
verre; on prend un peu de cochenille en poudre,
dont on fait un nouet dans iin fac de toile : on
fait infufer ce nouet en le remuant dans la leflive,
jufqu’à ce que la cochenille ait donné toute fa
couleur. La première couleur qui fort eft la meilleure
: on la garde à part dans un vaiffeau de
verre.
Quand toute la couleur eft extraite, on prend
un peu d’eau d’alun qu’on verfe fur la leflive jufqu’à
ce que tout foit caillé.
On diftingue dans le commerce plufieurs fortes
de lacques, entr’autres la lacque fine de Venife,
la lacque colombine, la lacque liquide.
Ces différentes lacques faâices font des pâtes
sèches auxquelles on donne la couleur de la lacque
naturelle, félon les degrés néceffaires & delirés
pour la gradation des teintes, que l’on diftingue
par différentes dénominations.
Ainfi, par lacque de Venife on entend une pâte
faite avec de là cochenille ruftique, après qu’on
en a tiré le premier carmin.
Par lacque colombine ou lacque plate , on déftgne
une pâte faite avec des tontures d’écàrlates, bouillies
dans une leflive où l’on a mis de la craie &
de l’alun. Celle-ci fert aux tabletiers & aux. apothicaires.
La lacque liquide eft la teinture rouge tirée du
bois de Bréfil.
Toutes ces lacques s’emploient dans la peinture
& dans les vernis.
Il en fera queftion ci-après.
Lacque de Kermès.
Le kermès dont il s’agit ici ., eft un galîinfe&e
qu’on trouve en Provence fur une petite efpèce
de chêne vert : on en retire une très-belle couleur
rouge par le procédé fuivant.
On prend quatre pintes d’eau froide, quatre
livres de fon de froment ; de fel de Levant & de
fenugrec, de chacun deux dragmes ; mettez toutes
ces matières au feu dans un chauderon, jufqu’à
ce que l’eau tiédiffe de manière à en pouvoir
fouffrir la chaleur avec la main : alors retirez l’eau
du feu & couvrez le chauderon d’un linge, afin
que la chaleur s’y conferve le plus long - temps
qu’il fe pourra, & laiflez repofer le mélange pendant
vingt-quatre heures , au bout defquelles vous
décanterez. Cette leflive peut être employée aux
ufages fuivans.
Prenez un vafe net, mettez-y trois pintes d’eau
& une du diflolvant ; & lorfqu’elle aura commencé
à bouillir, joignez des grains de kermès , pilés ainfi
qu’il fuit.
On pile, dans un mortier de bronze , une once
de grains de kermès ; oïl les fait enfuite pafler
entièrement par ufi tamis. Cela fait, prenez un
peu de tartre brut ; pilez-le dans le même mortier
: le tartre fe chargera de toute la teinture qui
fe fera attachée au fond du mortier & au pilon.
Jetez ce tartre mêlé avec la pondre dô grains
de kermès dans l’eau > lorfqu’elle aura commencé
à bouillir, & laiffez-y le mélange environ Tefpace
d’un miferere.
Ayez enfuite de la laine bien nettoyée & bien
lavée , & que vous aurez mife une demi - heure
dans un baflin d’eau froide.
Quand l’eau aura bien pris la teinture de ker-
mès, prenez la laine ; & après en avoir bien fait
fortir l’eau en la preffant, mettez-la dans la teinture
& remuez-la avec un bâton, afin qu’elle fe
charge promptement de la teinture; faiffez-la fur
le feu' dans cet état pendant une demi-heure, en la
faifant bouillir doucement.
Otez enfuite le pot du feu ; prenez la laine
avec une fpatule de bois bien nette, & jetez-la
dans un vaiffeau plein d’eau froide, que vous dé-*
canterez au bout d’une demi - heure pour y en
verfer de nouvelle.
Après avoir décanté cette fécondé eau, vous
prefferez la laine & la ferez fécher à l’abri de
toute pouflière , obfervant de l’étendre de peur
qu’elle ne fermente & ne s’échauffe.
Vous aurez grande attention que le feu foit
modéré, car un peu trop de chaleur rend la teinture
noire : vous ferez enfuite une leflive > comme
il fuit.
Vous mettrez des cendres de farment, de faule
ou de tout autre bois tendre, dans une toile de
chanvre pliée en double ; vous y verferez petit à
petit de l’eau froide qui fe filtrera dans un vafe
que vous mettrez deffous. Vous reverferez de nouveau
par-deflus les cendres, ce qui fe fera filtré.
Vous laifferezrepofer cette leflive pendant vingt-
quatre heures, afin que les cendres tombent au
fond & que la leflive devienne claire oc nette;
alors vous la décanterez dans un autre vafe, eu
ôtant tout ce qui eft fale & terreftre.
Mettez dans cette leflive froide la laine teinte
en écarlate, & faites - la bouillir à un feu très-
doux ; de cette manière la leflive fe teindra eu
rouge & fe chargera de la teinture de la laine : vous
la prefferez avec foin ; & s’il n’y refte plus de
couleur, vous ôterez le vaiffeau du feu ; car c’eft
une preuve que la leflive a enlevé toute la couleur
de la laine.
Prenez alors ce qu’on nomme communément la
chauffe d’Hippocrate; fufpendez-la au deffus d’un
chauderon affez grand , & filtrez ainfi toute la
teinture que vous mettrez dans la chauffe avec la
laine ; lorfqu’elle fera entièrement filtrée, prefîez
la chauffe & la laine pour en tirer toute la teinture
; enfin , retournez la chauffe & en ôtez la
laine pour la nettoyer.
Quand cela fera fait, prenez douze onces d’alun
de roche ; mettez-les dans un vafe de verre rempli
d’eau , & laiffez-les y jufqu’à ce que la folution
en foit entièrement faite ; filtrez cette folution pat
la chauffe , de manière que l’eau retombe dans
un vaiffeau mis au deffous , ôc verfez- la dans le
vaifreau où eft la teinture écarlate ; auflitôt il fe
formera un coagulum & la teinture fe féparera de
la leflive; mettez alors le tout dans une chauffe.
La leflive paffera toute claire, & la teinture demeurera
dans la chauffe. S’il paffoit quelque chofe
de la teinture, on n’auroit qu’à.la mettre à filtrer,
& l’opération feroit achevée.
Formez des boules de la couleur qui eft reftée
dans la chauffe, en vous fervant pour cela d’une
fpatule de bois bien propre ; étendezffes fur des
morceaux de linge que vous mettrez fécher fur
des briques nouvellement cuites , elles fécheront
promptement; ce qui eft nécefl'aire, parce qu’en
y féjournant long-temps la couleur fe gâte.
Si les_ briques font imbibées d’humidité, on en
remet d’autres à leur place.
Lorfque la lacque eft sèche , il faut l’ôter de
deffus les morceaux de linge ; alors on a une couleur
i très-bonne pour la peinture.
Il faut obferver que fl la couleur eft plus foncée
qu’il ne convient , il n’y a qu’à y mettre plus
d’alun de roche ; & que fi elle eft trop claire, il
faut en mettre moins. On pourra obtenir dé cette
„façon des couleurs telles qu’on les voudra.
Lacque de bois de Brèfil.
Pour tirer de la lacque du bois de Bréfil, c’eft
à peu près le même procédé que pour la tirer
des grains de kermès ; c’eft-à-dire, qu’il faut colorer
l’eau avec ce bois , en obfervant néanmoins
d’y employer moins d’alun que pour les grains de
; kermès. C’eft à l’expérience & à l’ufage à en mar-
[ quer la dofe.
De plus, il faudra mettre fur chaque livre de
| laine plus de bois de Bréfil que de kermès , parce
que ce bois ne contient pas tant de couleur. On
i aura par ce moyen une lacque auflï belle &-_à
I peü de frais.
Voici comment Birellus dit que l’on doit tirer
la lacque du bois de Bréfil. Il commence par extraire
la teinture de la laine; enfuite il prend une
I livre du bois coupé en morceaux , il vaudroit
I même mieux qu’il fût râpé.
Birellus recommande de faire bouillir ce bois -
j dans la leflive, jufqu’à ce qu’elle foit réduite de
I la hauteur d’un travers de doigt ; alors on la fihr-i
J & on y joint une once de gomme arabique en
I poudre.
| On fait enfuite réduire la liqueur filtrée, d’un
Irdemi-travers de doigt; on remue avec un petit
I bâton le tout , qu’on paffe enfuite à la chauffe
I d’Hippocrate.
I Les peintres préfèrent cette efpèce de lacque , 1, parce qu’elle eit bonne pour nuancer. ( Articles
K extraits du DiElionnaire de ilndufirie. )
Lacques rofettes & colombines.
[ Faites bouillir une livre de foude d’Alicante
J groflièrernent pilée, dans quatre p'mtes d’eau de
rivière. Au bout d’une demi-heure ôtez le chauderon
du feu, pofçz-le fur un tréteau pour la faire
précipiter.
Pendant ce temps-là, faires bouillir le marc de
huit onces de cochenille, dont on a tiré le carmin
, dans fix pintes d’eau, pendant une demi-
heure ; tandis que l’eau bout , jetez - y plein un
verre à vin de la leflive de foude clarifiée, cela aide
à l’entretien de la teinture.
Quand la demi-heure fera paffée, ôtez le chauderon
du feu ; & au bout d’une minute , verfez
le tout" à travers un tamis de crin paffablement
ferré, dans un baquet ou chauderon.
Cette teinture, telle qu’elle eft alors, s’appelle
petit rofige. Elle eft fort propre pour les enlumineurs
& les ingénieurs; elle forme, par le fecours
d’un peu de gomme , une encre rouge très-vive;
mais pour en faire de la lacque, on verfe par
deffus cette teinture de la leflive de foude pref-
crite ci-deffus , tirée au clair par le fiphon ou
filtrée.
Sitôt que ce mélange eft fait, on y verfe aufli
une livre d’alun de Rome ou autre, diffous dans
une pinte & demie d’eau bien clarifiée. Ce mélange
fe fait toujours à chaud.
Sitôt que l’alun y tombe , il fe fait une violente
fermentation ou combat de l’acide à l’alkali.
Quand cette fermentation eft ceffée , verfez
deffus de l’eau de puits & rempliffez-en votre baquet
: laiffez repofer vingt-quatre heures.
Décantez l’eau par inclinaifon & en remettez
de la nouvelle bien claire ; ce que vous répéterez
jufqu’à ce que l’eau qui en fort foit dépouillée de
toute acrimonie de fel , & abfolumenc infipide ;
car s’il y relloit des fels, la lacque corroderoit la
toile du tableau ; le luftre feroit voilé, & la lacque
aufli moins vive.
Quand elle fera donc bien & duement édulcorée,
verfez-en l’eau furnageante le plus près de
la fécule qu’il vous fera podible; puis paffez-la
fur une toile tendue & liée aux quatre bouts d’un
châfiis carré, monté fur quatre pieds élevés. L’eau
qui en découlera paffera toute blanche & fort vite.
Le lendemain vous amafferez la -fécule en tas
au fond de votre toile avec une cuiller , où elle
prendra, en dégouttant continuellement, la con-
fiftance convenable pour être trochifquée à travers
un entonnoir de fer - blanc, avec un petit
bâton à la main : ou bien l’on fait faire un entonnoir
avec un manche de bois enchâffé dans une
buze courte de même matière, au djffous duquel
on enchâffe aufli dans une autre petite buze', un
petit pied de bois qui doit être plus long d’un
quart de pouce que l’extrémité pointue de l’entonnoir
, à travers duquel paffe la lacque en pâte.
Par ce moyen, on n’a qu’à frapper un petit coup
du pied de l’entonnoir fur une table, une planche
ou une pierre, il en fortira un bouton pointu bien
formé, que l’on appelle trochifque.
B b i j