
de Tournay, que l’on trouve aux environs de cette
ville.
Cette poudre n’eft autre choie qu’un compofé
de petites parcelles d’une pierre bleue & très-dure,
qui tombe lorfqu’on la fait cuire, & qui fait d’excellente
chaux.
Ces petites parcelles, en tombant fous la grille
du fourneau, le mêlent avec la cendre du charbon
de terre, & ce mélange compofe la cendrée de
Tournay, que les marchands débitent telle qu’elle
lort du fourneau.
On fait affez fouvent ufage d’une poudre artificielle
, que l’on nomme ciment de fontainier ou citaient
perpétuel, compofé de pots & de vafes de grès
caffés & pilés, de morceaux de mâchefer, provenant
du charbon de terre brûlé dans les forges ,
aulfi réduit en poudre, mêlé d’une pareille quantité
de ciment, de pierre de meule de moulin &
de chaux , dont on compofe un mortier excellent,
qui réfifte parfaitement dans l’eau.
On amaffe encore quelquefois des cailloux ou
galets, que l’on trouve dans les campagnes ou fur
le bord des rivières, que l’on fait rougir, & que
l ’on réduit enfuite ën poudre ; ce qui fait une efpèce
de terraffe de Hollande, très-bonne pour la
conftruâion.
Du Monter,
Le mortier eft une compofition de chaux , de fable
, &c. mêlés avec de l’eau, qui fert à lier les
pierres dans les bâtimens.
Les anciens avoient une efpèce de mortier fi dur
& fi liant, que, malgré le temps qu’il y a que les
bâtimens qui nous refient d’eux durent, il eft im-
poffible de féparer les pierres du mortier de certains
d’entre eux ; il y a cependant des perfonnes qui
attribuent cette force exceflive au temps qui s’eft
écoulé depuis qu’ils font conflruits, & à l’influence
de quelques propriétés de l’air qui durcit en effet
certains corps d’une manière furprenante.
On dit que les anciens fe fervoient, pour faire leur
chaux, des pierres les plus dures, & même de frag-
*inens de marbre.
Delorme obferve que le meilleur mortier eft celui
fait de pozzolane au lieu de fable , ajoutant qu’il
pénètre même les pierres à feu, & que de noires
il les rend blanches.
M. Worledge nous dirque le fable fin fait du mortier
foibfe, & que le fable plus rond fait de meilleur
mortier : il ordonne donc de laver le fable avant
que de le mêler ; il ajoute que l’eau falée affoiblit
beaucoup le mortier.
Wo lf remarque que le fable doit être fec &
pointu, de façon qu’il pique les mains lorfqu’on
s’en frotte ; & qu’il ne faut pas cependant qu’il foit
terreux, de façon à rendre l’eau fale lorfqu’on l’y
lave.
Nous apprenons de Vitruve que le fable foflile
sèche plus vite que celui des rivières, d’où il conclut
que le premier eft plus propre pour les dedans des
bâtimens, & le dernier pour les dehors : il ajoute
que le fable foflile, expofé long-temps à l’air, de*
vient terreux. Palladio avertit que le fable le p]us
mauvais eft le blanc, & qu’il faut en attribuer la
raifon à fon manque d’afpérités.
La proportion de la chaux & du fable varie beau*
coup dans notre mortier ordinaire. Vitruve prefcrit
trois parties de fable foflile & deux de rivière contre
une de chaux ; mais il me paroît qu’il met trop de
fable. A'Londres & aux environs, la proportion du
fable à la chaux vive eft de 36 à 25 ; dans d’autres
endroits, on met parties égales des deux>
Manière de mêler le mortier.
Les anciens maçons, félon Félibien, étoient fi
attentifs à cet article , qu’ils employoient confiant-
ment pendant un long efpace de temps dix hommes
à chaque baflin, ce qui rendoit le mortier d’une
dureté fi prodigieufe, que Vitruve nous dit que
les morceaux de plâtre qui tomboient des anciens
bâtimens , fervoient à faire des tables. Félibien
ajoute que les anciens maçons prefcrivoient à leurs
manoeuvres, comme une maxime, de le délayer à
la fueur de leurs j'ourdis, voulant dire par-là de le
mêler long-temps, au lieu de le noyer d’eau pour
avoir plus tôt fait.
Outre le mortier ordinaire dont on fe fert pour
lier des pierres , des briques , &c. il y a encore
d’autres efpèces de mortiers, comme :
Le mortier blanc dont on fe fert pour plâtrer les
murs & les plafonds, & qui eft compofé de poil de
boeuf mêlé avec de la chaux & de l’eau fans fable.
Le mortier dont on fe fert pour faire les aqueducs,
les citernes, &c. eft très-ferme & dure long-temps,
On le fait de chaux & de graiffe de cochon, qu’on
mêle quelquefois avec du jus de figues, ou d’autres
fois avec de la poix liquide : après qu’on l’a appliqué
, on le lave avec de l’huile de lin.
Le mortier pour les fourneaux fe fait d’argille
rouge, qu’on mêle avec de l’eau où on a fait tremper
de la fiente de cheval & de la fuie de cheminée,
On fe plaint journellement du peu de folidité des
bâtimens modernes ; cette plainte paroît très-bien
fondée, & il eft certain que ce défaut vient du peu
de foin que l’on apporte à faire un mortier durable,
tandis que les anciens ne négiigeoint rien pour la
folidité.
D ’abord , la bonté du mortier dépend de la qua-
lité de la chaux que l’on y emploie ; plus la pierre à chaux que l’on a calcinée eft dure & compare,
plus la chaux qui en réfulte eft bonne. Les Romains
fentoient cette vérité, puifque, lorfqu’il s’agiffoit de
bâtir de grands édifices, ils n’employoient pour l’ordinaire
que de la chaux de marbre.
La bonté du mortier dépend encore de la qualité
du fable que l’on mêle avec la chaux ; un fabl®
fin paroît devoir s’incorporer beaucoup mieux avec
la chaux qu’un fable groffier ou un gravier j vu qu<*
les pierres qui compofent ce dernier doivent nuire
à la liaifon intime du mortier.
Enfin, il paroît que le peu de folidité du mortier
des modernes, vient du peu de foin que l’on prend
pour le gâcher ; ce qui fait que le fable ne fe mêle
qu’imparfaitement à la chaux.
M. Shaw, célèbre voyageur anglois, obferve que
les habitans de Tunis & des côtes de Barbarie,
bâtiffent de nos jours avec la même folidité que les
Carthaginois. Le mortier qu’ils emploient eft compofé
d’une partie de fable, de deux parties de cendres
de bois, & de trois parties de chaux.
On paffe ces trois fubftances au tamis, on les
mêle bien exactement, on les humeéte avec de
l’eau, & on gâche ce mélange pendant trois jours
& trois nuits confécutives, fans interruption, pour
que le tout s’incorpore parfaitement ; & , pendant
ce temps, on humecte alternativement le mélange
avec de l’eau & avec de l’huile : on continue à
remuer le tout jufqu’à ce qu’il devienne parfaitement
homogène & compacte. Voyeç Ciment ou mortier
à bâtir, tûriie 1 de ce Diélionn. des Arts, pag. 668.
Du Plâtre.
Le plâtré" vient d’une pierre qui a une propriété
très - avantageufe dans les bâtimens. Cette pierre
étant cuite, fe fuffit à elle-même; & , avec un peu
Id’eau, s’endurcit & fait corps fans aucun fecours.
La principale vertu qu’il acquiert par le feu, eft
non - feulemènt de fe lier lui - même, mais aufll
ide lier enfemble tous les corps qu’il approche, &
de s’unir intimement à eux en très-peu de temps.
La promptitude de fon aélion le rend fi effentiel &
fi néceffaire , qu’on ne peut trouver de matière
plus utile, & qu’on ne peut, pour ainfi dire, s'en
paffer ni le remplacer dans la conftruftion.
La pierre propre à faire le plâtre fe trouve,
tomme les autres, dans le fein de la terre, fe calcine
au feu, blanchit & fe réduit en poudre après
fa cuiffon.
Il en eft de trois fortes; la première, d’un jaune
luifant, tranfparente & feuilletée , eft parfaite ;
étant cuite, elle devient très-blanche; & employée,
le plâtre en eft fi fin , beau & luifant, qu’on le
referve pour les figures & ornemens de fculpture ,
ainfi que pour les modèles. La deuxième, blanche
& remplie de veines tranfparentes & luifantes, eft
très-bonne. La troifième, plus grife, eft préférée
parles Chaufourniers, comme moins dure à cuire.
*1 y a des provinces où elle eft très-rare , &
dautres où elle eft très-commune. Les carrières de
Montmartre, de Belleville , de Charonne, de Meu-
j!°h, de Châtillon , d’Anet fur Marne , & autres
ieux qui en fourniffent à Paris & dans les envi-
r°ns, font très-abondantes.
f R ,mai?*®re fa*ire cuire la pierre à plâtre , con-
communiquer une chaleur capable de la
e lécher peu à peu , & de faire évaporer l’humi-
qu elle renferme.
Pour y parvenir, il faut arranger les pierres dans
le fourneau, & en former plusieurs voûtes, affez.
près les unes des autres pour contenir autant de
foyers ; approcher près d’elles d’abord les plus
groffes, enfuite les moyennes, & enfin les petites,
jufqu’à une certaine élévation ; enforte que la chaleur
ait toujours une aélion égale & proportionnée
à leur volume.
Il faut faire attention que le plâtre foit affez cuit,
& point trop ; car, d’un côté il n’a pas pris affez de
qualité, & eft aride & fans liaifon; & de l’autre
il a perdu ce que les ouvriers appellent Xamour du
plâtre.
On le connoît aifément à fon onéluofité, &
lorfqu’en le maniant on y fent une efpèce de graiffe
qui s’attache aux doigts, la feule qualité qui le fafle
prendre, durcir promptement, & faire bonne liaifon.
Le plâtre, une fois cuit, doit être pulvérifé &
employé auflitôt; fans quoi le foleil l’échauffe &
le fait fermenter, l’humidité en diminue la force,
l’air en diflipe les efprits, & il devient mou & fans
onélion ; ce qu’on appelle éventé.
Lorfqu’on ne peut l’employer fur le champ ,
comme dans les pays où il eft fort cher, on le
conferve encore long-temps bon dans des tonneaux
bien fermés, placés dans des lieux fecs & à l’abri
des ardeurs du foleil.
S i, pour quelques ouvrages de conféquence, o a
avoit befoin de plâtre de la meilleure qualité polfible
& parfaitement cuit, il faudroit pour lors choifir
dans le fourneau le meilleur & le mieux cuit, & le
mettre à part avant que les chaufourniers aient
mêlé & confondu le tout enfemble, fuivant leur
coutume.
Le plâtre fe vend 11 à 12 livres le muid , contenant
vingt -fept pieds cubes en trente-fix facs »
rendu fur l’atelier.
Pour employer le plâtre . on le délaie , ce qu’on
appelle gâcher, avec de l’eau feulement à peu près
par égale portion, plus ou moins cependant, fui-,
vant les occafions.
On met dans l’auge d’abord la quantité d’eau néceffaire
, enfuite le plâtre par pellée, l’étendant peu
à peu & promptement jufqu’à ce qu’il joigne la
furface de l’eau ; enfuite on le remue avec la truelle
& 011 le broie parfaitement, jufqu’à ce qu’il foit
huineâé par-tout également. Lorfque les ouvrages
exigent une certaine folidité, & que le plâtre prend
promptement, on y met peu d’eau, ce qu’on appelle
gâcher ferré; on l’emploie alors par truellée,
le jetant à poignée fur lès murs & y paffant la
truelle par defius.
Lorfque ces ouvrages exigent des précautions 8c
que pour cela le plâtre prend lentement, on met
un peu d’eau , ce qu’on appelle gâcher clair ; on
l’emploie aulfi par truellée & poignée : alors, étant
long à s’endurcir, il laiffe le temps de faire l ’ouvrage
fuivant les fujètions néceffaires.