
ne puiffe ôter ; car autrement, loin de fervir à
conferver les bons verres, ils pourroient fouvent
les gâter, en apportant des ordures fur la forme;
ceft pourquoi on doit les tenir auffi proprement
que les bons verres.
La troifième chofe néceffaire pour préparer le
verre au travail, c ’eût un bifeau qu’on doit y faire
tout autour. C a r , quoique le verre jufqu ici préparé
foit déjà rondémgnt coupé au grugeoir fur le
trait du diamant , il a néanmoins encore befoi.n
d’être exactement arrondi, avant que d’être expofé
fur la forme qu’on veut lui donner.
Pour donner donc ce bifeau au v erre, l’on
prendra la forme de la plus petite fphère, appelée
dèbordoir, dans laquelle çe verre pourra entrer
d’environ un demi-pouce, l’afFermiffant bien avec
du mafiic fur une table folide , qui ne doit pas
excéder la hauteur commode, pour avoir la liberté
entière du mouvement du corps dans le travail ;
& ayant mis du grès du premier degré de groffeur
dans cette forme avec un peu d’eau, on y tra^
.vaillera les bords du verre , l’appuyant d’abord
ferme, & obfervant de la main s’il n’y porte point
en bafçule.
On fera parcourir à ce verre , le preffant en le
tournant contre la forme, toute fa fuperfieie concave
, pour ne la point décentrer, & l’ufer également
& régulièrement ; & lorûqu’on verra le bifeau
approcher de la largeur qu’on veut lui donner,
on ne changera plus le grès de la forme pour
qu’il s’adouc'iffe : on en ôtera même peu à peu
poyr l’adoucir plus promptement; caE iln’eft pas
néceffaire de le conduire par cet adouciffement au
p o li, & il fuffit qu’il le foit médiocrement pourvu
qu’il ait l’angle bien vif.
Ce bifeau 'achevé, on lavera bien ce verre ainfi
que le maftic de la molette, l’effuyant d’un linge
bien net, & le mettant dans un lieu propre & hors
de danger.
On remettra enfuite d’autre grès dans la même
forme, pour donner de même le bifeau au verre
d’eprçuve ; on le lavera de même, le tenant aufli
proprement que lé bon, & on nettoiera la forme
dont on s’eft* fervi.
Manière de travailler le verre, & de le conduire fur
la forme à la main libre & coulante.
_ Lé v e r r e étant entièrement préparé,. comme on
vient de d i r e , ju fq u ’à être monté fur la molette,
on affermira la platine qui doit fervir à le former
fur une table de hauteur convenable, & placée
bien horizontalement ; & après, avoir mis deffus
du grès de la première forme, peu néanmoins à-
la fois, c’eit-à-dire, autant feulement qu’il en faut
pour couvrir fimplement fa fuperfieie, & l’avoir
également étendu avec le pinceau , on commencera
par y paffer le verre d’épreuve p ou r l’égaler.
On conduira fa molette en tournant par circu,-
lations fréquentes, premièrement tout autour de
fa circonférence; puis en defçendant tout autour
du centre & for le centre même, & enfuite re» I
montant de même doucement & par le même I
chemin vers la circonférence.
Ce verre d’épreuve ayant ainfi parcouru toute I
la fuperfieie de la forme & tout le grès ayant paffé I
deffous , on Votera pour y mettre le bon verre & I
l’y travailler.
Le verre étant fuffifamment preffé fur la forme I
par le poids de la molette ; il- eût inutile de le I
preffer davantage de la main, & il fuffit de le I
conduire bien également & fermement d’un train I
continu & non entrecoupé. C ’eût pourquoi il fuffit I
de le diriger d’une feul main, tenant la molette I
de . façon que , tous les doigts appuyant fur la I
doucine de fa plate - bande, le fommet ou globe I
de la molette fe trouve environ fous le doig t du I
milieu.
Voilà ce qui concerne fon premier mouvement; I
mais il ne fuffit pas pour former le verre parfais I
tement, il faut encore lui en donner un .autre qui ! I
ne doit pas être local comme le premier, mais I
fur l’axe de fa molette. Conduifant donc celle-ci I
circulairement, il la faut encore en même temps I
tourner continuellement entre les doigts, comme I
fur un axe propre de la molette, qui, la traver- I
fant, tomberoit perpendiculairement for la forme I
par le centre de fa fuperfieie & de la fphéricité I
du verre ; afin que fi la main, par quelque défaut I
naturel, preffoit la molette plus d’un côté que de I
l’autre, cet effort foit également partagé dans fon I
effet for toute la circonférence du verre, & qu’é» I
tant fuppléé par ce fécond mouvement, il ne caufe I
aucun obffacle à la formation parfaite du verre. I
Comme le grès, étant trop affoibli par le tra- I
v ail, n’agit plus que 'fort-lentement fur le verre, I
lorfqu’on le fentira foible, l’on en changera ; -& y I
en mettant de nouveau, on l’égalera de même I
que la première fois avec le verre d’épreuve.
Continuant enfuite le travail du bon verre fur i I
ce nouveau grès, l’on réitérera de le changer juf- I
qu’à ce que le verre approche d’être entièrement I
atteint de la forme. Car alorsfans le plus chan- I
ger, on achèvera de le former & de l’adoucir avec I
ce même grès;, s’il y en a fuffifamment, finon on I
y en ajoutera d’autre du même degré de force, I
que l’on aura confervé.
On l’égalera toujours parfaitement avec le verre I
d’épreuve , avant d’y commettre- le bon , pour I
éviter qu’il ne rencontre quelque grain moins égal,
qui pourroit le gâter lorfqu’il eft à la veille d’être
entièrement formé : on continuera donc de travailler
ce verre avec ce grès affoibli qui ne fera
plus que l’adoucir, jufqu’à ce qu’on fente à la
main qu’il ne travaille plus ; alors nettoyant le verre,
o.n examinera s’il n’a point de défauts importait
qu’il ait pu contraéler dans le travail, comme des
filandres , ou des traits- confidér-ablës, ou des flocons
qui fe foiënt ouverts dans un- lieu défavanta-
geux , comme près du- centre ; car dès qu’on apper-
çoit de femblables- défauts , fans pafierplus avant,
ce qui feroit du temps & du travail perdu, il faut
les ôter, remettant du grès fur la forme du degré
de force qu’on jugera néceffaire pour cet effet, &
le retravailler de nouveau comme on a dit, jufqu’à
ce qu’on ait ôté le défaut & qu’on puiffe le reconduire
de même par l’adouciffement du poli.
Peu importe qu’on faffe ce travail à grès feç ou
humide ; mais fi l’on a travaillé à fec, il faudra ,
pour perfectionner l’adouciffement du verre, bien
nettoyer la forme & les verres, tant le bon que
celui d’épreuve, pour qu’il n’y refie ni grain ni
ordure, & mettre enfuite for la forme un peu de
grès de la dernière fineffe, que l’on humeélera
d’un peu d’eau, & fur lequel on travaillera d’abord
le verre d’épreuve, jufqu’à ce qu’on, fente ce
grès dans la douceur qu’il doit avoir pour perfectionner
l’adouciffement du bon v erre, qu’on mettra
deffus pour l’achever avec attention & patience; je
dis avec patience , parce que le verre fe polit d’autant
plus régulièrement, sûrement & promptement,
qu’il eft plus parfaitement adouci. Il ne faut donc
pas penfer qu’il foit fuffifamment adouci, qu’il ne
paroiffe à demi poli en fortant de deffus la forme.
Pour bien adoucir un verre, il faut avoir foin
de ne laiffer fur la forme qu’autant de grès qu’il
en faut pour la couvrir fimplement., & en ô,ter
même de temps en temps en nettoyant les bords,
tant de la forme que de la molette, où fe jette &
s’arrête ordinairement ce qu’il y a de moins dé-
licat & de moins propre pour i’adoueiffement du
verre; & lorfqu’on fentira le grès s’épaîifir & fe
rendre en confiûtance trop forte, l’on y mettra
par fois quelques gouttes d’eau. , prenant garde
a éviter l’autre extrémité qui eft de le rendre trop,
fluide ; car cela empêcheront la molette de couler
j doucement fur la forme, & l’y arrêtant rudement
pourroit gâter le verre. Il faut donc tenir un milieu
en cela , & la prudence de l’artifte expert lui
enfeignera cet-te température.
On ne doit pas fe fier fimplement à la vue ,
pour reconnoître fi un verre eft parfaitement adouci,
■ mais. avant que de fe défifter du travail, il le faut
bien effuyer, & l’examiner une fécondé fois avec
un verre convexe qui puiffe en faire voir tous les
: défauts, & remarquer fur-tout s’il eft fuffifamment
adouci. Car fouvent, faute de cette précaution,
on reconnoît trop tard après que le verre eft poli,
qu.eneore qu’il parût parfaitement adouci à l’oe il,
i d ne l’étoit pourtant p a s y reliant un défaut notable
, & qui apportera toujours obftacle à fa per-
le.flion, qui e f t , qu’encore que le verre foit parfaitement
formé, l’oculaire n’en fera jamais bien
c‘air, les objets y paroiffant comme voilés d’un
cfêpe fort léger.
S i, après avoir apporté cette diligence dans
examen du verre , on le trouve parfaitement
adouci 8ç capable de recevoir le poli, on le lavera
e même que la forme, & on" le mettra dans un
ieu où il ne puiffe point fe caûFer.
Manière de polir les verres à la main libre &
coulante.
C ’eft ici le principal écueil auquel tous les ar-
tifans font naufrage ; & pour ne point m’arrêter
à remarquer leurs défauts, qu’il fera facile de découvrir
en comparant leur façon de travailler avec
celle que j’indique, je dirai feulement qu’ils fe contentent
de polir fur un morceau de cuir, d’écarlate
, ou d’autre drap bien doux & uni, droitement
tendu fur un bois plat, après, l’avoir enduit de
potée détrempée avec de l’eau, fur laquelle ils frottent
fortement le verre des deux mains, fans fe
régler dans ce travail important que par la fimple
vue : auffi n’eft-il pas étonnant qu’aucun ne réufîiffe
dans, la forme des verres des grands, oculaires , &
encore moins des moyens & des petits.
Voici quelle eft la manière de polir les verres.'
Gn tend un cuir bien doux & d’épaiffeur allez
égale l fur un çhâffis. rond,. de grandeur convenable
pour contenir la forme qui a fervi à former &
adoucir le verre objeélif fur lequel on a fait épreuve;
de façon que ce cuir ainfi tendu touche.tout à l’en-
teur les Bords de la forme , à deffein d’en pouvoir
faire comme d’une forme coulante par l’iir^cffion,
que la pefanteur de la molette , aidée de la main ,
y fait de fon verre déjà fphçriquement travaillé ,
en la pouffant & retirant d’une extrémité de la
circonférence de la forme, paffant par fon centre
à fon extrémité opjfofée ; car, par ce moyen, le bord
de la molette ou de fon verre, touchant continuellement
le fond de la concavité de la forme dans
ce mouvement, & formant par ce moyen comme
une feélion de 'zone fphérique concave , le verre
s’y polit pourvu qu’on le conduife méthodiquement
& avec adreffe fur l'a potée ou tripoli.
Cette expérience ayant réuûfî furie cuir, on en
a fait plufieurs autres fur de la futàine fine d’A ngleterre
, fur du drap fin de Hollande, fur de la
toile de lin , fur de la toile de foie , fur du taffetas
& fur du fatin, fortement tendus fur ce châffis ;
& toutes ont également réuffi.
Quant à la conduite de la molette & de fon
verre fur ce poliffoir, après avoir humedé celui-ci
d’eau de potée d’étain aflez épaiffe & bien également
, fur une largeur égale, de chaque côté du
centre de la forme, un peu plus que de l’étendue
du demi - diamètre du verre qu’on veut polir, &
d’une extrémité de fa circonférence à l’autre; on po-
fera deffus le verre d’épreuve, & tenant la molette
à deux mains, les extrémités des doigts appuyés
fur la doucine de fa plate-bande, 011 la prefl'era
fortement deffus , enforte qu’elle faffe toucher
ce cuir, toile , v &c. quoique fortement tendue %
à la. fuperfieie concave de la forme, pouffant en
même temps droitement d’un-bord à l’autre la
molette, & la .retirant de même un peu en tournant
fur fon axe à' chaque fois ; on lui fera parcourir
, de cette manière, cinq ou fix tours fur tout