
fans aucun fruit pour l’éta t ; qui enfin, par la facilité
qu’elle donne aux membres des communautés
de fe liguer entre e u x , de forcer les membres les
plus pauvres à fubir la loi des riches, deviennent
un infiniment de monopole , & favorifent des manoeuvres
dont l’effet eft de hauffer, au deffus de
leur proportion naturelle, les denrées les plus né-
ceffaires à la fubfiftance du peuple.
Nous rie ferons point arrêtés dans cet a&e de
juftice par la crainte qu’une foule d’artifans n’ufent
de la liberté rendue à tous pour exercer des métiers
qu’ils ignorent, & que le public ne foit inondé
d ’ouvrages mal fabriqués ; la liberté n’a point produit
ces fâcheux effets dans les lieux où elle eft
établie depuis long-temps. Les ouvriers des faux-
bourgs & des autres lieux privilég iés , ne travaillent
pas moins bien que ceux de l’intérieur de
Paris. T o u t le monde fait d’ailleurs combien la
police des jurandes , quant à ce qui concerne la
perfection des ouvrages , efb illufoire , & que tous
les membres des communautés étant portés par
l ’efprit du corps à fe foutenir les uns les autres,
un particulier qui fe plaint fe voit prefque toujours
condamné , 8c fe latie de pourfuivre de tribunaux
en tribunaux une juftice plus difpendieufe que l’obje
t de fa plainte.
C eu x qui connoiffent la marche du commerce,
favent auffi que toute entreprife importante de
trafic ou d’induftrie exige le concours de deux ef-
pèces d ’hommes ; d’entrepreneurs qui font les
avances des matières premières, des uftenfiles né-
ceflaires à chaque commerce ; & de {impies ouvriers
qui travaillent pour le compte des premiers ,
moyennnant un falaire convenu. T e lle eft la v é ritable
origine de la diftinâion entre les entrepreneurs
ou maîtres, & les ouvriers ou compagnons,
laquelle eft fondée fur la nature des chofes , 8c
ne dépend point dé l’inftitutiort arbitraire des jurandes.
Certainement ceux qui emploient dans un
commerce leurs capitaux , ont le plus grand intérêt
à ne confier leurs matières qu’à de bons ou vriers
; & l’on ne doit pas craindre qu’ils en prennent
au hafard de mauvais, qui gâteroient la mar-
chandife & rebuteroient les acheteurs : on doit
préfumer aufîi que les entrepreneurs ne mettront
pas leur fortune dans un commerce qu’ils ne con-
noîtroient point affez pour être en état de choifir
les bons ouvriers & de fur veiller leur travail.
Nous ne craindrons donc point que la fuppreffion
des apprentiffages , des compagnonages & des
chefs-d’oeuvres , expofe le public à être mal fervi.
Nous ne craindrons pas non plus que l’affluence
fubite d’ une multitude d’ouvriers nouveaux ruine
les anciens, & occafionne au commerce une fe -
coufïe dangereufe.
Dans les lieux où le commerce eft le plus lib re ,
le nombre des marchands & des ouvriers de tout
genre eft toujours limité & néceflairement proportionné
aux b efoin s, c’eft-à-dire, à la confomma-
tion, Il ne paffera point cette proportion dans les
| lieux où la liberté fera rendue; aucun nouvel entrepreneur
ne voudroit rifquer fa fortune, en facri-
'' fiant fes capitaux à un établiffement dont le fuccès
pourroit être dou teux, & où il auroit à craindre
la concurrence de tous les maîtres aduellement
établis , & jouifîànt de l’avantage d’un commerce
monté 8c achalandé.
Les maîtres qui compofent a&uellement les communautés
, en perdant le privilège exclufif qu’ils
ont comme ven d eurs , gagneront comme acheteurs
à la fupprefîion du privilège exclufif de toutes les
autres communautés : les artifans y gagneront l’a-
vantage de ne plus dépendre, dans la fabrication
de leurs ou v rag e s , des maîtres de plufieurs autres
communautés , dont chacune xéclamoit le privilège
de fournir quelques pièces indifpenfable: : les marchands
y gagneront de pouvoir vendre tous les
aflortimens accefloires à leur principal commerce.
Les uns 8c les autres y g agn e ron t, fur - tout de
n’être plus dans la dépendance des chefs & des
officiers de leur communauté , de n’avoir plus à
leur payer des droits de vifite fréquens , d’être
affranchis d’une foule de contributions pour des
dépenfes inutiles ou nuifibles, frais de,cérémonie,
de rep a s , d ’affemblées & de procès auffi frivoles
par leur o b je t , que ruineux par leur multiplicité.
En fupprimant ces communautés pour l’avantage
général de nos fuje ts , nous devons à ceux de
leurs créanciers légitimes qui ont contracté avec
elles , fur la foi de leur exiftence au-torifée, de
pourvoir à la sûreté de leur créance.
Les dettes des corfimunautés font de deux claf-
fes ; les unes ont eu pour caufe les emprunts faits
par les communautés, dont les fonds ont été ver*
lés en notre tréfor r o y a l , pour l’acquifition d’offices
créés qu’elles ont réunis. Les autres ont pour
caufe les emprunts qu’elles ont été autorifées à
fa ire , pour fubvenir à leurs propres dépenfes de
tout genre.
Les gages attribués à ces offices , 8c les droits
que les communautés ont été autorifées à lever,
ont été affeCtés jufqu’ici au paiement des intérêts
des dettes de la première claffe , & même en partie
au rembourfement des capitaux. Il continuera d’être
fait fonds des mêmes gages dans nos états , & les
mêmes droits continueront d’être levés en notre
n om , pour être affeCtés au paiement des intérêts
8c capitaux de ces dettes jufqu’à parfait rembourfement.
La partie de ce revenu qui étoit employée
par . les communautés à leur propre défenfe, fe
trouvant lib re , fervira à augmenter les fonds da-
mortiffement que nous- deftinerons au rembourfe-
ment des capitaux.
A l’égard des dettes de la fécondé c la ffe, nous
nous fommes affùrés , par le compte que nous
nous fommes fait rendre de la fituation des communautés
de notre bonne ville de Paris , que Us
fonds qu’elles ont en caiffe ou qui leur font dus?
8c les effets qui leur appartiennent, 8c que leur
fupprelfion mettra dans le cas de v en d re , fuffiront
pour éteindre la totalité de ce qui refte à payer
de ces dettes ; & , s’ils ne fuffifoient p a s, nous y
pourvoirons. „
Nous croyons remplir par-là toute juftice envers
ces comunautés ; car nous ne penfons pas
devoir rembourfer à leurs membres aCtuels , les
taxes qui ont été exigées d’elles de règne en rè gne,
pour droit de confirmation ou de jo yeux avènement.
L’objet de ces taxe s , qui fouvent ne font |
point entrées dans le tréfor de nos prédécëffeurs,
a été rempli par la joui fiance qu’ont eue ces communautés
de leurs privilèges pendant le règne fous ,
lequel ces taxes ont été payées.
Ce privilège a befoin d’être renouvelé à chaque
règne, nous avons remis à nos peuples les fommes
que nos prédéceffeurs étoient dans l’ ufage de
percevoir à titre de jo yeux avènement ; mais nous
riavons pas renoncé au droit inaliénable de notre
fouveraineté, de rappeler à l ’examen des p rivilèges
accordés trop facilement par nos prédéceffeurs ,
& d’en refufer la confirmation, fi nous les jugeons
nuifibles au bien de notre é ta t , & contraires aux
droits de nos autres fujets.
C’eft par ce motif que nous nous fommes déterminés
à ne point confirmer , & à révoquer
expreffément les privilèges accordés par nos prédéceffeurs
, aux communautés des marchands 8c
artifans, 8c à prononcer cette révocation générale,
pour tout notre royaume, parce que nous devons
la même juftice à tous nos fujets : mais cette même
juftice exigeant qu’au mo.ment où la fuppreffion
des communautés fera effectuée , il foit pourvu
au paiement de leurs dettes , & les éclairciflemens
que nous avons demandés fur la fituation de celles
qui exiflent dans différentes villes de nos provinces
, ne nous étant point encore parvenus , nous
nous fommes déterminés à fufpendre par un at-
ticie particulier l’application de notre préfent édit
aux communautés des villes de provinces , jufqu’au
moment où nous aurons pris les mefures nécef-
faires pour pourvoir à l ’acquittement de leurs
dettes. •
v Nous fommes à regret forcés d’ex cepte r, quant
a préfent, de la liberté que nous rendons à toute
eipece de commerce & d’induftrie , les communautés
de barbiers-perruquiers-étuviftes, dont l’é-
tabliffement diffère de celui des autres corporations
de ce genre, en ce que les maitrifes de ces autres
profeffions ont été créées en titre d’office ; dont
es finances ont été reçues en nos parties cafuelles,
avyc faculté aux titulaires d’en conferver la pro-
pntetè par le paiement du centième denier. Nous
°mmes obligés de différer l’affranclliflement de ce
genre d in d u f t r ie ju fq u ’à ce que nous ayons pu
prendre des arrangemens pour l’exrinCtion de ces
n ces ; ce que nous ferons auffitôt que la fitua-
mn de nos finances nous le permettra.
1 eft quelques profeffions dont l’exèrcice peut
°nner lieu à des abus qui intéreflent ou. la foi
publique, ©u la police générale de l’é ta t , ©u même
la sûreté & la v ie des homme s; ces profeffions
exigent une furveillance & des précautions particulières
de la part de l’aiitorité publique. Telle s
font les profeffions de la pharmacie , de l ’orfèvrerie
, de l’imprimerie ; les règles auxquelles elles
font aCtuelllement aflùjetties , font liées au fy f-
tême général des jurandes, 8c fans d o u te , à cet
égard , elles doivent être réformées ; mais les
points de cette réfo rm e , les difpoffrions qu’il fera
convenable de conferver ou de changer, font des
objets trop importais pour 11e pas demander l’examen
le plus réfléchi. En nous réfervant de faire
connoître dans la fuite nos intentions fur les règles
à fixer poiir l’exercice de ces profeffions, nous
cro y on s, quant à préfent, ne devoir rien changer
à leur état aCtuel.
En affurant au commerce 8c à l’induftrie l’entière
liberté & la pleine concurrence dont ils doivent
jouir , nous prendrons les mefures que la
confervation de l ’ordre public e x ig e , pour que
ceux qui pratiquent les différens négo c es, arts &
métiers foient connus , & conftitués en même
temps fous la protection & la difcipline de la
police.
A cet e f fe t , les marchands & artifans , leurs
noms, leurs demeures , leur emp loi, feront exactement
enregiftrés : ils feront claffés , non à rai-
fon de leur profeffion, mais à raifon des quartiers
où ils feront leur demeure ; 8c les officiers des
communautés abrogées , feront remplacés avec
avantage par les fyndics établis dans chaque quartier
ou arrondiffement, pour veiller au bon ordre
rendre compte aux magiftrats chargés de la police
8c tranfmettre leurs ordres.
Toutes les communautés ont de nombreufes
conteftations. Tou s les procès qu’une continuelle
rivalité aVoit élevés entre elles, demeureront éteints
par la réforme des droits exclufifs auxquels elles
prétendoient. Si à la diffolution des corps & communautés
il fe trouve quelques procès intentés ou
foutenus en leur n om , qui préfentent des objets
d’intérêt r é e l , nous pourvoirons à ce qu’ils foient
j fuivis ju fqu ’à jugement définitif, pour la confervation
‘des droits de qui il appartiendra.
Nous pouvoirons encore à ce qu’un autre genre
de conteftations qui s’élèvent fréquemment entre
les artifans & ceux qui les emploient , fur le
genre , la perfection ou le-prix du travail , foit
terminé par lès voies les plus courtes 8c les moins
difpendieufes.
Le gouvernement rie tarda point à s’appercevoir
du défordre qui devoit naître néceflairement de
cette indépendance. Le roi y pourvut par autre
édit du mois d’août de la même année 1 7 7 6 , dont
vo ic i la teneur :
Notre amour pour nos fujets nous avoit engagé
à fupprimer, par notre édit du mois de février dernier
, les jurandes 8c communautés de commerce
• arts 8c métiers. Toujours animé du même fenriment