Lorfque les parties ont de l’étendue, comme les
enduits & crépis, on met encore plus d’eau, ce
qu’on appelle gâcher liquide ; on l’emploie par af-
perfion avec le balai de bouleau & à diverfes re-
prifes : le plâtre étant pour lors très-long à prendre,
donne le temps de l’étendre avec la truelle fur de
grandes furfaces.
Enfin, lorfque ce font des cavités où l’on ne
peut introduire le plâtre à la main, on y met beaucoup
d’eau, ce qu’on appelle plâtre coulé ou coulis
de plâtre ; on l’emploie en effet en le coulant comme
l’eau dans les cavités, jufqu’à ce qu’elles foient
remplies.
Il faut aufli éviter, comme au mortier, de l’employer
en hiver & pendant les gelées. L’eau qui a
fervi à le gâcher, fe glace, affoiblit fes fels, & lui
ôte toute l’onâion & la vertu qu’il avoit de s’endurcir
& de lier les murs enfemble ; enforte qu’ils
ne font aucunement folides & ne peuvent être de
longue durée.
Qualités du Plâtre,
On appelle plâtre cru, la pierre qui fert à faire
le plâtre, lorfqu’elle n’a pas encore été cuite. On
l’emploie quelquefois comme moellons, mais alors
c’eft un moellon de mauvaife qualité.
Plâtre cuit, celui qui fort du four & eft encore
en pierre.
Plâtre battu, celui qui a été écrafé fous la batte,
pilé & réduit en poudre.
Plâtre blanc, celui qui a été râblé & dont on a
extrait tout le charbon qui pouvoit le noircir, précaution
néceffaire pour les ouvrages qui exigent de
la propreté.
Plâtre gris, celui qui n’a pas été râblé, étant
deftiné aux ouvrages de maçonnerie de peu de
conféquence.
Plâtre gras, celui qui, étant cuit, eft doux, onctueux
, & facile à employer.
Plâtre vert, celui qui, n’ayant pas été affez cuit,
fe diffout en l’employant, fe gerce, tombe & fait
une mauvaife conftru&ion.
PlâtreJiumide, celui qui, ayant été expofé à la
pluie ou à l’humidité, a perdu la plus grande partie
de fés fels.
Plâtre éventé, celui qui, ayant été trop long temps
expofé à l’air après avoir été pulvérifé, a de la
peine à prendre & à s’endurcir.
Façons du Plâtre,
On appelle gros plâtre, celui qui a été concaffé
groffièrement, & que l’on deftine pour les gros
murs de moellons ou les hourdages de cloifons.
Plâtre au paniêr, celui qui, après avoir été paffé
à travers un panier à claire-voie, eft à demi-fin.
Plâtre au fus , celui qui a été paffé à travers un
tamis clair & fin.
Emploi du Plâtre',
On appelle plâtre gâché ferré, celui qui eft le
moins abreuvé d’eau pour les parties qui ont befoin
de folidité.
Plâtre gâché clair , celui qui eft un peu plus
abreuvé d’eau pour les corniches, cimaifes, &c.
Plâtre gâché liquide, celui qui eft abreuvé de
beaucoup d’eau pour les enduits & crépis.
Plâtre coulé ou coulis de plâtre, celui de tous
qui eft le plus abreuvé d’eau pour couler dans les
cavités où l’on ne peut en introduire d’autre.
Voyez Part du Plâtriertome I , page 448,
Du Blanc en bourre.
Dans le pays où le plâtre' eft rare, on fait les
enduits avec une efpèce de "'mortier compofé de
lait de chaux & de fable fin le plus blanc poflible,
mêlé de bourre où poil de boeuf, qui lui donne
liaifon ,- ce qu’on appelle communément blanc en
bourre.
Ce mortier, appliqué, comme le plâtre, fur les
murs, corniches & faillies d’archite&ure, n’eftpas
fi dur, mais, bien mis en oeuvre , ne laiffe pas que
d’avoir une certaine folidité, & eft bien moins fujet
à fe fendre & fe gercer.
De la Chaux.
La chaux eft Une pierre cuite & calcinée au four,
qui, détrempée avec de l’eau, s’échauffe, fe diffout,
& devient liquide. Cette pierre, étant feule,
n’a aucune aéfion ; mais , réunie avec d’autres
agens, a la vertu de lier les pierres enfemble, au
point de faire un corps folide, & avec le temps,
impénétrable à quoi que ce foit.
Si l’on pile »'dit Vitruve , des pierres crues, on
ne peut rien en faire ; mais fi on les fait cuire,
on chaffe les parties dures & humides qu’elles renferment,
elles deviennent poreufes , & en les plongeant
dans l’eau, elles fe transforment en une pâte
liquide qui fait la bafe du mortier.
La meilleure chaux eft blanche, graffe, fonore,
& fur - tout point éventée : en l’humeâant, elle
rend une fumée abondante, & lorfqu’elle eft détrempée
, elle s’unit fortement au rabot.
On en reconnoît encore la bonté après la cuif-
fon, lorfqu’après l’avoir bien broyée avec de 1 eau,
on s’apperçoit qu’elle devient gluante comme la colle»
Toutes les pierres fur lefquelles l’eau-forte agit
& bouillonne, font propres à faire de la chaux.
Celles qui font tirées nouvellement des carrières
humides & à l’ombre, font très-bonnes. Les plus
dures & les plus pefantes font les meilleures, Ie
marbre même eft préférable. Les coquilles d’huître
font aufli très-bonnes ; mais celle qui, dit Vitruve,
eft faite de cailloux qu’on trouve fur les montagnes
, dans les rivières, les torrens, les ravins, e®
parfaite. .|
Il y a dans les montagnes de Padoue, dit Palladio
, une efpèce de pierre écaillée, dont la chaux
eft excellente pour les ouvrages aquatiques & hors
de terre , parce qu’elle prend vite & s’endurcit
promptement.
Vitruve nous aflùre que celle que l’on fait avec
des pierres dures & fpongieufes, eft bonne pour
les enduits & crépis; que les pierres poreufes font
la chaux tendre, les pierres échauffées font la chaux
fragile, les pierres humides font la chaux tenace,
& les pierres terreufes font la chaux dure : celle
qui eft faite avec la pierre de marne, quoique des
plus tendres, eft néanmoins fort bonne.
Philibert Delorme confeille de faire la chaux avec
les mêmes pierres dont on bâtit, parce qu’étant
homogènes, dit-il, leurs liaifons fe font mieux.
On fait cuire la chaux avec du bois ou du charbon
de terre. Ce dernier, plus ardent, a beaucoup
plus d’aélion, cuit plus promptement, & la chaux
en eft plus graffe & plus on&ueufe.
Les fours à chaux font ordinairement fitués &
conftruits au pied & dans l’épaiffeur des terraffes.
On les fait de différentes' formes, mais le plus fou-
vent circulaires , d’environ neuf à dix pieds de
diamètre, & de la forme d’un oeuf, dont la pointe
faifant le fomimet, eft ouverte pour donner iflùe
à la fumée. On y arrange la pierre à cuire, d’abord
en voûte, pour contenir le bois , obfervant de
placer près du foyer les plus groffes, les premières;
enfuite les moyennes ; & après, les petites.
On élève ainfi jufqu’au fommet; on bouche l’ouverture
, & on met le feu, que l’on entretient pendant
trente ou trente-fix heures que doit durer la
cuiffon : les fours où l’on emploie le charbon de
terre, & même quelques-uns de ceux où l’on emploie
le bois, ont leurs foyers percés & évidés
par deffous , couverts d’une grille de fe r , pour
donner de l’air & fouffler le feu.
La pierre étant cuite, on la laiffe refroidir pour
la tranfporter aux ateliers.
La chaux fe Vend à Paris 48 à 50 livres le muid
de quarante-huit pieds cubes, rendue aux ateliers.
Maniéré eTéteindre la Chaux,
La qualité de la pierre & fa cuiffon contribuent
beaucoup à la bonté de la chaux ; mais la manière
de l’éteindre peut la lui faire perdre entièrement,
u 1 on ne prend toutes les précautions néceffaires.
Anciennement on éteignoit la chaux dans les
ualhns creufés en terre. Après y avoir dépofé'les'
pierres cuites, on les couvroit de deux pieds d’é-
paiffeur de fable ; on les arrofoit d’eau , & on les
entretenoit abreuvées de manière que la chaux fe
diffolvoit fans fe brûler. S’il fe failoit des ouvertures
, on avoit foin de les remplir de nouveau
jable, afin que la chaleur demeurât concentrée.
!rne fois éteinte, on la laiffoit deux ou trois ans
tans 1 employer : cette matière, après ce temps,
convertiffoit en une jnaffe femblable à'la glaïfe,
Arts & Métiers. Tome IV, Partie I,
mais très-blanche, graffe & glutineufe , au point
qu’on n’en pouvoit tirer le rabot qu’avec beaucoup
de peine,; ce qui faifoit un mortier d’un excellent
ufage.
La manière aftuelle d’éteindre la chaux, eft de
la dépofer dans un baflin plat d’environ deux pieds
de profondeur, rempli d’eau, & de l’y remuer à
force de bras & de rabot , jufqu’à ce qu’elle foit
bien délayée.
Il faut obferver plufieurs chofes effentielles :
i°. que le baflin d’extinction ait une ou deux rigoles
, communiquant à un ou deux baflins de pro-
vifion au deffous, & creufés en terre d’environ fix,
huit ou dix pieds de profondeur, deftinés à recevoir
la chaux à mefure qu’elle eft éteinte ; 2,0. que
le fond du baflin d’extinction foit plus bas de quelques
pouces que celui de la rigole , afin que les
corps étrangers s’y dépofant, ne puiflènt couler
dans le baflin de provifion; 30. de faire beaucoup
d’attention à la quantité d’eau néceffaire : trop la
noie & diminue fa force ; trop peu la brûle , diffout
fes parties, & la réduit en cendres.
Toutes les eaux ne font pas propres à éteindre
la chaux.
L’eau bourbeufe & croupie eft fort mauvaife ,
étant compofée d’une infinité de corps étrangers,
capables d’en diminuer la force.
L’eau de la mer, fuivant quelques-uns, n’eft pas
bonne ou l’eft très-peu , parce qu’étant falée, le
mortier fait de cette chaux eft difficile à fécher ;
fuivant d’autres, elle fait de bon mortier lorfque la
chaux eft forte & graffe : on l’emploie aufli avec
fuccès à Dieppe & prefque dans tous les ports de
France.
L’on trouve affez fouvent au fond du baflin
des parties dures & pierreufes , qu’on appelle bif-
cuits : ce font des pierres mal cuites , qu’il faut
mettre à part i & dont le marchand doit tenir
compte.
La chaux une fois éteinte , on la laiffe refroidir
quelques jours, après lefquels on peut l’employer.
Quelques-uns prétendent que c’eft-là le temps de
la mettre en oeuvre, parce que fes fels n’ayant pas
eu encore le temps de s’évaporer, elle en eft par.
conféquent meilleure.
Cependant, fi l’on juge à propos de la conferver,
il faut la couvrir d’un pied ou dix-huit pouces d’é-
paiffeur de bon fable ; alors elle peut fe garder trois
ou quatre ans fans perdre de fa qualité.
Vitruve & Palladio prétendent que la chaux
gardée long - temps dans le baflin , eft infiniment
meilleure ; & leur raifon eft que , s’il fe trouve des
pierres moins cuites ou moins éteintes, elles ont
eu le temps de s’éteindre & de fe détremper comme
les autres , à l’exception néanmoins de celle de
Padoue, ajoute ce dernier, qui, lorfqu’elle eft gardée
, fe brûle & fe réduit en pouflière.
Celle qui eft faite avec la marne de Senonches
au Perche, durcit fort promptement, même dans
le baflin, lorfqu’elle y léjourne quelque temps : le
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