deux maçonneries EE
& F F avec d’autres affifes, & l’on moifa le tout
avec un affemblage de forte charpente G G.
L opération finie, on fouilla de nouveau , 8c tout
defceridit de quelques pieds , pour refter en l’air,
comme auparavant.
Pendant ce temps-là, les épuifemens fe conti-
nuoient, mais à l’extérieur des fouilles 8c fort peu
dans l’intérieur , depuis qu’un banc de glaife de
quatre-vingt pieds d’épaiffeur, preffant l’extérieur .
d - la maçonnerie, retenoit une partie des eaux de
la furface de la terre.
On fe détermina donc à conftruire en fous-oeuvre
lln ailtre puits H H , que l’on chargea auffi peu à
peu de maçonnerie. Ce dernier defcendit d’environ
trente pieds, 8c demeura.en l’air comme le précé-
e?t* Oefefpéré , l’on prit le parti de fonder.
La fonde rapporta des terres de différente nature
°ue cehes qu’on avoit vues jufqu’alors, 8c qui annonçoient
des fources prochaines. On reprit courage
& l’on fouilla, retenant pour lors les terres
avec un hexagone 1 1 de palplanches couchées &
affemblées par les extrémités, que l’on pofoit à mefure.
On defcendit ainfi environ vingt-quatre pieds ,
& l’on découvrit enfin le fable bouillant qui con-
tenoit les fources.
On détacha promptement toutes les machines ,
laiffant flotter le bois; 8c les eaux du fond, réu-.
nies à celles de la terre, remontant à leur niveau
naturel , laiffèrent dans ce puits une profondeur
d’eaü d’environ cent dix pieds.
Le deuxième cas a lieu dans les bras de mer,"
lacs , étangs, & dans tous les lieux où les épuifemens
deviendroient trop difpendieux ou impraticables.
Pour fonder en mer, on prend le temps de la
marée baffe, pendant lequel on unit le terrain, on
plante les repaires & les alignemens. On emplit en-
fuite plufieurs bateaux des matériaux néceffaires ,
que l’on approche pendant la marée haute ; 8c, par
un temps commode, on jette où l’on veut bâtir,
des moellons , pierres ou caillo.ux les plus gros,
fur les bords, avec le meilleur mortier poffible *
dont on fait plufieurs lits de loin 8c de fon mieux.
L’on comprend pour ce maflif A A , fig. 2 , plus
d’emplacement que l’édifice n’en peut contenir, afin
qn’autour des murs il y ait un empâtement affez
grand pour en affurer le pied, auquel on donne un
talud d’une fois & demie ou deux fois la hauteur :
on l’environne quelquefois de pieux B B , pour le
préferver des dégradations qui pourroient arriver
dans la fuite, 8c l’on travaille ainfi par reprifes t
fans qu’il puiffe en réfulter aucun danger.
La maçonnerie une fois élevée au deffus des
eaux , taffe 8c prend confiftance ; après quoi on
pofe un grillage de charpente, fur lequel on bâtit,
comme nous l’avons vu.
La manière de fonder dans les lacs & les étangs
eft par cailloux, fig. 3 , dont le fond en charpente
eft couvert de madriers bien calfatés , 8c les bords
garnis de manière que les eaux ne puiffent s’y introduire.
Leur hauteur doit excéder la profondeur des
eaux où ils doivent être placés, à laquelle on ajoute
au befoin des hauffes, afin que les ouvriers n’en
foient point incommodés.
Si le fond eft en pente, on le redreffe, en jetant
çà & là , & prefque à l’aventure, une quantité
de cailloux 8c pierres, jufqu’à ce que le terrain
fe trouve à peu près de niveau.
On arrange enfuite les cailloux A A , fig. 4, $ & 6;
on les fixe d’alignement, 8c on les remplit de bonne
maçonnerie B B.
A mefure que l'ouvrage avance , fon propre
poids le fait defcendre 8c prendre affiette au fond
de l’eau.
Cette manière de fonder eft très-folide , 8c d’un
grand ufage fur les bords de la mer 8c aux en-
yirons^
Pp ij