
La matière malléable demande pour modèle des
arcs de cercle, faits de matière folide fur les diamètres
des fphères defquelles on veut les former.
Celle qui eft fufible demande des modèles entiers
de matière aifée à former au tour, comme de
bois , d’étain, & c. pour en tirer des moules dans
lefquels on puiffe la jeter pour lui donner la forme
la plus approchante de celle qu’on defire ; car il
eft enfuite fort aifé de la rendre régulière, & de
la perfectionner au tour.
Quoiqu’on puiffe forger les formes de laiton ou
cuivre jaune à froid au marteau, je confeille cependant
de les mouler en fonte , & de leur donner
même une épaifteur convenable à la grandeur de
la fphère dont on veut les former , aufii-bien qu’à
la largeur'de la fuperficie qu’on veut leur procurer :
premièrement, à caufe qu’étant forgées 8c écrouies
à froid , elles feroient aifément reffort fur leur
largeur, & qu’elles altéreroient par ce moyen leur
forme dans l’agitation du travail; en fécond lieu,
pour empêcher , par cette épaifteur convenable ,
que ce métal s'échauffant fur le tour , ne fe roi-
diffe contre l’outil, comme il fait pour l’ordinaire,
fe rejetant dehors avec violence jufqu’à s’applanir,
ou même devenir convexe de concave qu’il étoit,
s’il n’a pas une épaifteur fufEfante pour refifter à
fon effort.
Pour faire les modèles qui doivent fervir à faire
les moules de ces platines , on ne fauroit employer
de meillèure matière que l’étain, à caufe qu’on
peut le fondre avec un peu de feu , & le tourner
nettement fans altérer fa forme.
Le bois néanmoins qui eft plein , comme le
poirier ou le chêne , qui, eft gras & moins liant,
étant bien fec, y peut fervir affez commodément :
pour l’empêcher même de s’envoiler , & dé fe
déjeter à l’humidité de la terre ou du fable qui
fervent à les mouler, aufîi-bien que dans les changement
de temps, il convient de l’enduire & imbiber
d’huile de noix, de lin, ou d’olive au défaut
de ces deux premières, laiffant doucement fécher
ces modèles d'eux-mêmes, dans un lieu tempéré
& hors du grand air. La meilleure manière de
mouler ces modèles, eft celle où l’on emploie le
fable.
Tout cuivre n’eft pas propre pour faire ces
formes ; on doit choifir celui qui eft jaune, 8c qu’on
nomme laiton doux on peut auflî fe fervir d’étain
pur d’Angleterre ou celui d’Allemagne, allié avec
moitié d’étain de glace. Le fer bien doux eft aufH
fort propre pour faire les baflins à travailler les
verres. -
On a coutume de dégroflir les verres par le
moyen des baflins de fer fondu, 8c de les adoucir
avec ceux de cuivre ; & enfuite on les polit.
Quelques artiftes fe fervent de baflins faits avec
dès fragmens de glace brute, d’une épaifteur proportionnée
au foyer qu’on leur veut donner, 8c
que l’on figure à force de grès.ou de gros émeril
dans d’autres baflins ; mais alors il faut avoir foin
de rétablir de temps en temps le foyer à ces baflins
de glace , qu’une certaine continuité de travail
altère néceffairement plus ou moins.
Nous allons expliquer la machine dont M.
Gouflier, habile opticien , fe fert pour concaver
les formes ou baflins concaves de courbures fphé-
riques.
Cette machine eft proprement un tour en l’air,
dont l’axe eft vertical ; il pafte dans deux collets
fixés l’un à la table 8c l’autre à la traverfe inférieure
d’un fort établi, qui eft lui-même fortement attaché
au mur de l’atelier.
Le premier de ces collets eft ouvert en entonnoir,
pour recevoir la partie conique de l’axe; le fécond
eft feulement cylindrique.
Vers la partie inférieure de l’axe , à deux ou
trois pouces du collet , eft fixée une poulie fur
laquelle pafte la corde fans fin qui vient de la roue
horizontale, que l’on met en mouvement au moyen
d’un bras , qui fe meut librement fur les pivots
de l’abre.
Ce bras communique , par tin lien , à la manivelle
excentrique de l’axe de la roue. Cette mécanique
eft la même que celle du moulin des
Lapidaires.
La partie fupérieure de l’axe eft armée d’un
cercle de fer exa&ement tourné 8c centré fur l’axe
qui eft foutenu par trois ou quatre branches, qui,
partant de l’axe, vont s’attacher à fa circonférence.
Il appelle cette pièce main. On en va voir la rai-
fon , 8c combien il eft effentiel qu’elle foit exactement
centrée.
Aux deux côtés de la main font fixées fur l’établi
deux poupées ; la ligne qui joint ces deux poupées
doit paffer le centre de l’anneau de la main : c’eft
fur ces deux poupées que l’on fixe une règle de
fer au moyen de deux v is , enfortè qu’une de fes
arrêtes foit un diamètre de la main dans, laquelle
on place le baflin, auquel eft un rebord qui s’applique
fur l’anneau de la main ; on y fait un repaire
commun pour pouvoir replacer le baflin au
: même point où on l ’a placé la première fois.
Le baflin doit être de laiton fondu, 8c tourné
auparavant fur le tour en l’air.
Au deffus du baflin, dans la direction de l’axe,
eft fortement fcellée dans le mur une potence de
fe r , à la furface fupérieure de laquelle eft un petit
trou de forme conique : ce trou doit être préçi-
fément dans la direction de l’axe, 8c autant éloigné
de la furface du baflin que l’on veut que le
foyer du même baflin le foit.
Le trou dont nous venons de parler reçoit la
pointe de la vis qui traverfe la partie fupérieure
de l’ouverture du compas.
Ce compas eft formé par quatre règles affemblees,
de fer ou de bois. .
La partie inférieure du compas eft carrée &
garnie de deux frettes de fer , qui fervent, au moyen
des vis qui les traverfent, à affujettir le burin qui
eft aigu*
Un autre burin eft arrondi, 8c fert à effacer les
traits que le premier peut avoir laiffés fur le baflin.
Toutes chofes ainfi difpofées, on applique le
dos du burin contre la règle de fer qui eft courbée
en are de cercle, dont le centre eft la pointe de
la vis. Pour qu’elle foit parallèle à la furface du
baflin, on avance ou on recule cette règle, enforte
que lorfque le dos du burin gliffe contre fon arrête,
la pointe du burin décrive exactement un diamètre
du baflin.
Maintenant, fi on fait mouvoir l’extrémité inférieure
du compas le long de la règle de fer, en
même temps que le baflin eft mis en mouvement
par le moyen de la roue, comme il a été expliqué,
on conçoit que la pointe du burin, dont le compas
eft armé , doit emporter toutes les parties du métal
du baflin qui excèdent la furface fphérique concave,
qui a pour centre le point autour duquel le
compas fe meut, qui eft la pointe du pivot de la
vis; mais comme la pointe de cette vis eft, par la
conft motion, dans la direction de l’axe de rotation,
& que la pointe du burin décrit un arc de cercle ,
cela produit le même effet que fi un feCteur de
cercle tournoit fur la ligne qui paffe par le centre
& le milieu de l’arc du feCteur, qui, comme il eft
démontré en géométrie, décrit une furface fphé-
rique. ; i
Après que la pointe du burin a enlevé les parties
du métal qui excédoient la furface fphérique concave,
on efface les traits qu’elle peut, avoir laiffés
avec le burin arrondi, que l’on met en place du
premier.
boloidale, ou autre , il fuffit, comme on v o it , de
trouver le moyen de faire décrire à l’extrémité du
burin, la parabole, l’hyperbole ou autre courbe ,
dont le feCteur, à caufe du mouvement de rotation
du baflin, décrira la furface que la courbe
engendreroit en tournant fur fon axe : c’eft ce que
M. Gouflier exécute par le moyen de plufieurs
leviers, qui font hauffer ou baiffer le point de
lulpenfion du compas, à mefure que fon extrémité
inférieure avance de côté ou d’autre.
Boule ou Sphère.
La boule ou fphère , autre inftrument du lunet-
tie,r 5 eft un morceau de cuivre , de fer ou de
tnetal compofé ,. coupé en demi-fphère, monté
avec du maftic fur un manche de bois avec lequel
les lunettiers font les verres concaves qui fervent
atut lunettes de longue-vue, aux lorgnettes aux
tnicrocopes, /8tc.
j y a des boules de diverfes groffeurs, fuivant
e rayon du foyer qu’on veut donner aux verres.
Lon fe fert de ces boules pour façonner le verre
concave , en les appuyant & tournant fur le verre
qui eft couché à plat fur l’établi, au lieu qu’on
tayaille le verre convexe fur le baflin.
A cette différence près , les mêmes matières
fervent au dégroffi, à l’adouciffement, & au poli
de l’un & de l’autre.
On monte aufli des boules fur le tour, ainft
qu’on fait des baflins.
On connoît en général l’irrégularité, foit des
boules ou fphères, foit des baflins par le poli. Si
le v erre, en le poliffant dans le baflin où on l’adoucit
, prend couleur au centre , c’eft une preuve
ou que le baflin eft irrégulier, ou que le verre a
été travaillé irrégulièrement , parce que le poli
doit prendre généralement par-tout.
On réforme ce verre en changeant un peu fon
foyer.
Les artiftes qui travaillent leurs verres au tour '
font moins fujets à rendre irréguliers leurs baflins
ou boules , que ceux qui les travaillent à la main;
&. quelques précautions qu’on prenne pour con-
ferver la régularité de la courbure , les baflins, à
force de fervir, changent de foyer peu-à-peu. *
On peut les préparer en fe fervant d’un baflin
concave 8c d’un baflin convexe de même foyer,
qu’il faut travailler l’un fur l’autre jufqu’à ce que
les irrégularités aient difparu.
Pour fe convaincre de leur perfeâion, fi après
les avoir polis on les applique l’un fur l’autre, 8c
que le baflin convave enlève le baflin convexe
c’eft une marque que la courbure eft rétablie.
C ’efl la même chofe pour les verres qui ont été
façonnés dans les baflins de même foyer.
Rondeau.
Les lunettiers fe fervent encore d’un autre inftrument
appelé rondeau, pour travailler des verres
dont la fuperficie doit être plane. C’eft un plateau
de fer forgé ou de cuivre, d’un niveau parfait.
Pour s’affurer fi le plan d’un rondeau eft parfait,
il faut travailler deffus deux verres ; 8c après les'
avoir polis fur le même, il faut les appliquer l’un
fur l’autre. Si l’un enlève l’autre, le plan eft parfait
autant qu’il peut l’être.
Molettes ou Poignées.
Les lunettiers appellent ainfi les morceaux de
bois ou de buis , au bout defquels ils attachent
avec du ciment les pièces de verre qu’ils veulent
travailler , foit de figure convexe , dans des
baflins, foit de figure concave, avec des fphères
ou boules.
Les molettes ou poignées dont les lunettiers fe
fervent pour l’ordinaire, ne valent rien, tant par
rapport a leur matière , que par rapport à leur
forme ; car pour la matière, ils fe contentent de
les faire Amplement de bois , rondement tournées
, un peu plus larges en leur afliette , où elles
font cavées pour contenir le maftic , qu’en leur
fommet.