
Préparation des Couleurs.
1°. B L E U.
Pour avoir un b le u , prenez de l’in d igo , broyez-
le bien exactement à l’eau fur la pierre & à la
molette ; enlevez la couleur , mettez - la dans un
petit pot.
Q u ant à ce qüi en reftera à la pierre & à la
molette, ayez de l’eau dans votre b ouche, foufflez-
la fur la molette & fur la pierre ; lavez les ainfi:
mettez cette lavure dans un autre p o t , & fortifiez-
la quand vous voudrez vous .en fervir.
Il ne faut pas négliger ces petites cérémonies
à toutes les chofes qui fe répètent fouvent : elles
font communément la différence de la perte au
gain.
11°. R o u g e .
Pour avoir du rouge, prenez de la lacque p la te,
broyez-la fur la pierre avec la molette, non à l’e a u ,
mais avec une liqueur préparée de la manière fui-
vante. '
A y e z du bois de Bré fil; faites-le bouillir dans
de l’eau avec une petite poignée de ch au x-v iv e
que vous jetterez dans l’eau lur la fin , lorfque le
bois aura fuffifamment bouilli. Mettez un feau &
demi d’e a u , fur deux livres de bois de Bréfil. Si
le bois de Bréfil eft p ilé ,' vous le ferez bouillir
environ deux heures ; plus long-temps s’il eft entier
: vous réduirez le tout à un. feau par l’ébullition.
C ’eft après la réduâion que vous ajouterez
la poignée de chaux-vive. Vous paflerez à travers
un lin g e , & c’eft avec la liqueur qui vous viendra
qu’il faut préparer la lacque.
Vous commencerez par réduire la lacque en
poudre à f e c , avec la molette; quand vous l’aurez
bien pulvérifée , vous pratiquerez au milieu
un creux dans lequel vous verferez peu à peu de
la liqueur préparée , en continuant de broyer :
vous ne rendrez pas cette liqueur trop flu id e , fi
vous ne voulez pas en rendre la trituration incommode.
Vous arroferez & broyerez , jufqu’à ce qu’en la
maniant entre vos doigts , vous n’y fentiez aucune
afpérité ; alors vous prendrez gros comme une
bonne noifette de gomme adragant trempée, vous
choifirez la plus blanche & la plus ferme qu’il y
aura dans le pot à beurre , où elle aura féjourné
trois jours. V ous en mettrez cette quantité-, ou
même un peu p lus ,- fu r un quarteron de lacque,
avec trois cuillerées de fiel de boeuf , que vous
aurez laiffé repofer pendant huit jo u r s , & dont
vous n’emploierez que la partie la plus fluide-, fé-
parant l’épais.
trop gras : vous broierez le rouge , 4a gomme &
le fiel de boeuf, jufqu’ à ce que le tout foit fans grumeaux
Qu and le fiel de boe u f n’a pas repofé , il eft
, éclaircilTant toujours avec la liqueur préparée.
. Cela fa it , vous releverez le mélange avec fi
ramaffoire de c u ir , & vous le mettrez dans un pot
où vous ajouterez , fur un quarteron de couleur,
environ une chopine de liqueur préparée.
IIP. J a u n e .
Pour le j a u n e , ayez de l’ocre ; faites - la tremper
quelques, jours dans de l’eau de rivière : délaye
z l’ocre trempée avec une fpatule.
Transvafez de cette ocre délayée dans un autre
vaifleau. Sur une chopine de cette eau d’ocre,
qui eft très-fluide, mettez trois cuillerées de fiel
de boe u f, & mêlez le tout avec un pinceau.
IV°. B L A N C,
Pour avoir du b la n c , il ne faut que de l’eau &
du fiel de boeuf.
Mettez fur une pinte d’eau quatre cuillerées de
fiel d e 'b oe u f , battez bien le tout enfemble. Ce
fera proprement le fond du papier qui fera le
blanc.
V°. V e r t .
Pour le v e r t , a y ez de l’indigo broyé avec de
l’ocre détrempée ; faites - en comme une bouillie
claire.
Pour faire cette b o u illie , mettez fur une pinte
d’eau deux cuillerées d’indigo détrempé , avec
l’ocre & trois cuillerées de fiel de boe u f, mêlant
bien le tout.
VI0. N o i r .
On fait le n o ir avec de l’indigo 8c du noir de
fumée.
On met pour un fou de noir de fumée fur la
grofleur d’une noix d’indigo ; o u , pour plus d’exactitude
, prenez un poiffon de n ir de fumée &
gros comme une noifette de gom m e , & ajoutez
une cuillerée de fiel de boeuf.
VII0. V i o l e t .
Pour avoir un v i o le t , ayez le rouge préparé pour
le papier commun, comme il a ls té dit ci-denus, 8c ajoutez - y quatre ou cinq larmes de noir de
fumée , b royé avec de l’indigo<
Le marbreur de papier n’emploie g u è r e queues
couleurs ; mais on peut s’en procurer autant dautres
qu’on voudra , d’après celles que nous venons
d ’indiquer. ■ - • ■ -
A in f i, l’on aura la c o u le u r d e c a fé , fi l’on prend
un quarteron de rouge d’Angleterre , qu on te
broie avec gros comme une noifette de gomme &
deux cuillerées de fiel de' boeuf. : ^ ,
Un b ru n , fi à un mélange de noir de fumee,
préparé avec l’indigo 8c le rouge d’Angleterre,
' on ajoute de la gomme & du fiel de boeuf. ^
Un g r i s , fi l’on broie enfemble du noir de M‘
m é e , du blanc d'Efpagne & de l’indigo.
Un a u r o r e , fi on mêle de l’orpin avec de l’ocre , J
ajoutant aufli la gomme & le fiel de boeuf.
Un b le u t u r q u in , en mettant dans la couleur |
précédente plus d’indigo 8c moins de blanc d’E f- I
pagne.
Un b le u c è le jle , en mettant, au contraire, dans
la même couleur, plus de blanc d’Efpagne & moins
d’indigo. ,. .
Un v e r t , en mettant de l’orpin jaune avec de
l’ocre, broyant & délayant à l’ordinaire.
Un v e rt c é le jle , en ajoutant au vert précédent
un peu dé blanc d’Efpagne.
Un v e rt f o n c é , par le moyen d’un noir de fumée
, broyé avec de l ’indigo & de l’ocre.
Au refte, entre ces cou leurs, il y en a q u e l- '
ques - unes dont la préparation v a r ie , du moins
quant aux dofes relatives des drogues dont on
les comp.ofe, félon l’efpèce de papier qu’on veut
marbrer. Mais quelle qu’elle foit & quelles que
foient les couleurs qu’on veut y em p lo y e r , on
ne doit pas en faire ufage fur le champ ; il faut
attendre qu’elles aient repofé du foir au lendemain.
F a b r ic a tio n d u p a p ie r m a rb ré .
i°. Pour marbrer le papier commun, lorfque les
eaux feront nettoyées, on jettera fur ces e a u x , avec
le pinceau & d’une fecoufle lég ère, du b le u préparé
comme on vient de le d ire, à cela près que
quand on fera fur le point de l’emp loyer, on aura
du blanc d’Efpagne qu’on aura mis tremper dans
de l’eau pendant quelques jours ; qu’on prendra
de ce blanc la valeur de deux cuillerées , trois
cuillerées de fiel de boe u f & une pinte d’eau ,
qu’on mêlera le tou t, qu’on ajoutera au mélange
la lavure d’indigo dont il a été queftion , & qu’on
ajoutera une cuilleréè de l’indigo préparé.
C’eft de ce mélange qu’on chargera le pinceau :
fa charge doit fufïire pour faire fur la furface du
baquet un t a p is , c’eft-à-dire, pour couvrir également
& légèrement toute la furface de l’eau :
on n’appercevra dans ce tapis que des ramages ou
veines.
% \ iet£era ^ ce tapis du ro u g e . O n verra
auffitot ce rouge repoufler le bleu -, prendre fa
place, 8c former des taches éparfes.
i \ • jettera du ja u n e , qui fe difpofera aufli
a la manière. 4 • Du blanc. S’il arrive que ce blanc jeté o c cupe
trop d e fpace, il faudra ramafler le tout def-
us le paquet ou hafarder une mauvaife feu ille ,
c,.]C0r,r^ er ce blanc en l’éclaircifîant avec de l’eau.
1 ? en occupe pas a f le z , on mettra de l’amer
ou du flei de boe^f:
Au refte, cette attention n’eft point particulière
,au “lanc, il faut l’étendre à toutes les autres couurs
qu on corrigera , s’il eft néceflaire , foit par
'^au 9 *01t par le fiel de boeuf ou autrement ,
rome on va l’indiquer.
Ces taches de blanc doivent être difperfées fur
toute la furface du baquet ou du tapis , comme
des lentilles.
Le bleu fe corrige avec l’eau.
Le rouge fe corrige avec la liqueur dont on a
donné la préparation ; s’il a trop de gomme ou de
confiftance , il fe corrige avec la lacque broyée
fans gomme; fi la gomme n’y foifonne pas fuffifamment
8c qu’il n’ait pas de corps, il faut ajouter
de la gomme broyée avec de la lacque de pont.
Le jaune fe corrige a vec du jaune & de l’eau.
Il faut fur-tout veiller dans l’emploi de ces cou leurs
, qu’elles ne marchent pas trop , c’eft-à-dire,
qu’elles ne fe preflent^pas trop. Elles occupent
plus ou moins de place , félon qu’elles ont plus
ou moins de confiftance , 8c félon les drogues dont
elles font compofées.
V o y e z fi g. q de la vignette (p/. 1 du Marbreur
de papier ) , un ouvrier qui jette les couleurs dans
le baquet.
Quand les couleurs font je tée s, on prend le
peigne à quatre branches, on le tient par fes deux
extrémités, on l ’applique au haut du baquet, de
manière que l’extrémité de fes,pointes touche la
furface de l’e a u , pn le mène de manière que chaque
pointe trace un frifon ; cela f a i t , on enlève
le peigne, & on l’applique femblablement au def-
fous des frifons fait?.
On en forme de nouveaux par un mouvement
de peigne, égal à celui qui a formé les premiers ;
on l’enlève pour la fécondé fois , & 011 l’applique
une troifième ; & en quatre fois ou reprîtes, le
peigne a defeendu depuis le haut du tapis du baquet
jufqu’au bas. La fig. 4 de la vignette pl. I ,
repréfente un ouvrier occupé de cette manoeuvre.
Selon que les dents fur les peignes font également
ou inégalement écartées, 011 a des ondes ou
des frifons égaux ou inégaux ; les frifons feront
d’autant plus grands , que les dents feront plus
écartées.
Si elles font inégalement écartées fur la longueur
de ce peigne , on aura conféquemment aufli
fur le papier une ligne de frifons inégaux.
On conçoit qu’on peut varier le papier marbré
d ’autant de couleurs différentes qu’on en peut préparer,
'8c que les figures régulières ou irrégulières
eorrefpondent à la variété infinie des traits qu’on
peut former fur le tapis de couleur a vec la pointe,
& des mouvemens qu’on peut faire avec le peigne ;
elles n’ont point de limite.
Il y a autant d’efpèces de papiers marbrés, qu’ il
y a de manières de combiner les couleurs & de
les brouiller.
S i , fur un tapis à bandes de différentes couleurs
, on fait mouvoir deux peignes en fens contraire
, partant toutes deux du même endroit, mais
l ’un brouillant en montant 8c l’autre brouillant de
la mème^ m anière en defeendant , il eft évident
qu’on aura des frifons , des panaches & autres
figures adoflees , 8c tournées en fe/is contraire.