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Flûte traverficre à deux clés.
Dans une partie de l’Allemagne, 8c particulièrement
en Pruffe , les flûtes traverfières font conf-
truites autrement qu’il ne l’eft rapporté ci-deffus.
Les changemens qu’on va voir font dus au célébré
Quantz, muficien de la chambre de S. M.
le roi de Pruffe, qui eft mort depuis peu, 8c qui
étoit aulïi bon compofiteur que bon exécutant.
D ’abord les flûtes de M. Quantz font plus longues
, d’un plus grand diamètre, & plus épaiiles
en bois que les flûtes ordinaires ; par conféquênt
elles ont un ton plus grave, plus mâle 8c plus
fonore, & ne vont pas aulïi haut. L’étendue ordinaire
des flûtes du muficien allemand eft de deux
o&aves & un ton ; c’eft-à-dire, du ré à l’uniflbn
de la fécondé corde vuide d’un violon, jufqu’au
mî, que l’on prend en démanchant fur la chanterelle;
mais en forçant le vent, on peut aller jufqu’au
la y & même jufqu’au fi.
Au lieu d’une clé , les flûtes dont nous parlons
en ont deux l’une fert pour ré dièfe, & pour
quelques autres tons diéfés ; l’autre pour le mi bémol
, & pour quelques autres bémols, comme on
le verra par la tablature qui eft à la fin de cet
article. Afin que l’exécutant puiffe atteindre aifé-
ment les deux clés avec le petit doigt, l’une, celle
du re dièfe , eft recourbée.
Le bouchon qui ferme le corps de la flûte , eft
mobile 8c à vis ; enforte qu’on peut, en l’écartant
8t le rapprochant de l’embouchure , rendre la
flûte plus ou moins longue. La place du bouchon
varie à chaque corps différent qu’on adapte à l ’inf-
ti ument : plus le corps eft court ; plus on écarte le
bouchon de l’embouchure.
Ordinairement M. Quantz faifoit deux têtes à
chaque flûte1. L’une eft faite comme toutes les
têtes de flûtes le fon t, à l’exception du bouchon
mobile; l’autre eft brifée en bas, 8c la partie inférieure
à laquelle tient la noix, entre à cbuliffe
dans le refte de la tête ; enforte que fans changer
l’inftrument de‘corps, on peut l’élever ou l’abaiffer
d’un bon quart de ton.
Enfin les flûtes de M. Quantz diffèrent encore
des autres par le tempérament. Ordinairement le
fa des flûtes traverfières eft tant foit peu trop bas,
& ley^dièfe eft jufte ; dans les nôtres, au contraire,
le fa eft jufte, 8c le fa dièfe un peu trop bas.
Voici maintenant les raifons de tous ces changemens.
L’utilité de la double clé faute aux y eu x , le mi
eft plus haut que le ré dièfe d’un comma, & on
ne peut par conféquênt le donner avec la même
çlé ; il en eft de même des autres bémols 8c dièfes.
Mais peut-être obje&era-ton que deux clés font
fort incommodes, & que pour un ou deux tons
de juftes, il ne vaut pas la peine d’augmenter la
difficulté d’un infiniment. Voici la réponfe à cette
ofijeétion : j’avois joué pendant plus de cinq ans
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de la flûte traverfière ordinaire, & en quinze jours
je me fuis accoutumé à la flûte à deux clés.
Si l’on y fait bien attention , on remarquera
qu’en effayant fucceflivement les corps d’une flûte
ordinaire,.dont le bouchon eft ftable , il n’y en
a qu’un ou deux qui donnent un ton beau &
moelleux; du moins fi le ton eft beau pour les
corps longs , il le fera moins pour les courts , &
au contraire. Cela provient de ce qu’il doit y
avoir une certaine proportion entre la longueur
totale de la -flûte, 8c l’éloignement du bouchon à
l’embouchure ; un bouchon mobile remédie entièrement
& fans inconvénient à ce défaut.
Pour mettre le bouchon à fon vrai point, il
faut accorder les oétaves de ré bien juftes ; atnfi
lorfqu’on a changé une flûte de corps, on effaiera
fi les trois- ré font bien à l’oélave l’un de l’autre.
Obfervons en paffant que plus la flûte eft longue,
plus le bouchon doit être près de l’embouchure.
Comme le bouchon s’ufe à force dé frotter contre
les parois de la flûte , il faut de temps en temps
en remettre un neuf ; c ’eft ce qui m’a fait penfer
à fubftituer une efpèce de pifton de cuir au bouchon
, & je m’en fuis très-bien trouvé.
Ce pifton eft compofé de plufieurs tranches ou
rouelles d’un cuir bien épais, doux 8t élaftique ; le
meilleur eft celui de cerf ; ces rouelles bien pénétrées
d’huile d’amande, font enfilées le long d’une
vis d’ivoire , & contenues par deux plaques aulïi
d’ivoire , dont celle qui eft vers l’embouchure né fait
qu’une pièce avec la vis ; l’autre forme un écrou,
Sc fert à comprimer les tranches ; & quand le pifton
commence à devenir trop petit, on en eft quitte
pour refferrer l’écrou. Le cuir mou & élaftique cède,
s’étend en rond, 8c augmente de diamètre.
Il faut feulement faire-bien attention que les
deux plaques d’ivoire foient d’un diamètre plus
petit que celui de l’ouverture de la flûte, parce
que l’ivoire fe gonfle par l’humidité. Cette même
humidité empêche de fe fervir de laiton ou d’acier.
Quant à la tête brifée & qu’on peut alonger,
, elle épargne la peine de porter plufieurs coups de
j la main gauche ; ordinairement avec trois Si une
tête brifée, on peut fe mettre d’accord par-tout.
Mais obfervez que, comme en alongeant la tête
de la flûte, on ne change pas par-tout la proportion
de l’inftrumeut, moins on fera obligé de l’a-
1 longer fans changer de corps, plus la flûte fera
jufte,
Je ne fais quel muficien ou fa&eur d’inftrument
a voulu alonger la flûte par le bas, en faifant un
pied à couliffe ; cette invention prouvé l’ignorance
de fon auteur, car en alongeant la flûte ainfi, l’on
ne change que le. ré, tout au plus que le mi 8c le
f a , & tout le refte devient faux.
Rarement, ou plutôt jamais, on ne compofe
une pièce en fa dièfe-, foit majeur, foit mineur;
mais on en compofe très-fouvent en fa , majeur
& mineur. Le fa dièfe neparoît donc guère comme
fondamentale, 8c il vaut bien mieux l’altérer que
[le fa qui eft la fondamentale d’un mode, non-feu-
[lement très-ufité, mais encore un des plus beaux
[pour la flûte; d’ailleurs, on peut forcer le fa
Kièfe par le moyen de l’embouchure, mais le fa
■ devient d’abord faux.
I A préfent je me vois obligé de relever une erreur
■ qui fe trouve dans plufieurs traités; erreur que
■ commettent plufieurs muficiens , & qui peut gâter
ipour toujours l’embouchure d’un commençant; c’eft
■ de croire & de foutenir qu’il faut plus de vent
Ipour les tons aigus que pour les graves.
W Je dis qu’au contraire il en faut moins ; je parle
|des tons aigus naturels, c’eft-à-dire jufqu’au mi de
Ha troifième délave inclufivement. K. Voici ma preuve qui e ft, je crois, fans répli-
Ique ; un joueur de flûte peut faire plus de notes
■ ligues d’une haleine que de graves ; c’eft une expérience
que j’ai faite mille fois.
■ Le raifonneinent prouve encore mon affertion.
|La beauté des tons graves confifte à être pleins
8c fonores; celle des tons aigus, à être doux 8c
iiets; fi l’on force le vent pour ces derniers, ils
■ deviennent faux 8c criards.
■ Trois chofes concourent à former le fon dans
Ba flûte ; la quantité de v en t, fa vîteffe, 8c la façon
|dont le bifeau , ou l’embouchure qui en tient lieu ,
le coupe. 1 Pour produire l’oélave d’un fon dans un inftru-
Iment à vent/, il faut faire faire à la colonne d’air
lieux vibrations au lieu d’une ; ce qui réfulte de
|a vîteffe du vent.
I Cela eft prouvé par le mécanifme du joueur de
■ flûte du fameux Vaucaufon, car il donne deux
fois plus de vent dans le même tsmps au même
puyau pour obtenir l’oélave ; 8c ce vent fortant par
la même ouverture , acquiert une viteffe double ;
donc en donnant une viteffe double au mêmevo-*3
liime de v en t, il produira le même effet.
Pour produire cette viteffe double, il fuffit de
rétrécir convenablement le trou par où fort le vent,
8c c’eft ce que fait tout bon joueur de flûte : donc
il ne faut que la même quantité de vent pour un
ton 8c pour fon oélave ; mais il faut rapprocher
les lèvres ; 8c fi l ’on cherche de plus à rendre les
fons graves, pleins 8c fonores , les fons aigus,
doux 8c nets, il faudra moins de vent pour les
derniers.
Joignez à cela qu’un bon joueur de flûte avance
un peu les lèvres pour rétrécir leur ouverture,
quand il fait un ton aigu , 8c qu’il les retire pour
augmenter cette même ouverture, quand il fait
un ton grave ; 8c l’on verra qu’indépendamment
des lèvres, l’embouchure eft moins couverte pour
les tons graves que pour les aigûs ; donc encore
il faut moins de vent pour ceux-ci.
La mêmé quantité de vent forcée à paffer dans
le même temps par deux trous inégaux, acquiert
plus de viteffe en paffant par le plus petit, êc cela
proportionnellement à fa petiteffe.
Si l’on fuppofe que les deux trous foient ronds,'
8c que leurs diamètres foient entr’eux comme a i
à 22, le plus petit fera la moitié du plus grand,
8c par conféquênt le vent y paffera avec une viteffe
double : donc fi l’ouverture des lèvres étoit ronde,
il ne faudroit la rétrécir que dans la proportion
de 22 à 2 1 , pour obtenir l’oéïave d’un ton avec
la même quantité de vent; 8c fi on la rétrécit
davantage , il en faudra moins.
Nous n’avons mis dans cette tablature que les
tons qui fe prennent différemment à l’aide de la
double c lé , qui eft indiquée par les deux cercles
qui font à côté l’un de l’autre. : le plus petit qui
eft à droite marque la clé recourbée ou des dièfes.
Tablature pour la Flute traverfiere a deux clés.
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