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Pour que le mercure puifle s'amalgamer avec
l’or ou l’argent, il faut que les matières parmi
lefquelles ils font mêlés, foient bien brûlées, lavées
& dejfalées.
Premier procédé.
On doit commencer par ratifier tous les inftru-
mens qui ont touché l’or ou l’argent dans leur
fufion ; enfuite il faut piler les creufets dans lesquels
on a fondu, ou les autres vafes qui ont fervi
à cet ufage , parce qu’ordinairement il refie des
grains attachés aux parois , & que d’ailleurs les
creufets de la terre la moins poreufe boivent toujours
un peu de matière.
Il faut aufli piler le lut qui eft autour des fourneaux
à fondre, fur - tout la forge à recuire ; il
faut pafler toute la poudre dans un tamis de foie
le plus fin qu’il eft poflible ; ce qui ne peut pas
pafler au travers du tamis, doit être de la matière
qui a été applatie en pilant & qu’il faut mettre à
part.
La matière qui a traverfé le tamis doit être
lavée à la main, parce qu’elle ne fait jamais un
objet confid érable, & que les parties de métal
qui font dedans font toujours pefaute s : on peut
les retirer par la fimple lotion; il faut laver cette
matière dans un vafe de terre cuite & verniflee,
en forme de coupe un peu plate.
Cette coupe doit être pofée dans un autre grand
vafe que l ’on emplit d’eau : on met la matière
dans la petite coupe, & on la plonge dans le grand
vafe en l’agitant doucement avec les doigts, juf-
qu’à ce que toute la poudre foit fortie.
Ce qui fe trouve après cette lotion au fond de
la petite coupe, comme des points noirs ou autres
couleurs, mais pefant, doit être joint avec ce qui
n’a pas pu pafler au travers du tamis, & fondu
cnfemble avec un bon flux.
Si on meloit ce produit avec les cendres de la
lavure qui doivent efluyer toutes les opérations
néceflaires pour retrouver l’or & l’argent, il y
auroit du danger de le perdre ou pour le moins
un certain déchet.
La terre reliante qui a pafle au travers du tamis
, doit être mife dans une grande cuve deftinée
à recevoir tout ce qui doit être lavé, & dans laquelle
on aura foin de mettre les fables qui ont
fervi à mouler, car ces fables contiennent de la
matière; mais comme elle y a été jetée étant en
fufion , ellé a par conféquent aflfez de pefanteur
pour favorifer l’aira’gation avec le mercure.
Second procédé.
Une des principales chofes que l’on doive faire
dans la préparation d’une lavure , c’eft de brûler
fi parfaitement tout ce qui doit pafler dans le
moulin au vif-argent, que toutes les parties métalliques
foient réduites en gouttes ou grains, ne
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pas épargner pour cela le charbon ni les foins '
parce qu’ils fe retrouvent bien avec ufure.
Premièrement , le propriétaire de cette lavure
jouit d’abord, après le procédé de la lotion, de
la plus grande partie de ce qui eft dans les terres
comme on le verra au troifième procédé, mais
encore il ne perd rien des matières qui y font
contenues , dont il perdroit une partie s’il les
brûloit mal ; car on a obfervé, .après plufieurs ef-
fais faits fur la terre que les ouvriers appellent
regrats de lavure , qui avoient été paffés trois fois
fur le mercure , qu’il reftoit cependant depuis deux
jufqu’à quatre grains d’or fur chaque livre de terre
sèche, provenant de lavure d’ouvriers travaillant
en or ; ce qui ne vient d’autre caufe que parce
qu’on les avoit mal brûlées.
On conçoit aifément que fi on laifle ces petites
parties d’or qui font prefque imperceptibles , &
qui ont une grande furface en comparaifon de leur
poids , fans les réduire en grains , leur légèreté
les fera flotter fur l’eau & les empêchera d’aller
au fond de la bafline du moulin à mercure pour
s’amalgamer avec lui : au contraire, fi on a allez
brûlé les cendres pour fondre ces petites particules
, elles prennent une forme en raifon de leur
poids , qui les fait précipiter quelque petites
qu’elles foient, & le mercure s’en faifit avec une
très-grande facilité.
Les terres , balayures ou débris d’un laboratoire
dans lequel on travaille des matières d’or ou d’argent
, doivent être brûlées dans un fourneau à
vent fait exprès.
Ge fourneau eft fphérique , de fix pouces de diamètre
, fur quatre pieds de hauteur : il coniume
très-peu de charbon & donne beaucoup de chaleur.
Le vent entre de tous côtés par des trous
d’un pouce de diamètre faits tout autour, & par
le cendrier qui eft tout ouvert. Il a trois foyers
les uns au deflus des autres, & trois portes pour
mettre le charbon , avec trois grilles pour le retenir
à la diftance de huit pouces les unes des
autres.
On met la terre à brûler dans le fourneau fii*
périeur, par deflus le charbon & après qu’il eft
allumé.
Comme ce fourneau donne très-chaud, la terre
fe brûle déjà bien dans ce premier foyer; niais
à mefure que le charbon fe confirme , la terre
defeend dans le fécond fourneau à travers la grille,
où elle fe brûle encore mieux; & enfin dans w
troifième, où elle fe perfectionne.
Il faut avoir foin, lorfque le charbon du fourneau
fupérieur eft brûlé, d’ôter la porte, de nettoyer
& faire tomber toutes les cendres qui font
autour : on en fait de même du fécond & de
celui d’en bas , après quoi on continue l’operation.
Par ce moyen là les cendres font très-bien
brûlées , & prefque toutes les paillettes réduites
en grain; ce qui eft un des points effentiels.
Lorfqu’on
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Lorfqu’on ne brûle- les cendres que dans un feul
fourneau, il eft prefque impoflibie qu’elles foient
bien brûlées , parce qu’elles ne peuvent pas relier
fur le charbon qui fe dérange en fe confirmant.
Les cendres gliflent au travers , paflent par les
intervalles & tombent dans le cendrier, quelque
ferrée que foit la grille. Par conféquent la matière
refte dans le même état qu’on l’a mife : on croit
avoir bien calciné, & on n’a rien fait.
Le fourneau à trois foyers doit être préféré à
un fimple fourneau dans lequel on brûleroit trois
fois les cendres, parce qu’à chaque fois elles fe
refroidiflent, & c’eft un ouvrage à recommencer;
au lieu que par . l’autre méthode l’opération n’eft
point difeontinuée , elle eft-plus prompte & plus
parfaite.
Les cendres étant bien brûlées , il faut faire
l’opération qu’on a faite fur les creufets , tamifer
& conferver ce qui ne peut pafler au travers du
tamis fans le mêler avec les cendres paflees, mais
en faire l’aflemblage avec celles provenues du
premier procédé.
Troifième procédé.
S’il eft néceflaire de bien brûler les terres ,
cendres, &c. que l’on veut broyer avec le mer- 1
cure , il n’eft pas moins important de les bien
dejfaler, afin que le mercure puifle mordre deflus :
c’eft pourquoi il convient de laifler tremper dans
l’eau, pendant trois jours au moins , les cendres
qu’on veut laver,' en changeant d’eau toutes les
vingt-quatre heures. L’on doit porter beaucoup
de foin à cette lotion, parce qu’en lavant d’une
manière convenable, on retire la plus grofle portion
du contenu dans les cendres.
, Pour bien laver il faut une machine faite exprès
, & fur-tout lorfqu’on a beaucoup à la v er,
I comme dans les monnoies ou autres ateliers con-
‘ fidérables.
Cette machine eft une efpèce de tonneau , à
' peu près de la figure des moulins à mercure, dont
| le fond , qui eft cependant de bois, eft un peu
i en fphère creufe.
L’arbre de fer qui eft au milieu, comme celui
| des moulins à mercure, porte des bandés de fer
plates, & larges d’environ deux pouces, qui le
traverfent.de haut en bas en croix, à la diftance
| de fix pouces les unes des autres, ayant de même
| une manivelle en haut de l’arbre, que l’on tourne
| pour agiter la matière ; ce qui contribue merveil-
| leufement à la divifer, laver & defîaler.
Il faut placer le_ tonneau à laver au milieu d’une
grande cuve v id e , qui ait des trous à fes douves
pour écouler l’eau, depuis, le bas jufqu’en haut,
[ ^ la diftance,. d’un pouce les uns des autres; Il
fout faire cette opération, s’il eft poflible, proche
! dune pompe ou d’un puits, dont l’eau foit nette
; « pure.
On doit commencer par mettre de l’eau dans
Arts 6* Métiers• Tome IF . Partie I.
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le tonneau ; car fi l’on met la matière épaifle la
première , elle s’engorge;; on ne peut point tourner
la manivelle & faire mouvoir l’arbre. Elle fe
doit mettre peii à peu.
Quand on a agité cette première matière l’ef-
pace d’un quart-d’heure, il faut la laifler repofer
pendant une heure au moins, après quoi ori fait
jouer la pompe, de façon que l’eau coule très-
doucement dans le tonneau à laver.
Pendant qu’on tourne la manivelle , ce qui peut
fe faire par le moyen d’un long tuyau, 'mettez
aflez d’eau pouf qu’elle regorge du tonneau &
ehtraîne avec elle toutes les cendres légères dans
la cuve , & il ne reliera- prefque que la matière
métallique que fa pefanteur y aura fait précipiter :
il faut la retirer & la mettre à part pour être
achevée d’être lavée à- la main, fuivant le procédé1
de la première opération.
Lai nez après cela repofer la matière qui eft dans
la cuve, jnfqu’à ce que l’eau foit claire ; après
quoi ouvrez un des bouchons qui eft à la cuve,
à la hauteur de la matière que vous jugerez être
dedans, que l’on peut mefurer ; & plutôt le bouchon
fupérieur que l’inférieur , parce que vous
êtes toujours à temps d’ouvrir celui de deflous ;
& au contraire fi vous ouvrez trop bas , vous
laiflerez échapper la matière.
Continuez l’opération fur le refte des cendres
jufqu’à ce qu’elles aient toutes été lavées de cette
manière.
Mettez enfuite cette terre lavée dans la grande
cuve, où vous avez déjà placé le refte de la terré
provenant des creufets , pour le tout être pafle
& broyé avec le vif-argent.
Pour ce qui eft des matières métalliques qui font
reftées à chaque lotion au fond du tonneau , &
que l’on achève de laver a la main , on .en fait
Paflemblage, comme il eft dit ci-devant , pour la
matière provenant des creufets.
Par cette lotion , on retire non - feulement les
trois-quarts de la matière contenue dans les terres
ou cendres, mais encore le refte fe trouve beaucoup
mieux préparé pour être moulu ; car lorfque
la matière eft talée , cela lui donne tin gras qui
la fait gliffer fur le mercure, & ne fauroit s’amalgamer
avec lui; c’eft inutilement qu’on fait cette
trituration fans cette condition..
Quatrième procédé.
Après ces trois procédés de piler, brûler & laver,
il. faut broyer les cendres lavées dans le moulin
à mercure, & obferver que le mercure foit bien
propre & pur. IL en faut mettre aflez pour que
toute la furface de la bafline en foit couverte ,
& à proportion de la pefanteur des croifées.
^près cela on charge les moulins de cendres
à broyer ; on en met environ quinze livres mouillées
, ce qui revient à dix livres de sèches, fur
trente livres de vif-argent, & l’on broie cela .très*.
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