
Il diffète de l’épinette, en ce qu’au lieu de foute-
reau armé d’une pointe de cuir ou de plume, le
fautereau du manicorde eft armé à fon extrémité,
i . d un morceau de cuivre; 2°. d’une petite pointe
qui peut foulever un morceau d’étoffe, qui appuie ;
fur la corde.
Lorfque l’on baiffe la touche, le marteau de
cuivre frappe la corde dans l’inftant que l’étoffe
eft foulevée.
,:I1 eff vifible que le morceau d’étoffe doit arrêter
la vibration, dès que la touche reprend fa fituation
naturelle.
Le manicorde a 49 ou 50 touches ou marches ,
& 70 cordes qui portent fur 5 chevalets, dont lé
premier eft le plus haut ; les autres vont en diminuant.
Il a quelques rangs de cordes à l’uniffon,
parce qu’il y en a plus que de touches.
On y pratique plufieurs petites mcrtaifes, pour
faire paffer les fautereaux armés de leùrs petits
crampons d’airain qui touchent & hauffent les
cordes , au lieu de la plume de corbeau qu’ont
ceux des clavecins & des épinettes. Mais ce qui
le diftingue encore plus, c’eft que fes cordes font
couvertes depuis le clavier jufqu’aux mortaifes ,
de morceaux de-drap qui rendent le fon plus doux,
& l’érouffent tellement qu’on ne le peut entendre
de loin. , ,
Quelques perfonnes l’appellent, par cette raifon,
èpinette fourde; & c’eft ce qui fait qu’il eft particulièrement
en. ufage dans les couvens de religieu-
fes , où on s’en fert, par préférence; pour apprendre
à jouer du clavecin, dans la crainte de troubler le
filence du dortoir.
Les doigts, en frappant les touches avec plus
©u moins, de violence , procurent le forte ou le
piano : mais le manicorde ne doit pas être réuni
avec d’autres inftrumens dans un concert ; il n’a
pas allez de force pour fe foire entendre, & il
exige que l’on frappe la touche ; au lieu que dans
l’épi nette, il fuffit de l’abaiffer.
Dans la page 114 de l’ouvrage de l’Harmonie
univerfelle, le père Merfenne donne le plan d’un
manicorde de -quatre o&aves ordinaires,
C l a v i c o r d e .
Cet inftrument tire fon origine du monocorde,
& probablement le nom de monocorde qu’on lui
donne, n’eft que ce premier corrompu. La preuve
que le clavicorde tire fon origine.du monocorde,
c’eft qu’on avoit des monocordes où au lieu de
tranfporter le chevalet, il .y avoit des fautereaux
à chaque divifion; de plus, les premiers clavicordes
n’avoient qu’une feule & même corde pour tous
les tons qui n’entroient pas dans le même accord,
& alors l’harmonie étoit fort bornée* ils* n’avoient
d’autre feinte que le fih dans chaquej oéfave , &
en tout feulement vingt touches.
Ordinairement les tons graves du clavicorde ont
un fon de chauderon, & les aigus n’en.ont point
du tout ; ce qui provient du trop ou trop peu de
longueur des cordes : le clavicorde ne peut guère
avoir que tout au plus trois o&aves, dont le fon
foit agréable.
Cet inftrument vaut beaucoup mieux, pour les
commençans, que le clavecin ; i°. parce qu’il eft
plus aifé à toucher; 20. parce que, comme'il eft
capable de piano , de forte, & même de tenue,
quand on fait bien le ménager , on peut s’accoutumer
à donner de l’expreflion à fon jeu. Un célèbre
muficien allemand , nommé Bach, préfente ment directeur
de la mufique de la ville de Hambourg ,
ne juge d’un joueur de clavecin qu’après l’avoir
entendu tbucher du clavicorde.
C L A Q. U E B OI S .
C ’eft un inftrument de percuflion & à touches :
c’eft une efpèce d’épinette qui a été en ufage chez
les Flamands. Elle eft compofée de dix-fept bâtons,
qui donnent l’étendue des tons compris dans une
dix-feptième ; le bâton le plus à gauche eft cinq
fois plus long que celui qui eft le plus à droite ,
parce que les fons qu’ils rendent font entre eux
" comme 5 a 1. Ces bâtons parallèles font élevés
& fixés au deffus d’une boîte carrée, beaucoup
plus longue que haute ; ils ont chacun leur touche
ou marche : cette marche eft une efpèce de maillet
à tête ronde par un bout, & à manche ou palette
plate; le mécanifme par lequel ils fe meuvent, ne
diffère pas du mécanifme des claviers d’épinette ou
du cjavecin.
On applique le doigt fur la palette de la touche
ou marche ; la tête lève , & va frapper un des
bâtons. Les bâtons font de hêtre, ou de tel autre
bois qu’on veut, réfonnant par lui-même, ou durci
au feu. L’harmonie de cet inftrument ne feroit
peut - être pas défagréable, fi on fubftituoit des
verges de métaux aux bâtons-
Epinette à marteaux de bois dur.
Le manicôrdion a vraifemblablement donné lieu
d’imaginer Yépinette à marteaux de bois dur. On
place ces marteaux horizontalement ou verticalement.
Quelquefois on met entre les marteaux & la
corde un petit morceau de peau de mouton,. ce
qui foit rendre un fon de luth à la corde qui eft
frappée ; mais lorfque l’on veut faire rendre un
fon d’épinette, il fout avec le genoü faire mouvoir
un levier qui foulève les peaux. Il eft évident que
dans cette .èpinette à marteaux, on peut foire le
piano & le forte , ou fur l’épinette ou fur ce luth.
Cette èpinette à marteaux rend beaucoup plus de
fon que l ’épinette. à plume; elle a l’avantage, fur
cette dernière, de n’exiger prefque aucune réparation
. : il eft vrai que l’on a un peu de peine à s’accoutumer,
à frapper la touche plus ou moins fort,
& à ne donner que le degré de force que L’oa
fouhaite. Il y a grande apparence que l'épinette à
marteau prévaudra dans peu aux épinettes à fautereaux
emplumés , qui exigent des réparations
continuelles.
Le marteau a environ fix lignes de faces fur
trois lignes de hauteur; il eft porté par un fil de
fer ; près du marteau eft une fécondé branche qui
porte à fa fommité un morceau d’écarlate, qui s’é lève
lorfque le marteau va frapper la Corde; ces
deux machines font fixées à la fommité d’un petit
levier du premier genre, en bois ; il a environ un
pouce de hauteur : le levier eft foulevé par.l’extrémité
de la touche du clavier.
L’épinette à marteaux renferme fouvent cinq octaves
: on pourrait encore y ajouter des foute-
reaux à plumes, qui, rapprochés du chevalet collé
fur le fommet , procureroient aux cordes le fon
de la harpe. On préfume que les Allemands ont
inventé l’épinette à marteaux fur la fin du fiècle
dernier.
Epinette d fautereaux emplumes & d marteaux.
On dit qu’en 1758 ou environ, les Anglois ont
ajouté à l’épinette ordinaire , fix rangs de fautereaux
emplumés , & un rang de fautereaux à marteaux.
Les fautereaux emplumés heurtent la même
corde, les uns près du chevalet, les autres plus
©u moins loin ; ce qui eft caufe que la même corde
peut rendre fix fons d’un différent genre, c’eft-à-
dire, aigus, durs, doux , mous, & c. Tel eft le
mécanifme de l’épinette admirable qui foit le piano
Scie forte, que le fieur Virbes, muficien de Paris ,
promène a&ueUement dans les provinces de la
France.
Epinette en crefcendo.
La plus fingulière & la plus étonnante des découvertes
que l’on ait faite dans ce fiècle, pour
perfeâionner les épinettes de Rukers, eft celle de
M. Berger, muficien, réfident à Grenoble : il a inventé
une mécanique fort fimple qui fait rendre
à l’épinette, non-feulement le jeu du luth, celui
de la harpe , le piano, le forte, mais encore le
crefcendo, effet qui jufqu’alors avoit été regardé
comme impoftible à trouver. MM. de l’Académie
des Sciences de Paris lui ont donné des certificats
avec beaucoup d’éloges, dans le mois d’août 1765.
Les gazettes l’ont annoncé ; mais comme tous les
connoiffeurs de Taris fe font bornés à l’admirer,
M. Berger n’a point trouvé à propos de publier
la mécanique de cet inftrument, ainfi que celle
de l’orgue qui y étoit jointe, dont les fons hauf-
foient & baiffoient ; elle foifoit aufli le crefcendo,
que l’on regardoit également comme impoftible
d’appliquer à l’orgue. Ces deux mécanifmes fingu- ;
liers font applicables à toute efpèce d’épinette, ;
.& à toute efpèce d’orgue, fans en altérer le toucher
& le corps fonore. Il y a grande apparence :
que fi quelque fouverain n’acheite pas inceffam-
ment le fecret de la mécanique de M. Berger, ou
ne le trouvera vraifemblablement jamais. M. de
Laine, maître de vielle de Paris, a tenté dé procurer
le crefcendo à fon èpinette , en faifant avancer
ou reculer le fautereau : mais il arrive fouvent que
dans cette invention , la plume du fautereau ne
peut pas fe dégager de la corde ; au lieu que jamais
on ne fent aucune, difficulté dans la mécanique
du fieur Berger : fon èpinette n'exige point
que l ’on appuie plus ou moins le doigt fur la touche
, pour taire le piano , le forte, ou le crefcendo;
le genou ou le pied preffe un levier qui aboutit
a la mécanique j alors 1 on a des fons plus ou moins
forts dans l’épinette, ainfi que dans l’orgue. Voilà
tout ce que l’on fait de la mécanique de ces inftrumens.
Epinette en plufieurs parties.
Quelques perfonnes ont tenté de donner à l’épinette
la commodité du tranfport ; & dans cette
vue, ils ont divifé le clavier & le corps fonore
en trois parties parallèlement aux cordes : par ce
moyen, on eft parvenu à réduire ces épinettes en
parallélogramme reélangle, en tranfpofant une des
parties : mais ces épinettes ont rarement les corps
fonores proportionnels en force, & en efpèce de
fon ; d’ailleurs, elles font fujettes à des réparations
continuelles, quoique l’on faffe modeler les fautereaux
en étain pour les rendre plus folides.
Epinette avec archet.
Le fieur Renaud, bourgeois de Paris, originaire
d'Orléans, artifte fort ingénieux, a tenté de quadrupler
le fon de l’épinette, en y mettant un archet
fans fin, formé d’un tiffu de crin, coufu fur une
courroie. Une pédale fait mouvoir la roue fur laquelle
paffe l’archet. Les touches par la preflion du
doigt, font baiffer la corde fur l’archet par le moyen
d’un pilotte qui efl fixé à la touche. Ce pilotte faifit
la corde en deffus; il la rapproche de l’archet, qui
circule horizontalement fous toutes les cordes. Cet
infiniment a deux défauts : t°. comme les cordes
font en boyaux, il ne tient pas l'accord; l’humidité
& la féchereffe le font varier d’un inftant à
l'autre. 2°. Si l’on baiffe plufieurs touches à la fois
elles preffent trop fortement l’archet, il refte immobile.
Un commandeur de Malte, fort ingénieux, travaille
aâuellemenr dans Grenoble, à finir mie épi-
nette à cordes de métal St à archet fans fin, c’eft-à-
dire, en courroie tiffue & mobile par une pédale.
C e favant a ajouté un mécanifme pour exciter des
ofcillationslongitudinales dans lescordés de métal.
Ce point d’attache des cordes eft au centre des
leviers , dont l’extrémité répond, par un mécanifme,
aux touches de l’épinette. Chaque touche
de l’épinette a une ouverture & un petit point