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MARCHANDS DE FLEURS«
I l faut distinguer les fleurs naturelles 8c les fleurs
artificielles.
Le marchand de fleurs naturelles ou le jardinier
fleurifle, eft celui qui s’occupe particulièrement de
la culture des fleurs. ' '
Cette culture demande un terrain convenable,
une parfaite connoiflance des terres’ bonnes à planter,
& àfemer toutes fortes de fleurs, des lumières
fur leur nature 8c leur caractère , un travail aflidu,
des expériences répétées.
On élève les fleurs, ou dans des terres fur des
couches j ou en planches, ou dans des pots. Il faut
avoir grand foin d’avoir toujours d’excellente terre
mélangée , meuble,, légère , très - favorable à la <
végétation , & dont on varie le mélange fuivarit
la nature de's fleurs.
La manière la plus ordinaire de préparer lés
terres , eft de prendre un tiers de bonne terre
neuve, un tiers de vieux terreau, & un tiers, de
bonne terre de jardin.
On prend cette terre mélangée, & on la jette
fur une claie au travers de laquelle toute la terre
bien meuble paffe facilement. Celle qui ne l’eft;
point, ainfi que toutes les petites pierres , retombent
au bas de la claie.
C ’eft avec cette terre fi fine 8c fi meuble , qu’on
garnit les planches où Eoii fe propofe de femer
des graines 8c de planter des oignons.
Moyens de multiplier les fleurs,
. On multiplie les fleurs de diverfes façons. Lorf-
qu’elles font à oignon, comme les jacinthes, les
tulipes, on en détache des caïeux^ qui font autant"
de petits oignons,, lefquels remis en •planchés*, y
acquièrent de la nourriture , de la force , 8c au .
bout de deux ans , donnent des fleurs tout-à-fait
femblables à celles qiii font produites par les oignons
dont on les a détachés, fl
Si ce font des fleurs à racines ou à griffes , on
les éclate & on les détache : telles font lès renoncules.
D ’autres fleurs , telles que les oeillets, fe multiplient
par les boutures ou par les marcottes, opération
femblable à celle dont fait ufage le jardinier
marchand d’arbres pour multiplier certains plants.
Les marchands jardiniers fleuriftes, par leurs foins
& par leur art, font parvenus à multiplier en Europe
les fleurs les plus belles & les plus eftimées,
qui prefque toutes, comme les tulipes, les renoncules,
les anémones, les tubéreufes , les jacinthes,
les narciffes, les lis, &c. viennent originairement
du Levant.
L’intérêt des marchands fleuriftes eft de fe procurer
des efpèces n o u v e l le s& ils y parviennent
aifément. Cette' voie eft, à la vérité, très-longue;
il faut attendre pïufië'ürs années pour voir paroître
les fleurs : mais quel plaifir & quel profit pour eux,
lorfque parmi ce nombre prodigieux de plantes
qu’ils ont élevées ,, il.fe trouve quelque efpèce
nouvelle qui attire lés yeux des amateurs par la
nobleffe de fon port , par la riche lie & par la
beauté de fes couleurs l
Le fleurifte s’attache alors à la multiplier de
toutes les manières poffibles ; c’eft fur-tout pour
ces fleurs qu’il redouble de foins 8c de vigilance ;
il en laboure légèrement la terre pour en ôter les
mauvaifes herbes ; il les vifite pour tuer les in-
feéles ; il les met à l’abri fous des pajllaflons ou
fous des toiles en forme de tentes, foütènues par
des cerceaux; il en foutient la tige avec de petites
baguettes coloriées’ en v e r t;.il en arrofe le pied
avec des arrofoirs à bec, afin de ne point détruire
& gâter la fleur par, une pluie trop abondante.
Le jardinier fleurifle , avant de femer fes graines,
s’aflure de leur bonté , en voyant fi elles tombent
au fond de l’eau , ce qui défigne qu’elles font
pleines de farine ; & pour les- empêcher d’être
mangées parles infe&es qui vivent en terre , il
les fait tremper dans une infufiqn de joubarbe.
Pour hâter la croiffance de fes fleurs , il les ar-
; rofe quelquefois avec une - leflïve faite avec des
cendres ; & même lorfque la plante n’eft pas trop
rare, il les arrofe avec une leflïve de cendres de
plantes femblables à celle qu’il veut faire venir.
Les fels qui fe trouvent dans.cette leflïve, contribuent
"merveilleufement à donner ce qui eft ne-
céffaire pouf la végétation des plantes , fur-tout
à celles avec lefquelles ces fels ont de l’analogie.
Les terreaux 8c autres engrais dont fe fervent
les jardiniers fleuriftes, font d’une grande dépenfe,
8c ne font pas toujours végéter les plantes au gre
des cultivateurs ; quelquefois même ces engrais
deviennent nuisibles par la trop grande quantne
de parties falines qu’ils c o n tien n en t& qui Jru-
lent fouvent certaines plantes au lieu de leur donner
les progrès d’une bonne végétation.
Ces inconvéniens, quoique fréquens, denieu
roient prefque toujours fans remède , parce qu °j
ne connoifloit pas afiez la nature des engrais qu °v
employoit , 8c occafionnoient des pertes_pre i1’
irréparables, foit du côté du temps du cu^.VjteU0j|
foit pour n’avoir pas une récolte telle qu u dev
naturellement l’attendre de fes foins 8c de les
peufes.
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Pour n’ètre plus expofè à des dommages aufli
confidérables , M. le baron d’Efpuller a trouvé un
nouvel engrais fous le nom de terre végétative ,
oui réunit en lui tous les avantages des meilleurs
engrais ordinaires , fans être fujet à aucune de
leurs qualités nuifibles. _
Après plufieurs expériences, M. le baron d’Efpuller
eft heureufement parvenu à compofer une
terre végétative ,. au moyen de laquelle il fupplée
par un petit volume à la quantité de fumier ou
autres engrais qu’on eft obligé d’employer pour
fumer les terres, vignes, arbres'fruitiers, plantes
potagères 8c fleurs de toutes efpèces.
Cette terre , propre à toute forte de culture ,
eft très-effentielle pour les marais , parce que l’abondance
des fumiers qu’on emploie 8c qu’on trouve
fi abondamment dans les environs des grandes
villes , les terreaux dont ,on fe fert pour les couches,
font éclore une quantité de courtillières 8c
autres infedes qui rongent les racines des plantes
& détruifent les fuccès que les maraîchers s’étoient
promis de leurs foins 8c de leurs peines.
Le moyen de fe préferver de ces animaux def-
trufteurs, c’eft d’employer un peu de la terre végétative
à la place des engrais ordinaires.
Moyens de varier les fleurs» .
On obtient ordinairement des variétés de fleurs,
en femant enfemble, dans la même planche”, des
graines recueillies de diverfes fleurs. Il y a lieu de
penfer que cette variété de couleurs eft alors oc-
cafionnée par la poüfîière des fleurs diverfement
colorées qui fe fécondent mutuellement.
Les marchands-jardiniers fleuriftes ont aufli des
fecrets pour panacher les fleurs 8c les chamarrer
de diverfes couleurs. Ils font paroître des rofes
vertes, jaunes, bleues; ils donnent, en très-peu
de temps, deux ou trois couleurs à un oeillet, outre
fon teint naturel.
Un de ces fecrets eft de pulyérifer de la terre
grade cuite au foleil, 8c dè l’arrofer pendant une
vingtaine de jours d’une eau rouge , jaune, ou
d une autre teinture après qu’on a femé la graine
d une fleur de couleur contraire à cet arrofement
artificiel. ;
11 y en a , dit-on, tjui ont femé 8c greffé des
wllets dans le coeur d’une ancienne racine de chicorée
fauvage, qui l’ont liée étroitement 8c qui
ont environnée d’un fumier bien pourri , 8c on
en a vu fortir un oeillet bleu aufli beau qu’il étoit
rare; = - :r v; . - f * -
Manière d'obtenir des fleurs doubles.
he nombre de pétales rend les fleurs bien plus
garnies 8c plus belles. Le hafard offre des plantes
0nt j?s fleurs deviennent doubles ; mais il y en 3 quelques-unes qui demandent le feçours de l’art.
ne s agù que de tranfplanter la plante plufieurs
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fois, comme au printemps, à l’automne, à la première
8c à la fécondé année fans la laiffer fleurir.
On parvient même , par ce moyen , à faire porter
1 des fleurs doubles à des giroflées qui font fimples.
Le doéleur Hill a publié un procédé pour convertir
des fleurs fim pies en fleurs doubles', par
• un cours régulier de culture. Lorfque ce font dés
plantes à oignon, il faut les planter de nouveau
chaque automne , 8t l’on doit ajouter de la marne
au terreau que l’on mêle à la terre naturelle , pour
la rendre plus abondante en fels nutritifs, La fubf-
tance marneufè augmente, dit - on , la partie du
bois des arbres qui forme les filamens dans les
flëurs.
Chaque plante doit occuper trois pieds de terre*
en carré, que l’on tient nets de toutes autres
plantes. Il faut en couper annuellement les tiges
auflïtôt qu’elles commencent à fleurir, arrofer tous
les jours légèrement la racine pendant un mois
après qu’on a coupé la tige : cela remplit le bourgeon
pour l’année fuivante , 8c lui donne une
fubftance abondante qui fait doubler les fleurs.
Comme en prenant ces foins on parvient à faire
porter des fleurs doubles à plufieurs plantes ; de
même , lorfqu’on les néglige, on voit d’année en
année une plante qui donnoit des fleurs doubles
n’en donner pfus que de fimples.
Moyens d'avoir des fleurs pendant l'hiver.
Le fleurifle aide la nature dans fa marche, il la
voit s’embellir par fes foins , 8c nous procure un
renouvellement perpétuel de fleurs qui fe fiiccèdent
les unes aux autres, 8c qui nous raviffent par leur
odeur ou par leurs couleurs.
Celui qui peut fe procurer pendant l’hiver ,
lorfque toute îa nature eft attriftée , les fleurs du
printemps , retire fes dépenfes avec ufure. Il y _
parvient par le moyen des ferres chaudes , dans
lefquelles il conferve des plantes des climats chauds
de l’Afie , de l’Afrique 8c de l’Amérique , qu’il
élève pour les curieux.
Sa ferre, lorfquelle eft bien fituée 8c bien faite ?
eft tournée toute entière au midi , 8c formée en-
demi-cercle- pour concentrer la chaleur du foleil
depuis le matin jufqû’au foir. Les murailles en font
épaiffes pour empêcher le froid d’y pénétrer , 8c
bien blanchies par dedans pour mieux réfléchir la-
lumière qui colore 8c anime les plantes. Elle eft
peu élevée, afin qu’elle n’ait pas un trop grand
volume d’air à échauffer ; 8c étroite, afin que le-
foleil frappe aifément la muraille du fond.
Tout le côté du midi eft en vitrages, garnis de -
forts rideaux , 8c prefque fans aucuns trumeaux,
s’il eft poflïble , pour tenir tout exactement fermé
8c également expofé*au foleil fans aucune ombre.
Pour faire régner dans cette ferre une chaleur
égale , il y a des tuyaux de poêles qui font couchés
par dedans le long des murs ; mais les poêles
font lerYis en dehors 8c pratiqués dans l’épaiffeur
O 00 ij