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M A R C H A N D D ’A R B R E S E T A R B U S T E S .
L e marchand d’arbres s’attache particulièrement
à élever des arbres, Toit de femences, foit de marcottes
, de boutures ou de toutes les autres manières
que l’art a découvertes.
Les jardins des marchands d’arbres font nommés
pépinières, parce qu’ils font en effet remplis
de jeunes plants dont plufieurs viennent de pépins.
Il y a ordinairement quatre fortes de pépinières-.
x°. Pépinière de femence & de fruitsà pepins.On.
choifit les pépins fur des fruits bien mûrs : avant
de les femer on a coutume de les. faire tremper
pendant une journée dans de l’eau qui contient un
peu de nitre , afin d’en faciliter la germination.
On les fème au mois de mars dans une terre bien
préparée par des labours. Au bout de deux ans on
tranfplante les jeunes plants dans d’autres pépinières
, où on les met par rang à deux pieds l’un
de l’autre.
2°. Pépinière de fruits à noyau. Les jardiniers n’é-
levent ordinairement de noyau que l’amandier &
le prunier de damas noir; ils fe fervent de la greffe
pour les pêchers & les abricotiers.
3°. Pépinière de plant champêtre. Dans les mois de
Septembre & décembre , les jardiniers marchands
d’arbres recueillent les grains de tilleul, frêne ,
érable & hêtre ; mais ils recueillent la graine d’orme
au mois de mai & la fèment tout de fuite. Ils fè-
ment en planches toutes ces différentes graines, &
les tranfplantent lorfqu’elles font un peu fortes.
A l’égard des ifs , des houx , pins , fapins , on
les élève plutôt de boutures que de graines.
Les n oix , noifettes , glands, châtaignes fe ra-
maffent dans les mois d’oâobre & de novembre.
On les fait germer pendant l’hiver dans des mannequins
fur des lits de fable, & on les plante au
printemps.
49. -Pépinière de plants enracinés. Elle eft formée
de plants enracinés, comme rejettons , boutures,
fauvageons deftinés pour être greffés & leur faire
porter le fruit qui leur eft le plus analogue lorf-
qu’ils feront allez forts.
Le jardinier marchand d’arbres a grand foin de
faire fouvent ratifier & de tenir fes pépinières nettes
de toutes herbes étrangères, qui dévoreroient la
fubftance de la terre.
Différentes manières de multiplier les plants.
On fait ufage de toutes les différentes manières
de multiplier, fuivant que les diverfes efpèces de
plants en font fufceptibles. Par exemple, on fape
par le pied un tilleul, un aune, ou autre arbre de
m ê m e nature , enfuite on le réchauffé de terre.
Bientôt ,on voit croître fur cette fouche une multitude
de branches qui prennent racine, & qui
. font propres à former du plant ; cè font ces fou-
; ches qu’on nomme mères , parce qu’elles forment
du plant en abondance.
Quelquefois aufli on coupe un jeune arbre à
I deux pieds de terre, & l’année fuivante on couche
: fes branches en terre pour qu’elles y prennent ra-
; cines ,, c’eft ce qu’on nomme marcoter ; & quand il
s’agit de la v igne, prùvigner.
Si Tort craint de rompre les branches, ou fi elles
font trop élevées pour être couchées, on les fait
entrer dans un petit panier rempli de bonne terre
& qu’on fufpend à quelque branche.
Lorfque la marcotte a pris racine , on la coupe
& la tranfplante ; c’eft la méthode ordinaire employée
pour les orangers.
Les jardiniers marchands d’arbres , ont grand
■ foin d’avoir toujours aufli des arbriffeaux dans des
paniers, c’eft ce qu’ils nomment arbujles en mannequin.
Ces arbuftes ont l’avantage de pouvoir être
plantés en toutes faifons , même l’été, parce qu’on
les lève de terre avec leurs paniers.
On multiplie aufli par boutures les arbres qui
réufliffent bien de cette manière ; ce font fur-tout
ceux qui ont beaucoup de moelle. Pour cela, le
jardinier prend- les branches les plus vives , les
taille par le bout en pied de biche, & les pique
en terre dans un lieu frais où elles prennent racine.
M. Duhamel a donné les moyens de faire rêuffir
les boutures, même les plus rebelles , telles que
le font celles du catalpa qui refte douze ans en
terre fans y produire la moindre racine.
Suivant cette méthode, pour faire donner à la
branche , encore attachée à l’arbre, une partie des
productions qu’elle donneroit en terre, on coupe
& on enlève circulairement une ligne ou deux
de l’écorce la jeune branche dont on veut faire
une bouture ; on recouvre ce bois découvert de
quelques tours de fil ciré; on enveloppe enfuite
cette partie avec de la moufle que l’on affujettit,
ou bien avec de la terre humide. Dans le mois de
mars fuivant , on y voit paroître un bourrelet
chargé de mamelons qui font les embryons des
racines, & alors la réuffite eft certaine.
On coupe les boutures au deffous du bourrelet,
©n les met en terre, & elles y pouffent très-bien.
Si à la portion des boutures qui doit être en
terre, il y avoit des boutons, on les arrache, en
ménageant feulement les petites éminences qui les
J fupportent, parce qu’on a reconnu qu’elles ton
| difpofées à fournir. ^
Le marchand d’arbres fépare aufli les plants enracinés
qui croiffent aux pieds des fauvageons :
’eft cette même opération que l’on nomme oeillé-
«„„«r en fait de fleurs.
C’eft par tous ces moyens diyers que le marchand
fe fournit d’une multitude de plants. Lorfque
ces arbres à fruits font affez forts, il les greffe
pour leur faire rapporter de bons fruits ; & pour
cela, il a recours aux diverfes efpèces de greffes,
fuivant la nature des arbres & la faifôn.
C’eft par la greffe que le marchand d’arbres multiplie
les variétés qui s’offrent de temps en temps,
telles, par exemple, que les arbres à feuilles panachées.
, I
Les efpèces rares fe multiplient de meme ; on
les greffe fur d’autres arbres, & les jets qui ont
réuffi donnent des femences qui font, fans contredit
, le fonds le plus riche & le plus fécond de
la multiplication.
Lorfque les arbres greffés ont fait de belles pouffes
le marchand d’arbres les taille pour afliirer
plus de durée & de propreté à fes arbres à fruits ,
& pour leur faire donner du fruit en plus grande
abondance. .
Cette opération eft une des plus effentielles de
l’art du jardinage, & c’elt même celle qui demande
le plus d’intelligence.
Pour l’exécuter, le jardinier s’arme d’une fcie à
main, par le moyen de laquelle il fcie les branches
fortes ou endommagées qu’il veut retrancher ;
il fe fert d’une ferpette bien affilée pour tailler les
branches moins fortes , & fait fa taille en pied de
biche, pour que les eaux puiffent s’écouler & ne
féjournent point fur la plaie.
Il retranche toutes les branches trop foibles qui
ne deviendroient ni bon bois , ni branches à fruits.
Il exferpe les hranches gourmandes qui pouffent
en bois avec trop de vigueur 8c qui enlèvent la
fubftance de l’arbre ; mais il conferve les branches
à fruit & celles qui promettent de le devenir. IL
a attention de donner à fon arbre une belle forme ;
& dans cette vue , il ménage les branches qui
pourront y contribuer l’année fuivante.
Dans l’été, lorfque la fève abondante fait pouffer
les arbres vigoureufement, il détruit avec l’ongle
ou la ferpette l’extrémité des branches ; opération
que l’on nommé pincer, & dont l’effet eft de faire
développer, pendant l’é té , des boutons qui donneront
des fruits Tannée fuivante.
Le marchand d’arbres a grand foin d’aligner tous
enfemble, dans fes pépinières , les arbres de même
nature , dont il tient un regiftre, afin d’être en
état, dans l’hiver, de donner les efpèces d’arbres
qu’on lui demande ; cependant, par l’habitude les
marchands d’arbres peuvent même diftinguer à la
couleur, à la difpofition des boutons, prelque toutes
les efpèces d’arbres.
Trois ans après que les arbres ont été greffés,'
on les tranfplante dans une autre place où ils peuvent
refier dix ou douze ans, & où ils deviennent
en état de bien repréfenter lorfqu’on les replante
dans les jardins : on nomme ces carrés des batar-
dières.
Ces arbres ainfi tranfplantés plufieurs fois, font
beaucoup plus francs que ceux qu’on plante à de-
| meure au fortir de la pépinière.
Arts & Métiers. Tome IV. Partie II. O o o