
I l eft à remarquer que tous les inftrumens à
cordes des anciens , fe pinçoient avec les doigts
ou avec un pleEtrum , 8c -que l’archet leur étoit
inconnu. Aucun de leurs auteurs n’en parle , &
l’on n’en trouve point fur les bas - reliefs authentiques.
Dom Montfaucon eft le feul qui repré-
fente Orphée, jouant d’un véritable violon avec
un archet ; & il cite pour fon autorité le cabinet
de Maffei. Mais il eft à préfumer que cette figure
a été mal copiée, & cela eft d’autant plus vrai-
femblable , que la figure paroît deflinée d’après un
cachet ou gravure en pierre , & que la petiteffe
des figures , jointe au préjugé, a fort bien pu
tromper le deffmateur. ;
Paffons préfentement à la defcription de ces
inftrumens.
I.
Des Instrument a cordes et a touches.
C l a v e c i n .
Le clavecin eft un infiniment de mélodie &
d’harmonie , dont l’on fait parier les cordés eh
preffant les touches d’un clavier femblable à celui
de l’orgue.
Le clavecin eft compofé d’une caille triangulaire
, qui a environ fix pieds & demi dans fa
plus grande longueur. Voyez pl. X , X I & X I I de
Lutherie , tome III des gravures.
PL X . La fig. i A C D B , repréfente un clavecin
.L
es côtés I F , F D , G C , E L , qui forment
le pourtour , s’appellent édifies. Les édifies font
ordinairement de tilleul; elles font aflemblées les
unes avec les autres en peigne & en queue d’a-
ronde.
On fait l’écliffe concave F B D G »de trois ou
quatre pièces plus ou moins, afin de lui donner
plus facilement la courbure qu’elle doit avoir.
Après que les édifies font préparées , on les af-
femble avec le fond de la caifie qui eft ordinairement
de fapin, d’un denii-pouce d’épaiffeur, &
dont les pièces font collées & aflemblées à rainure
& languette ; on arrête ces édifies fur le fond fur
lequel elles doivent porter & être collées , avec
des pointes (forte de petits clous) qui le traver-
fent & entrent enfuite dans les édifies ; on colle
enfuite plufieurs barres de fapin ou de tilleul fur
. le fond & en travers : ces barres qui font difpo-
fées comme celle du pied, pl. X I , fig. 2 , & qui
doivent être clouées fur le fond, , fervent à l’empêcher
de voiler. fur la largeur ; les édifies des
côtés faifant le même office pour la longueur.
On fixe ai nu ces mêmes barres contre les parois
intérieures des édifies, avec dès pointes &
de la colle.
On peut pratiquer , pour faire réchauffer &
prendre plus fortement la colle, les mêmes moyens
que l’on pratique pour coller les tuyaux de bois
des orgues.
La caifie étant préparée, on y aflemble le fom-
mier, qui eft une pièce de bois de chêne A B ,
pl. X I , fig. 2, de près de trois pouces d’épaiffeur,
dont on fait entrer les extrémités faites en tenon
dans les édifies latérales K B M A , pl. X , fig. 1;
on l’arrête dans les mortaifes , qui ne doivent
point traverfer d’outre en outre les édifies, avec
de la colle & quelques pointes : on affujettit le
tout par le moyen d’un fergent (outil de menui-
fier ) , jùfqu’à ce que la colle foit sèche & le fom-
mier bien affermi.
Sur le fommier, après'l’avoir revêtu au deflus
d’une planche mince , de même fapin que celui de
la table, afin qu’il paroiffe ne faire qu’une même
pièce avec elle, on colle deux chevalets; & plus
haut, vers la partie antérieure, on perce trois
rangées de trous pour recevoir les chevilles de
fer; au moyen defquelles on tend les cordes.
On ajufte enfuite la barre E F de tilleul ou de
vieux fapin, d’un demi-pouce d’épaifieur, pofée
parallèlement au fommier dont elle eft éloignée
d’environ d;vx pouces.
Cette barre, qui eft collée & ernrhortaifée dans
les édifies latérales comme le fommier , a trois ou
quatre pouces de large dans quelques clavecins ;
elle defcend jufqu’au fond de la caifie où elle eft
collée, enforte que l’entrée de la caifie eft totalement
fermée du côté des claviers ; alors on ne
fauroit fe difpenfer de faire une rofe à la table ,
pour- donner iffue à l’air contenu dans l’inftru-
ment.
On colle enfuite autour de la caifie, à la partie
intérieure des édifies, des tringles de bois r, s, t ,u ,
fig. 2 y pl. XIy d’environ huit lignes de large fur un
demi-pouce d’épaiffeur ; ces tringles doivent être
fortement arrêtées par des pointes & de la colle,
enforte qu’elles ne puiffent point s’en détacher.
Après que ces-tringles font affermies en place ,
à environ deux pouces de la rive fupérieure des
édifies, à laquelle elles doivent être parallèles, on.
colle les anfes ou barres fourchues T , V , X , Y , Z ,
qui appuient d’un bout contre les tringles r , s , t ,u ,
de l’écliffe concave, & de la pièce G C feulement;
& de l’autre bout contre la traverfe G H , qu’on
appelle contre-fommier. -
Ces barres, qüi font d’un excellent ufage, fou-
tiennent l’effort des cordes qui tend à rapprocher
l’édifie concave du fommier, ainfi qu’on en peut
juger par la corde i i de la figure 2.
Plufieurs fadeurs négligent cependant d’en faire
ufage : alors ils font obligés de donner-plus d’é-:
paiffeur aux édifies , pour les mettre en état de
réfifter à ladion des cordes ; ce qui rend l’inftm-
ment plus fourd : encore voit-on fcuvent les tables
des inftrumens non-barrés, voiler & devenir
gauches.
On fait enfuite une planche C {D , que l’on colle
à'la partie antérieure du fommier : cette planche,
ornée de moulures dans tout fon pourtour , eft af-
femblée à queue d’aronde avec les édifiés , & elle
répond au deflus des daviers, comme on peu! voir
en S T de la première figure, pl. BÉ
On fait la table qui doit être de fapin de Hollande,
fans noeuds, ni gerçures, que l’on refend
à l’épaiffeur de deux lignes ou environ ; on dreffe
bien chaque planche fur le champ & fur plat, qui
ne doit pas avoir plus d’un demi-pied de large,
parce qu’une table compofée de pièces larges eft
plus fujette à fe tourmenter & à gauchir.
On obfervera de n’affembler les pièces qui doivent
compofer la table , que long - temps après
qii’elles auront été débitées, & de choifir le meilleur
& le plus vieux bois qu’on pourra trouver;
d’autant plus qu’après la bonne difpofition de tout
Fouvrage, c’eft de la bonté de la table que dépend
celle de l’inftrument.
Lorfqu’on voudra afiembler les pièces , on les
dreffera de nouveau fur le champ : & oh les collera
deux à deux avec de la colle de poiffon, la
meilleure qu’on pourra trouver; lorfque ces premiers
affemblages feront fecs , 011 dreffera leurs
rives extérieures pour les afiembler entre eux ,
jufqu’à une quantité fuffifante pour occuper tout
le vide de la caifie.
On doit remarquer que le fil du bois doit être
du même fens quelles cordes fur l ’inftr liment, c’eft-
à-dire en long, & non en large.
Lorfque la''table eft entièrement collée, on l’applique
fur un établi bien uni & bien drefié, l’endroit
ou le deflus tourné en deffous ; on rabote ce côté ;
on le racle avec un racloir (outil d’ébénifte) ; on
retourne enfuite la table de l’autre côté, on y fait
la même Opération , & on la réduit à une ligne
au plus d’épaiffeur.
Lorfque la table eft achevée, On la barre par
deffous avec de petites tringles de fapin a, b , c , d ,
ƒ , fig. 3 , pl. X I , pofées de champ : ces tringles
n’ont qu’une ligne & demie ou deux lignes
d’afiiette, fur environ un demi-pouce de haut;
elles font applaties par leurs extrémités.
A ces tringles en communiquent d’autres encore
plus mènues , 1 , 2 , 3 , 4 > &c. > même figure.
Aucune de ces tringles, foit grandes, foit petites ,
ne doit être mife ni en long , félon le fil du bois ,
ni même exactement en travers : le moins qu’on en
peut employer eft toujours le meilleur ; il fuffit
qu’il y en ait affez pour empêcher la table de
Voiler, & pour fervir de lien aux pièces qui la
compofent.
On place enfuite fur le deflus de la table les
deux chevalets a c , d b, fig. 1 , pl. X ; favoir, le
chevalet a c , qui eft le plus bas, du côté du fommier,
à quatre pieds ou quatre pieds & demi ou
environ de diftance ; l’autre d b , qui eft le plus
haut, & qu’on appelle la grande S , comme l’autre
la petite s , doit être collé à environ quatre ou
cinq pouces loin de l’écUffe concave B D C , dont
il doit fuiyre la courbure.
Les chevalets doivent avoir une arête fort aiguë
,. du côté de la partie vibrante des cordes ;
ils font garnis fur cette arête de pointes de laiton
ou dé fer,, contre lefquelles appuient.les cordes;
on perce enfuite un trou R pour la rofe.
La rofe eft un petit ouvrage ’de carton très-délié ,
fait en forme de cuvette ou d’étoile, du fond de
laquelle s’élève une petite pyramide de même matière
: fout cet ouvrage peint & doré, eft percé
à jour, & ne fert que d’ornement, atiffi bien que la
couronne de fleurs, peinte en détrempe, dont on
l’entoure.
Entre les deux chevalets a c, b d, eft un rang
de pointes e d , enfoncées obliquement dans la
table : ces pointes fervent à accrocher les anneaux
des cordes de la petite oélave ; de même que des
pointes fichées dans la moulure, qui règne le long
de l’écliffe concave B D C , fervent à retenir celles
des deux unifions.
Toutes les cordes, après avoir paffê fur deux
chevalets, un de la table, & l’autre du fommier,
vont fe tortiller autour de ces chevilles, au moyen
defquelles on leur donne un degré detenfion convenable
, pour les faire arriver au ton qu’elles doivent
rendre.
On colle enfuite la table fur les tringles r , s ‘%
t , u , pl. X I , fig. 2 , & la barre E F ; il faut prendre
un grand foin qu’elle foit bien appliquée &
collée.
■ Sur la table & autour des édifies, on colle de
petites moulures de bois de tilleul : ces moulures
fervent à-la-fois d’ornement, & affe.rmiffent la
table furies tringles..'
On fait enfuite les claviers, que l’on place à la
partie antérieure du clavecin , comme on voit dans
la pl. X , fig. 1. Les queûes des touches doivent
paffer par deffous le fommier , & répondre au
deffous de l’ouverture x y , fig. 2 , par où les fau-
teraux defcendent fur les queues des touches, qui
les font lever lorfqu’on abaiffe leur partie antérieure
b, d, & pincer la corde qui leur répond par
le moyen de la plume de corbeau , dont leurs languettes
font armées.
Un des deux claviers eft mobile dans la jwM 1 ;
c’eft le clavier inférieur qui fe tire en dedans par
le moyen des pommelles X , fig. /, pl. X , fixées
dans les bras ou côtés : fa marche eft terminée
par la rencontre de la barre M K , qui termine la
partie antérieure du clavecin.
Les touches du clavier inférieur font hauffer les
touches du fécond clavier, par le moyen des pilotes
qui répondent, lorfque le clavier eft tiré,
fous les talons qui font au deffous des queues des
touches du fécond clavier.
Elles ceffent de les mouvoir lorfque le clavier
eft pouffé, parce que la pilote paffe au - delà du
talon, ou de l’extrémité de la touche du fécond
clavier, aux touches duquel répond le premier rang
A ÿ