
Qant à la fécondé objection, je réponds qu'elle,
ne prouve rien autre , finon que la flûte en question
étoit à bocal , & avoit fon anche cachée ;
alors celle-ci pouvoit très-bien tomber par accident
, & le muflcien continuer fa pièce ,* en bouchant
fa flûte comme un cornet.
La troifième obje&ion eft certainement la plus
forte , & je n’y peux répondre autre chofe, finon
qu’il me Semble très - peu probable que fi cette
aventure avoit donné lieu d’inventer une nouvelle
forte de flûte, le fcholiafte de Pindare, ni aucun
autre auteur. , n’en eût dit un mot ; ma réponfe
deviendra plus forte fi l’on fait attention que
l’aventure étoit réellement fingulière , & devoit
naturellement intéreffer tous les fpeâateurs. J’ajouterai
de plus, que Pollux diftingue fort bien
la flûte de la fyringe, dont le fon a un principe
différent , & qu’ainfi il aüroit bien parlé d’une
autre forte de flûte , fi elle avoit exifté. Voyez
Poil. Onom. lib. I , cap. g.
Ordinairement l’on dérive le nom latin de la
flûte ( tibia ) , du tibia, l’os de la jambe, parce que,
dit - on , les premières flûtes étoient faites d’os ,
matière peu propre à faire des anches, d’où l’on
conclut qu’elles n’en avoient point. A cela je réponds
:
i°. Qu’on peut très-bien faire une anche d’os,
en le choififfant & l’aminciffant convenablement.
Pollux , parlant de là trompette, dit qu’on la fai-
foit d’airain ou de fer, & fon anche ('glottà) d’os,
chap. 2, liv. I V , Onomaflicon.
2°. Bartholin, chap. 2 , liv. I , de tib. veter. aflùre
qu’un auteur nommé Coldingus , donne, d’après
d’anciens gloffaires, une autre étymologie au mot
tibia , & le fait venir de tybin , c’eft-à-dire, jonc
ou rofeau , matière dont on a fait les premières
flûtes, fuivant la plus grande partie des auteurs,
enforte que peut-être, loin que tibia ( flûte j vienne
de tibia (os de la jambe ) , c’eft ce dernier qui vient
de l’autre à caufe de la reffemblance.
Remarquons encore qu’aucune des flûtes qui fe
trouvent dans les Antiquités romaines de Boiffard,
& dans les deffins des Peintures antiques d’Hercula-
num, n’ont de bifeau. Dans le DM. raif. des Sciences,
&c. on donne à la vérité un bifeau à la flûte
des facrifices des anciens. Voyez pl. I , fi g. 1 des
Inflrumens de Mufique, tome 3 des gravures. Mais
comme-, on trouve dans Boiffard un facrifice à
Priape, où il y a une flûte double, mais fans bifeau
, je crois qu’on peut regarder la flûte du DM.
raif. des Sciences, &c. comme nulle.
On voit aufli dans le Mufczum romanum de la
Chauffe ; 1. 11 y une flûte faite d’o s, à ce que prétend
l’auteur,*& comme elle le paroît effe&ivement;
cette flûte, qui eft aufli dans le liv. VIII du tome III,
jiu Supplément à l’Antiquité expliquée de Montfau-
con, a le bifeau bien marqué. Voyez pl. X V ,
fig. 16 des Inflrumens de Mufique , tome 3 des gravures.
Ce dernier auteur dit qu’elle a été copiée d’un
bas-relief qui eft à Naples dans le palais du prince
Diomede Caraffa. Ce bas-relief, s il exifte tel qu on
le rapporte, femble renverfer de fond en comble
mon édifice ; mais je demande à tout le&eur impartial
, fi une feule figure peut détruire le témoignage
unanime de tant d’écrivains, fur-tout -lorf*
qu’on n’indique pas de quelle antiquité eft le bas-
relief dont on l’a tiré, & lorfqu’on a des preuves
convaincantes que fouvent les deflinateurs copient
mal les antiquités ? Ne fe peut-il pas meme qu un
auteur voyant un infiniment p-u different des
nôtres ,. mais manquant d’une partie effentielle,
à fon avis, y ait ajouté cette partie de fon chef?
Cette conjeéfiîre paroîtra plus que probable à
ceux qui , connoiflant la facture des inftrumens
de mufique, auront lu quelque traité des modernes
à ce fujet ; ils y auront fans doute trouve, comme
moi, une quantité de bévues, provenant uniquement
du peu de connoiffance pratique de la mu*
fique. ' ■ ■ . ■ v ; . . .
Je -terminerai cet article en tachant d éclaircir I
quelques difficultés qui regardent les flûtes des
anciens.. ' T' ■ ''! [l'fi ',4-;
On voit fur la plus grande partie de ces inftru-
mens de petites éminences folides , les unes de
figure Gubique , les autres de figure cylindrique,
& même terminées par un bouton. V o y . les fig. $,
10, 11 & 13 , pl. X V des Inflrumens de Mufique ,
tome 3 des gravures.
Bartholin ( chap. y , liv. I , de tib. veter. ) rapporte
que , fuivant l’avis de plufieurs auteurs , ces ef- .
pèces de chevilles tiennent lieu de clé , ôc fervent
à fermer les trous latéraux. Je crois la même chofe;
j’ajouterai feulement que, comme les airs ou nomes
de flûte étoient réglés, on bouchoit avec ces 1
chevilles les trous latéraux qui n’entroient pour
rien dans le nome qu’on alloit exécuter , parce
qu’il auroit été fort incommode de tenir un ou
deux trous bouchés pendant tout un air ; cette
idée fe fonde :
i°i Sur ce que les anciens avoient d’abord une
flûte particulière pour chaque nome , & que Pronome
le Thébain fut lé premier à faire des flûtes,
fur lefqueiles on pouvoit exécuter plufieurs nomes
, comme le rapporte Paufanias au liv. IX de
fa Defcription de là Grèce. ...
20. Sur ce que les flûtes qui ont plufieurs de ces
chevilles, én ont ordinairement deux ou trois petites,
& trois quatre plus' grandes, différence qui
me paroît faite exprès pour que le muficién ne fe
trompât pas , & débouchât feulement les trous qui
appartenoient au même nome ; trous qui font indiqués
par lès chevilles de même figure.
Un tableau qui fe trouve dans le tome I I I des
Peintures antiques d’Herculanum , page 101, femble
nous indiquer en même temps , & que les chevilles
fervoient effeftivement à bouçher les trous
latéraux , & que les anciens commençoient par
enfeigner à leurs élèves à donner d’abord le ton
1 fur une flûte, tous les trous étant bouchés ; p ÿ s
1 Yur
fur deux, puis enfin à pofer les doigts fur les
trous, après avoir enlevé les chevilles. Ce même
tapie au. femble encore confirmer que les flûtes
étiient à anches ; car on n’a guère plus de peine
à faire réfonner deux flûtes douces qu’une ; mais
ilpn elt tout autrement de deux hautbois.
Le tableau dont je parle , repréfente Marfyas
donnant leçon à Olympe encore enfant. Le dif-.
cille tient deux flûtes qui*paroiffent égales ; celle '
de la main gauche, il la porte à la bouche, &
Klarfyas l’aide .en lui tenant le bras ; quant à- la
flûte de la main droite, l’enfant paroît vouloir
laroorter aufli à la bouche , mais fon maître l’en
empêche. Ces deux flûtes ont chacune deux che- .
villes, & point d’autres trous latéraux.
mûn trouve encore des flûtes entourées d’anneaux
fur les anciens monumens,’ voyez fig. g , pl. X V
dés Inflrumens de Mufique-, tome 3 des gravures ,- &
.alors on n’y apperçoit point de trous latéraux :
comme ces flûtes font toutes coniques, il m’étoit
v§nu dans l’efprit que ces anneaux couvroient
chacun fon trou, & tenoient par- conféquent lieu
des chevilles, la figure de l’inftrumçnt les obligeant
à [fe pofer toujours au même endroit ; mais en
comparant la diftance des anneaux à la longueur
de la flûte, & celle-ci à la hauteur du muficién,
il [m’a paru que ces anneaux étoient trop écartés
les uns des autres, pour que les doigts d’un homme
puffent couvrir les trous que je fuppofois deffous,
enforte que mon idée ne me paroît vraifemblable ,
qù’en fuppofant qu’on ait mal obfervé les proportions
en copiant les flûtes.
**Dans le Mufczum romanum de la Chauffe, on
rapporte qu’on déterra, il y a plufieurs années-à
Rome , des morceaux de flûte d’ivoire , revêtus
d’ime plaque d’argent ; cela explique clairement
cè paflage de l’Art poétique d’Horace , que les
commentateurs ont tant tourné & retourné :
K Tibia non ut nunc orichalco vinEla , tübczque
M Æmula, Sic.
Car effeâivement , un hautbois qu’on garniroit
de cuivre , approcheroit beaucoup du fon de la
trompette : il en approcheroit davantage encore,
filon le doubloit de ce métal.
On eft aufli très - embarraffé du grand nombre
de flûtes des anciens. Je crois que cela vient uniquement
de ce qu’on a pris pour des noms , ce
qui n’étoit que des épithètes données par les auteurs
: ainfi, par exemple , on parle d’une flûte
appelée plagiaule, d’une fécondé nommée pho-
tifige, & d’une troifième défignée par le mot lo-
Une ; toutes trois ne font qu’une feule & même
flûte , appelée photinge , furnommée plagiaule
xfiÿliqiié), parce qu’elle fe terminoit par une corne
deveau recourbée, comme nous l’avons déjà dit;
zM°tme 9 Parce ftu 0 n la faifoit de bois de lotos :
de même encore l’on a fait de l’élèphantine une
flûte particulière, & ce 11’eft probablement qu’une
Arts 6* Métiers. Tome IV. Partie I.
épithète donnée aux flûtes d’ivoire. Enfin, Ion
regarde la' monaule comme une forte de flûte; &
c’eft le nom général des .flûtes (impies, ou dune
feule tige , comme diaule eft celui des flûtes
doubles.
A u refte, je ne crois pas impoflible qu’un bon
littérateur, verfé dans la faâure des inftrumens à
vent , ne pût trouver entièrement les flûtes des
anciens, en comparant continuellement les diffé-
rens auteurs entre eux , avec les monumens &
avec la nature des inftrumens à vent. Mais, vu
le peu de fond qu’on peut faire fur les copies,
il faudroit qu’il pût lui-même examiner les antiquités.
( Art. de l’ancienne Encyclopédie. )
Flûte, des Sacrifices.
Il y en avoit une.infinité de différentes fortes:
on prétend qu’elles étoient de buis ; au lieu que
celles qui fervoient aux jeux ou aux fpeâacles ,
étoient d’argent, d’ivoire , ou de l’os de la jambe
de l’âne.
Nous ne favons de ces flûtes, que ce que le
coup-d’oeil en apprend par l’infpeétion des monumens
anciens. Voyez-en une fig. <, pl• I des Inftrumens
de mufique, tome 3 des gravures.
Flûte tyrrhénienne.
Pollux ( Onomafl. liv. IV , chap. p .) décrit ainfi
la flûte tyrrhénienne : n Elle elt femblable à une
» fyringe ( fiffiet de Pan ) renverfée, mais fon
»> tuyau eft de métal : on fouffle par en bas dans
w cette flûte , & on y emploie moins de vent
» (que pour la fyringe); mais le fon en eft plus
»fort , à caufe de l’eau qu’il fait bouillonner.
» Cette flûte donne plufieurs fons , & le métal en
» augmente la force. «
Les mots en parenthèfe ont été ajoutés pour
éclaircir cette defcription, qui paroît convenir tres-
bien à l’efpèce de flûte d’enfant qu’on nomme
rojfignol. Merfenne femble être aufli de cet avis.
Flûte douce.
La double flûte ou la flûte à deux tiges, étoit un
inftrument domeftique en ufage chez les anciens,
& fur laquelle un muficién feul pouvoit exécuter
une forte de concert.
La double flûte étoit compofée de deux flûtes
unies , de manière qu'elles n’avoient ordinairement
qu’une embouchure commune pour les deux
tuyaux. Ces flûtes étoient ou égales ou inégales,
foit pour la longueur, foit pour le diamètre ou
la groffeurl
Les flûtes égales rendoient un même fon ; les
inégales rendoient des fons différens , l’un grave,
l’autre aigu.
La fymphonie qui réfultoit de l’union des deux
flûtes égales • étoit, ou l’uniffon, lorfque les deux,
N